Crédit hypothécaire remboursé : et après?

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Une fois le prêt lié à l’acquisition de votre habitation familiale remboursé, une importante déduction fiscale tombe à l’eau. De quelles manières pouvez-vous espérer la compenser ?

En 1993, Anne et Johan contractent un emprunt hypothécaire pour pouvoir construire leur maison. Le couple emprunte alors à la banque 4 millions d’anciens francs belges — environ 100.000 euros — sur une échéance de 20 ans. Fin 2013, cet emprunt vient à terme. Anne et Johan s’interrogent sur l’incidence de cette échéance sur le calcul de leur impôt annuel. Un avantage fiscal de taille Dans la mesure où ce crédit a été contracté avant le 1er janvier 2005 — à compter de cette date, la fiscalité appliquée à l’habitation familiale a en effet été modifiée par l’instauration du bonus logement (lire l’encadré), Anne et Johan bénéficient d’une mesure de réduction fiscale pour les amortissements de capitaux, les intérêts et les primes liées à l’assurance de solde restant dû. Il s’agit plus particulièrement de la réduction fiscale “épargne logement” pour les amortissements et les primes de l’assurance de solde restant dû ainsi que la “déduction d’intérêts complémentaires” pour les intérêts. “Epargne logement” signifie que les amortissements du capital et les primes fournissent un avantage fiscal équivalent au taux d’imposition le plus élevé (50 %) majoré de la taxe communale ; la déduction complémentaire d’intérêts signifie que les intérêts en sus du revenu cadastral sont déductibles pendant les 12 premières années de l’emprunt. Nous vous épargnerons les détails. Sachez seulement que grâce à cette mesure, Anne et Johan économisaient chaque année un millier d’euros. Ils risquent à présent de perdre cet avantage fiscal. Comment le compenser ? 1. Contracter une assurance-vie fiscale “Si Anne et Johan n’ont pas l’intention d’emprunter à nouveau pour rénover leur maison ou pour acquérir une seconde résidence, ils peuvent tous deux contracter une assurance-vie fiscale afin de réaliser une économie qui remplace les avantages fiscaux liés au crédit logement qui a été remboursé”, explique John Romain, administrateur-directeur de la société de planification financière Finotheker-Immotheker. Il peut s’agir d’une assurance-vie du type branche 21 (protection de capital + taux garanti) ou d’une assurance-vie de type branche 23 (pas de protection de capital, ni de revenu garanti).

Ces dernières années, le rendement garanti d’une branche 21 a reculé à environ 2 %. N’espérez donc pas plus que 2 à 3 % au cours des prochaines années, participation au bénéfice incluse. Si l’on considère vos avantages fiscaux et l’imposition en fin de parcours (lire par ailleurs), vous obtenez un rendement net compris entre 5,2 et 6,9 %.

Les assurances-vie de la branche 23 sont couplées à des fonds de placement. Les fonds sous-jacents peuvent être des fonds d’actions, d’obligations ou mixtes (actions et obligations). Les fonds de la branche 23 ont à nouveau la cote car l’épargne ne rapporte plus rien et les actions redeviennent populaires. Sur la base des données historiques des cinq dernières années, un investissement dans une branche 23 aurait produit, en fonction du fonds de placement, un rendement net compris entre 3,1 et 11,8 % (les rendements passés ne constituant évidemment pas une garantie pour l’avenir).

La prime qu’Anne et Johan peuvent verser dans une assurance-vie de la branche 21 ou 23 qui produit un avantage fiscal est calculée à partir de leur revenu professionnel imposable net. La prime déductible représente 15 % sur la première tranche de 1.880 euros du revenu professionnel imposable net plus 6 % sur le reste, avec un maximum de 2.260 euros par personne par an (année de revenus 2013). La réduction fiscale sur la prime s’élève pour tous à 30 % de la prime, à majorer de la taxe communale, à partir de l’année de revenus 2013. On appelle ceci également la réduction fiscale “épargne de long terme”. Anne et Johan vivent dans une commune appliquant une taxe de 7,5 % ; leur avantage fiscal maximal s’élève, hors impôt communal, à 660 euros et impôt compris à 706,20 euros pour chacun.

