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Il vaut mieux trop que trop peu

26 juillet 2012 – 22 août 2014. Tel aura été le sursis accordé à l’Europe et surtout à l’euro, en panne désespérée de croissance depuis la crise financière de 2008. Deux dates marquées par des discours forts de Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), le premier regonflant d’espoir le coeur des Européens… le second leur nouant l’estomac d’angoisse : alors que l’on croyait ce risque écarté, l’euro menace-t-il à nouveau d’exploser ?

Petit retour en arrière. En été 2012, Super Mario avait rassuré tout le monde avec son fameux “whatever it takes” (“La BCE fera tout pour sauver l’euro”), laissant entendre que cette dernière ferait usage, s’il le fallait, d’outils non conventionnels du type des rachats d’obligations opérés aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, bien que l’Allemagne y soit farouchement opposée.

A cette époque, le simple fait de rendre publiquement cela “possible” avait redonné confiance aux marchés et ouvert la voie à une (faible) relance, supportée ensuite aussi par un abaissement prolongé des taux. Aujourd’hui, alors que les mots sont sensiblement les mêmes – à Jackson Hole le 22 août dernier, au grand rassemblement des banquiers centraux, Mario Draghi a en effet affirmé que la BCE, “conformément à ses mandats, userait de tous les instruments disponibles pour assurer la stabilité des prix sur le moyen terme” – le sentiment est tout autre. D’abord parce que si Mario Draghi s’exprime en ces termes, c’est que la situation est aussi grave qu’il y a deux ans. Et parce que de facto, si les belles promesses d’alors nous ont ramenés à la case départ, il n’y a que peu de chances que leur reformulation soit plus salutaire cette fois-ci.

La BCE aurait-elle dû pour autant s’engager plus tôt sur la voie du quantitative easing (QE), ces rachats d’obligations à l’anglo-saxonne ? Pas forcément. Car une inflation basse et une devise forte, telle qu’on les connaît aujourd’hui, ne sont pas nécessairement dramatiques pour une économie en transformation : cette situation (pour peu qu’elle ne dure pas éternellement) booste en effet le pouvoir d’achat et la confiance des ménages, ce qui n’est pas à négliger. Et puis, cela a d’ailleurs fait l’objet de la conclusion du président de la BCE il y a 15 jours, la politique monétaire ne peut à elle seule résoudre les problèmes structurels de la zone euro. Ce qu’il faut pour recréer de l’emploi et restaurer la croissance, c’est une combinaison d’actions monétaires, fiscales et structurelles menées tant au niveau de l’Union qu’au niveau des Etats membres, favorisant les investissements productifs – ce que le quantitative easing ne garantit pas.

Alors que même l’Allemagne, maillon fort de l’économie européenne, commence à montrer des signes d’essoufflement, que les sanctions menées à l’égard de la Russie dans le cadre du conflit ukrainien font souffrir toutes les entreprises européennes, il est grand temps de prendre le taureau par les cornes. L’expérience montre aujourd’hui que l’Europe a péché par excès de prudence, et Mario Draghi lui-même reconnaît que l’austérité assortie d’une politique monétaire vraisemblablement trop peu accommodante n’ont pas suffi. A ce stade, on ne peut plus craindre d’en faire trop et se contenter de solutions “possibles” – aux Etats-Unis, les mesures XXL ont d’ailleurs porté leurs fruits. La différence est que, chez nous, les très grands résultats ne peuvent être atteints que si chaque petit pays, et en particulier ceux à qui il reste un peu de marge de manoeuvre financière, y met un peu du sien. C’est probablement ce que Monsieur Draghi sera allé susurrer à l’oreille de Madame Merkel et Monsieur Hollande cette semaine.

CAMILLE VAN VYVE

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