Comment le Code du développement territorial va impacter l’immobilier wallon

SIMPLIFICATION. A l'avenir, les chantiers d'envergure, comme Court-Village à Court-Saint-Etienne, devraient être mis en oeuvre plus aisément. © EQUILIS

On y est. Enfin. Le Code du développement territorial entrera en vigueur en mai ou juin 2017. Cette refonte importante de la manière d’aborder l’aménagement du territoire wallon aura des répercussions évidentes pour les promoteurs immobiliers.

Mieux vaut tard que jamais. Evoqué en 2011, adopté en 2014, réévalué en 2015 et réadopté au forceps en juillet 2016, le nouveau Code du développement territorial (CoDT) qui doit mettre fin à l’indigeste et obsolète Cwatupe entrera en vigueur en mai ou juin 2017. Un dossier capital pour l’immobilier wallon. Car ce code détermine en fait ce que l’on peut construire en Wallonie, comment et sous quel gabarit. Son efficacité est le garant de la bonne santé du secteur de la construction. Avec des permis octroyés rapidement ou dans des délais déterminés, c’est toute une chaîne qui peut rouler des mécaniques. Les entrepreneurs font tourner les machines (et donc l’économie régionale), les promoteurs peuvent établir un calendrier fiable et les investisseurs ne voient pas leur argent bloqué pendant des années. Un rouage essentiel donc.

Le CoDT permettra de passer plus de temps sur la qualité des projets que sur leur conformité.” Francis Haumont, avocat.

Une question taraude toutefois le secteur depuis de longs mois : ce nouveau code va-t-il vraiment mettre de l’huile dans le moteur et enfin permettre un développement territorial rapide et cohérent ? Les avis sont mitigés, c’est le moins que l’on puisse dire. ” Le texte n’est pas parfait mais il y a des avancées, c’est certain, confesse Francis Carnoy, directeur de la Confédération construction Wallonie. Il y a une simplification des démarches, ce qui devrait accélérer les procédures. Les délais relatifs à l’octroi de permis ne sont pas plus courts mais plus précis. Les communes auront davantage de temps pour travailler. Il y a des nouveautés intéressantes, comme le fait que les communes qui sont en retard devront rembourser les frais de dossier au demandeur. Cela va mettre une pression supplémentaire sur leurs épaules. Si elles ne répondent pas dans les temps, elles seront aussi dessaisies du dossier. Cela va les responsabiliser. ” A contrario, faute de temps, elles risquent de sélectionner les dossiers où elles souhaitent garder la main et les autres, moins intéressants ou plus compliqués, qu’elles laisseront aux fonctionnaires délégués. ” La lisibilité est quand même bien améliorée, ce qui devrait faciliter le travail des promoteurs, estime l’avocat Francis Haumont, l’un des grands spécialistes wallons du droit de l’urbanisme. Les contraintes des documents d’urbanisme ont été assouplies. Seul le plan de secteur garde sa valeur réglementaire. Cela permettra de passer plus de temps sur la qualité des projets que sur leur conformité. Et cela, c’est une nette avancée ! ”

La fin des recours en série

Il était temps, diront certains. Il faut dire que l’on vient d’une situation particulièrement problématique. Avec, lors de demandes de permis, des retards énormes, une insécurité juridique et des difficultés d’interprétations de la part des services d’urbanisme. L’objectif de la réforme a donc été d’assurer une meilleure prévisibilité des décisions, d’accélérer les procédures et d’assurer une meilleure sécurité juridique. De quoi permettre de répondre au défi démographique et de lutter contre l’étalement urbain, credo en vogue en Wallonie. Des conditions qui devraient favoriser, comme le prédit le Bureau du Plan, la création de 435.000 logements d’ici 2040. ” Avec ce texte, nous sommes dans quelque chose de beaucoup plus pragmatique, estime Aubry Lefebvre, directeur du développement chez Thomas & Piron. Tout n’est pas solutionné, loin de là. Mais abroger les plans communaux d’aménagement (PCA) est une bonne chose. Ils pouvaient retarder un projet pendant deux à trois ans. Il y aura aussi moins de dérogations, ce qui diminuera notre exposition à des recours devant le Conseil d’Etat. En matière de délais, il y a des avancées importantes. Il faut parfois attendre six mois pour obtenir un accusé de réception. Ici, ce sera dans les 20 jours. Obligatoirement. ” Et sa consoeur, Nathalie Henry, responsable du développement immobilier chez Cobelba, de faire toutefois remarquer : ” Les délais officiels actuels sont relativement courts et les communes ne parviennent pas à les respecter. J’ai donc des craintes pour le futur “.