John Romain met toutefois le contribuable en garde : “Sur chaque prime versée, l’épargnant se voit imposer une taxe de 2 %. Qui plus est, Anne et Johan doivent tenir compte de l’imposition en fin de parcours. S’ils commencent à épargner pour le long terme avant l’âge de 55 ans, une taxe libératoire de 10 % sera prélevée lorsqu’ils souffleront leur 60e bougie.” Si Anne et Johan commencent à épargner pour le long terme après 55 ans, ils ne seront imposés avantageusement à 10 % qu’au dixième anniversaire du contrat.

“Si votre maison est remboursée, l’épargne de long terme est certainement une option, dans la mesure où elle combine rendement et avantage fiscal, conclut John Romain. Cela dit, il faut pouvoir vous passer quelque temps de cet argent car celui-ci sera indisponible pendant la durée de votre contrat. Mieux vaut commencer l’épargne de long terme avant l’âge de 55 ans et attendre, pour prélever le capital, que soit passé votre 60e anniversaire. Tenez également compte des frais de sortie, qui peuvent être lourds puisqu’ils portent sur la durée totale… Autrement dit, aussi longtemps que le contrat n’est pas éteint. En théorie, ces frais de sortie s’élèvent à 5 % pour la durée totale mais les cinq dernières années, ils se réduisent à 1 % annuellement, pour terminer à zéro.

2. Emprunter pour rénover l’habitation propre et unique Une deuxième manière de continuer à bénéficier d’un avantage fiscal consiste à conclure un emprunt pour des travaux de transformation de l’habitation propre et unique. Anne et Johan pensent rafraîchir leur salle de bains, remplacer les châssis et placer un chauffe-eau solaire, le tout pour 50.000 euros. Ils s’interrogent sur le bien-fondé d’un emprunt. Johan et Anne sont tous deux âgés de 50 ans, ont deux enfants et perçoivent un revenu net mensuel de 3.600 euros. Ils ne souhaitent pas consacrer plus de 600 euros par mois au remboursement d’un emprunt et préféreraient avoir apuré toutes leurs dettes pour leur soixantième anniversaire. Le couple envisage initialement un prêt à tempérament, qui présente l’avantage d’être obtenu facilement. Dans la mesure où la banque ne prend aucune hypothèque sur la maison, cette option leur évite également de devoir payer des frais de notaire et des droits d’enregistrement.

A un taux fixe de 5,10 % sur 10 ans, cet emprunt leur coûterait 529,84 euros par mois. En fin de course, Johan et Anne auront déboursé 13.580,61 euros sous la forme d’intérêts. Cela dit, la formule n’est pas optimale. John Romain le confirme : “Le prêt à tempérament ne satisfait pas aux conditions imposées pour bénéficier du bonus logement pour l’habitation propre et unique. L’Etat n’encourageant pas ce type d’emprunt, le couple n’obtiendra pas d’avantage fiscal.”

Anne et Johan songent alors à un crédit hypothécaire, auquel cas le couple devrait payer 2.754 euros de frais d’acte chez le notaire. Pour que la comparaison tienne la route, ils considèrent qu’ils doivent emprunter ce montant en plus des frais de rénovation de 50.000 euros. Ils arrivent donc à une somme empruntée totale de 52.754 euros. La banque leur propose un taux fixe de 3,10 % sur 10 ans. Chaque mois, ils rembourseront le cas échéant 510,86 euros. Le coût total de cet emprunt atteint 11.303 euros (2.754 euros de frais d’acte + 8.549 euros d’intérêts).

