Ce qu’il faut savoir avant d’acquérir une seconde résidence en France

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Evoquer le marché des secondes résidences outre-Quiévrain exige d’avoir un regard immobilier, mais aussi fiscal. Si le premier est plus lumineux aujourd’hui qu’hier, le second s’est alourdi. Avant de passer à l’acte, mieux vaut lire les conseils que nous livrent ici des experts belges et français.

“Le marché immobilier français des résidences secondaires se porte très mal, comme celui des principales, d’ailleurs.” Le constat de Me Pierre Bazaille, notaire à Givors (Lyon) et président du Marché immobilier des notaires, est sans appel. “Les deux dernières années ont été marquées par une diminution extrêmement sensible du nombre d’acquéreurs étrangers, et ce, sur l’ensemble des marchés dits de secondes résidences.” A savoir le marché “bleu” des côtes méditerranéenne et atlantique (Côte d’Azur, Bassin d’Arcachon, Bretagne, Normandie…), qui nous intéresse ici, mais aussi le “vert” des campagnes de l’intérieur des terres (Ardèche, Vaucluse, Drôme, Creuse…) et le “blanc” de la montagne (Savoie, Haute-Savoie, Hautes-Alpes…). “La conjoncture économique difficile touche la brique française de plein fouet, surtout si elle a un caractère de loisirs”, poursuit le notaire. Résultat ? “Il y a beaucoup de biens à vendre et peu de transactions. Les prix ont chuté de 5 %, soit une baisse supérieure à celle, générale, que connaît le marché immobilier français.”

Un tableau plutôt noir, qui s’éclaircit, à tout le moins se nuance, pour deux marchés en particulier. En effet, si le marché “vert” se caractérise par une “déprime généralisée”, le “bleu” et le “blanc” présentent un bilan à deux vitesses. “En montagne, le très haut de gamme se maintient et, par endroits, n’est absolument pas impacté par la morosité ambiante, pointe Me Bazaille. A la mer, l’affaissement de l’activité immobilière épargne certains lieux de villégiature privilégiés de la Côte d’Azur, comme Cannes ou Saint-Tropez, par exemple (lire également notre dossier en pages suivantes). De même, les biens qui cumulent une excellente situation avec une belle vue et un environnement agréable ne verront pas leurs tarifs baisser. Tandis que la rotation est encore bonne pour les biens de petits budgets, soit de moins de 180.000 euros.” A contrario, la tranche de prix qui court de 200.000 à 350.000 euros s’essouffle. Dans ces conditions, conclut le notaire, les vendeurs sont condamnés à saisir l’opportunité de céder leur bien à un prix moindre qu’espéré quand elle se présente ou à se résoudre à attendre des jours meilleurs.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, si les vendeurs s’arrachent les cheveux, les acheteurs, eux se frottent les mains. “Il y a de bonnes affaires à faire”, assure Me Bazaille. Attention toutefois à ne pas se laisser emporter par ces “soldes” immobilières pour acheter sans réflexion préalable tout et n’importe quoi. En effet, les seuls droits d’enregistrement (5,80 % dans la plupart des départements français) sur l’achat d’un bien ancien, la TVA sur le neuf (20 %) et les frais d’acquisition (1 % de frais de notaire + TVA et 0,10 % de contribution de sécurité immobilière) ne sont pas les uniques frais auxquels les amoureux de la Douce France s’exposent.

L’optimisation fiscale Selon Bertrand Marot, fiscaliste et directeur du Comptoir français de l’institution financière belge Petercam, tout Belge qui se respecte “se concentre d’abord sur l’optimisation fiscale avant tout autre aspect relatif à l’acquisition d’une seconde résidence”. Soit avant même de se mettre en quête du bien idéal. Une précaution qui, dans le cas de la France, n’est pas superflue étant donné les récents rebondissements dans la loi fiscale.

“La France présente des particularités fiscales par rapport à la Belgique, que ce soit au niveau de la détention ou du transfert du patrimoine, explique l’expert. En ce qui concerne la première, deux taxes sont réclamées tous les ans par l’administration fiscale française aux résidents belges propriétaires d’une seconde résidence, comme à tout propriétaire de bien immobilier en France qui l’occupe personnellement : la taxe foncière et la taxe d’habitation. Outre ces deux taxes, il faut être attentif à deux postes en particulier : l’impôt sur le revenu et l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF.” Contrairement à la Belgique, l’Etat français ne prend pas en compte le revenu cadastral (appelé, outre-Quiévrain, valeur locative brute) dans le calcul de l’impôt sur le revenu. “Par contre, il faut renseigner cette valeur locative brute, imputée au moins des taxes foncières et de la taxe d’habitation, dans sa déclaration fiscale belge, ce que beaucoup oublient de faire”, met en garde Bertrand Marot.