Des délais plus courts ne sont pas nécessaires du moment que les délais légaux sont respectés. ” Aubry Lefebvre (Thomas & Piron)

Si le CoDT est dans toutes les têtes depuis quelques mois, l’incertitude autour de sa date d’entrée en vigueur n’a pas encore ralenti le marché. Mais cela pourrait arriver. ” Les promoteurs qui ont des dossiers qui traînent depuis des années avec des vieux PCA vont mettre leur projet au frigo, estime Aubry Lefebvre. A contrario, des terrains achetés il y a 20 ans avec la garantie d’une certaine densité établie par un PCA, pourraient voir leur valeur s’effondrer avec le CoDT, puisqu’ils n’auront plus aucune garantie en matière de densité. ” Des acteurs comme Matexi ou Immobel sont les premiers concernés.

Cette réforme aura-t-elle les moyens de ses ambitions ? Les services urbanisme des communes sont actuellement dépassés par la charge de travail et, le plus souvent, en sous-effectifs. Les différents fonctionnaires délégués de la région (représentant du ministre à l’échelon provincial) ne sont pas mieux logés. En témoigne l’exemple du Brabant wallon où, sur les sept architectes qui composaient encore l’essentiel des troupes il y a un peu plus de trois ans, ils ne sont aujourd’hui plus que 2,6 encore au poste (deux temps plein avec un 3/5 en renfort). Et ce pour cause de départs, transferts à Namur et autres arrêts maladie, tous non remplacés… ” Il est temps que les communes se dotent d’effectifs à même de répondre aux demandes “, estime Nathalie Henry. Et Virginie Richiuso, conseillère à la Confédération construction, d’embrayer : ” Ce n’est pas toujours une question d’effectifs. Il s’agit aussi parfois d’une question d’efficacité ou d’organisation. Les espoirs sont donc permis “.

3 questions à Carlo Di Antonio (CDH)
Comment le Code du développement territorial va impacter l'immobilier wallon
© PG

Le ministre de l’Aménagement du territoire touche au but. L’arrêté d’application du CoDT devrait être approuvé en décembre. Le gouvernement wallon décidera alors de la date d’entrée en vigueur du texte.

TRENDS-TENDANCES. Le CoDT va-t-il réellement faciliter la vie des promoteurs ?

CARLO DI ANTONIO. C’est l’objectif. Leurs principales demandes étaient de diminuer la longueur des procédures, d’avoir une meilleure prévisibilité des décisions et de mettre en place une sécurité juridique plus forte pour les permis. On a globalement rencontré leurs demandes. Ils auraient voulu des délais encore plus courts en matière de délivrance de permis.

Sera-t-il plus aisé de développer à l’avenir des projets d’envergure ?

Des outils ont été mis en place pour permettre le développement de projets d’ampleur dans les centres- villes. La réhabilitation des 400 sites à réaménager (SAR) wallons sera également facilitée.

Le CoDT permettra-t-il enfin à la Wallonie d’avoir une véritable politique de développement territorial ?

Je suis persuadé que les deux outils que nous développons sont vraiment dynamiques et correspondent à la demande. Le CoDT va permettre de mettre les projets en ordre et de faciliter la prise de décision. Alors qu’avec la politique des Quartiers nouveaux, l’accent est mis sur des projets exemplaires visant à répondre aux grands enjeux démographique et environnemental de demain.

Par Xavier Attout.

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