L’avantage de cette formule est qu’elle leur permet de bénéficier du bonus logement. John Romain précise en effet que “leur remboursement annuel de 6.130,35 euros sous forme de capital et d’intérêts cadre avec l’assiette fiscale de 3.010 euros par personne et par an (6.020 euros par couple). Sur cette somme, l’Etat leur offre un avantage fiscal de 45 % + taxe communale. Sur 10 ans, ils se voient dès lors restituer, au travers de leur déclaration d’impôt, 29.793,27 euros sur un bonus logement total d’environ 61.303 euros ! Cette solution se traduit par une réduction du taux net payé de 40 % !”

Autrement dit, l’emprunt hypothécaire d’Anne et Johan est assurément une option rentable. Le crédit leur coûte finalement 2.754 (frais d’acte) + 8.549 euros (intérêts), mais le fisc leur rétrocède 29.793 euros, soit une différence positive, en leur faveur, de 18.490 euros. Anne et Johan avaient besoin de 50.000 euros pour leurs travaux mais ceux-ci leur coûtent en définitive, en considérant tous les avantages fiscaux octroyés, 31.510 euros. En d’autres termes, l’Etat finance environ 37 % de leur projet de rénovation. Dans la mesure où emprunter n’est pas gratuit, les remboursements annuels, à un intérêt non versé de 3 %, totalisent 36.574 euros.

3. Acheter une deuxième maison La dernière option envisagée consiste à acquérir une seconde maison en vue de la louer. Si Anne et Johan contractent en 2013 un emprunt hypothécaire pour une seconde maison, ils peuvent encore déduire le capital, sous certaines conditions (hypothèque, emprunt étalé sur au moins 10 ans, contracté auprès d’un organisme financier situé dans l’Espace économique européen) à concurrence d’un plafond de 75.270 euros. Le capital limité donne ensuite droit, à concurrence d’un montant de 2.260 euros par personne, à une réduction d’impôts — épargne de long terme — à l’impôt des personnes physiques de 30 % + taxe communale.

S’il s’agit d’une résidence secondaire ou d’un immeuble qu’Anne et Johan donnent en location pour une affectation privée (donc pas dans un cadre professionnel), ils ne seront pas imposés sur le loyer (effectif) mais sur le revenu cadastral indexé (RC) majoré de 40 %. S’ils contractent un emprunt complémentaire pour acquérir ce logement, ils pourront porter en déduction de ce montant les intérêts payés. “Imaginez que le revenu cadastral non indexé d’une résidence secondaire s’élève à 1.500 euros, poursuit John Romain. Anne et Johan seraient le cas échéant imposés sur 1.500 x 1,6813 (indexation pour année de revenus 2013) + 40 % = environ 3.530 euros. Ce montant est ajouté chaque année à leur revenu imposable et ils pourraient facilement devoir payer 50 % d’impôts sur la somme. Si le couple contracte un crédit pour financer cette résidence secondaire, il peut porter les intérêts payés sur ledit prêt en déduction de ce montant imposable. S’ils empruntent sur 20 ans et qu’ils versent annuellement des intérêts minimum de 3.433 euros à la banque, ils bénéficient d’une épargne fiscale de quelque 68.660 euros (3.433 x 20 ans) sous la forme d’intérêts, ce qui, à un taux d’imposition de 50. %, procure une épargne fiscale de 34.330 euros + taxe communale.”

JOHAN STEENACKERS

Ce qu’il faut en retenir Même après remboursement de votre emprunt hypothécaire, il est toujours possible de bénéficier d’avantages fiscaux : en contractant une assurance-vie fiscale, en empruntant pour des travaux de rénovation à effectuer dans votre propre habitation, ou pour financer l’achat d’une résidence secondaire ou d’un immeuble donné ensuite en location. Attention : ces trois formules ne sont pas fiscalement conciliables.

Vous devrez donc opérer un choix. D’après nos calculs, l’avantage fiscal le plus intéressant est produit par un emprunt hypothécaire contracté en vue de rénover votre habitation propre et unique.

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