Quid du fameux ISF, qui a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années ? “Il ne concerne que les personnes physiques et, parmi elles, celles qui détiennent un patrimoine net d’au moins 1,3 million d’euros.” Autant le dire tout de suite, la solution-miracle de l’achat via une société n’est néanmoins pas, ici, intéressante. “L’ISF n’ayant pas d’équivalent en Belgique, aucune convention fiscale de double imposition n’a été signée entre les deux pays en la matière, détaille le fiscaliste. La loi fiscale française prévaut donc et, sous réserve que le seuil d’imposition ait été franchi, assujettit à l’ISF les associés de toute société dite à ‘prépondérance immobilière’ c’est-à-dire toute société dont le patrimoine français est composé majoritairement d’actifs immobiliers en France. La France peut aussi appréhender le patrimoine immobilier situé en France détenu en société si le capital social est détenu majoritairement par un groupe familial, alors même que les actifs immobiliers français représentent moins de la moitié de l’ensemble des actifs français.”

Autre remarque importante : toute dette liée à un emprunt bancaire est déductible du calcul de ces 1,3 million d’euros. “Il peut donc être intéressant d’opter pour un prêt bancaire si la valeur de la propriété immobilière que l’on s’apprête à acquérir est supérieure au seuil de soumission à l’ISF, et ce même si l’on a suffisamment de fonds propres pour s’offrir ce bien sans solliciter l’aide d’une banque”, souligne Bertrand Marot. L’arbitrage à effectuer le cas échéant est complexe puisque le coût du crédit contracté va se substituer au coût de l’ISF et que les fonds propres non injectés dans le bien pourront être judicieusement placés dans des actifs porteurs, afin de couvrir l’ensemble de l’opération. “Actifs qui, dans le contexte actuel de taux extrêmement bas que nous connaissons, sont susceptibles de présenter un certain degré de risque”, avertit-il.

Décourageante taxation des plus-values Autre aspect à envisager avant d’acheter, le transfert du patrimoine, qui compte plusieurs cas de figure : la vente, la succession ou la donation. En cas de vente tout d’abord, il faut se montrer particulièrement attentif à la taxation des plus-values immobilières, extrêmement stricte en France. “Le point d’orgue de ce régime fiscal est la durée de détention du bien au terme de laquelle le vendeur pourra s’affranchir de cette taxation, souligne l’expert. Elle est passée de 22 ans à 15 ans en 2004, puis à… 30 ans depuis 2012.” Cette année, la loi a été aménagée et prévoit désormais deux délais : 22 et 30 ans. Le premier concerne l’impôt sur le revenu, qui s’élève à un taux unique de 19 % ; le second est relatif aux prélèvements sociaux, qui s’appliquent à un taux unique de 15,5 %. Le tout étant encore majoré d’une taxe additionnelle, tant et si bien que, dans le worst case scenario, la plus-value imposable est susceptible d’être taxée à hauteur de… 40 %.

“C’est décourageant, admet Bertrand Marot. Mais il y a tout de même une lueur d’espoir en ce qui concerne l’un de ces deux impôts, celui des prélèvements sociaux. Il s’agit en réalité de l’addition de cinq impôts différents qui sont à la base du financement de la sécurité sociale et qui concernent tant la plus-value immobilière que les revenus locatifs. Juqu’en août 2012, les résidents belges n’y étaient pas soumis, ce qui était normal : ces derniers ne cotisant pas, cet impôt n’est pas justifié à leur encontre. A présent, ils y sont soumis. La Commission européenne a constaté l’infraction et le dossier a été porté devant la Cour de Justice européenne, qui devrait remettre sa décision dans les mois prochains. La France sera plus que probablement condamnée.” Quelle attitude adopter en attendant ? “Payer l’impôt mais éviter de se faire piéger par des délais de prescription en adressant dès maintenant une lettre de réclamation au fisc français.”

FRÉDÉRIQUE MASQUELIER

Retrouvez cet article complet dans le magazine Trends-Tendances de cette semaine.

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