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Hyperinflation ou étalon-or ?

Il ne se passe pas une semaine sans qu’un ouvrage apocalyptique soit publié au sujet de l’écroulement du système financier mondial. A les lire, l’humanité serait aux berges d’un tsunami monétaire eschatologique qui submergerait un siècle de monnaie-papier.

Au gré des frayeurs de l’un ou l’autre prédicateur, l’économie occidentale serait noyée par une vague d’hyperinflation ou calcifiée par un retour à l’étalon-or. Ce ne sera ni l’un ni l’autre, car, au-delà des contraintes monétaires, ce qui prime, c’est le maintien de l’ordre social. En d’autres termes, l’harmonie des rapports humains gouverne toujours les rigueurs monétaires. Au reste, qu’est-ce que la monnaie, si ce n’est une convention étatique portant sur le pouvoir d’achat futur d’un bout de papier ? L’exemple grec est, à cet égard, très révélateur : ceux qui croient qu’on impose, dans des bureaux feutrés, des disciplines monétaires à un peuple en ébullition et aux souffles de rébellion, devraient relire l’histoire monétaire des deux derniers siècles.

En matière monétaire, l’Etat, qui est le reflet des réalités sociales dans un contexte démocratique, a toujours le dernier mot, et ce pour une raison bien simple : la monnaie-papier a cours légal et est imposée par les pouvoirs publics. Les Etats ont imposé leur propre dette comme monnaie légale, puisque cette dernière est inscrite au passif des banques centrales. D’ailleurs, on peut oser l’intuition que sans la tutelle de la monnaie-papier et la disparition de l’étalon-or, l’Etat n’aurait pas pu construire un système providentiel conduisant à un endettement qui est devenu insoutenable. En d’autres termes, la précarisation de la monnaie a été (et sera vraisemblablement) la seule manière de financer l’Etat-providence

Dans cette perspective, un phénomène d’hyperinflation n’est donc jamais un hasard puisque c’est l’Etat qui l’organise, comme dans la République de Weimar de 1923 ou au Zimbabwe. L’hyperinflation n’est donc pas spontanée, elle relève d’un choix politique et peut donc, à ce titre, être évitée.

Un rapport de conversion mobile et discrétionnaire

Un retour à l’or est tout aussi improbable, puisque cela signifierait que certains puissent échapper à l’obligation imposée par les Etats que sa monnaie ait cours légal. De plus, un étalon-or supposerait un rapport de conversion avec la monnaie-papier. Or ce rapport est fixé par les Etats : il est mobile et discrétionnaire. L’or ne retrouvera jamais son rôle d’étalon monétaire et sera au mieux un moyen de placement accessoire. Seule l’admission de l’or comme une monnaie ayant cours légal permet de contourner cette réalité, ainsi que l’Etat américain d’Utah l’a voté en 2011.

Faut-il regretter ces temps anciens de la monnaie métallique et des références aurifères ? Probablement pas car la référence à l’étalon-or constitue un frein à la croissance puisque la masse monétaire est bornée par les ressources minières qui limitent les volumes de commerce aux capacités d’extraction. Mais, ce qui est troublant, c’est qu’au cours de l’histoire, l’or fut un refuge métallique autant pour les épargnants que pour les institutions chargées d’assurer la confiance monétaire. En d’autres termes, les Etats tirèrent parfois eux-mêmes grand profit de l’étalon-or, et ceci au détriment de leurs propres citoyens.

Toutes les communautés gardent les mêmes réflexes en cas de perte de confiance, se précipitant vers les repères métalliques lorsque les jalons monétaires deviennent flous. A l’aune des leçons de l’histoire, le sauvetage bancaire, tel qu’effectué par les pouvoirs publics, s’avère être une démarche optimale. Mais les injections de liquidité, plans de relance et déficit budgétaire auront un prix, un jour. C’est sans doute ce qui explique le réflexe de thésaurisation en or.

Pourtant, il faut se rappeler qu’en avril 1933, quatre ans après le premier choc de la grande dépression, le gouvernement de Roosevelt décida de mettre en £uvre une répression financière destinée à éviter que certains échappent à l’effort collectif : la détention d’or par des particuliers fut interdite. Elle ne fut restaurée que 42 ans plus tard, en 1975. Et en 1971, le président Nixon suspendit la convertibilité du dollar en or avant d’affirmer le flottement du dollar en 1973. Il n’y avait pas d’autre solution : les réserves officielles américaines d’or représentaient moins du quart des engagements officiels.

Quelles sont les leçons à tirer de ces quelques lignes : tout d’abord que les deux points extrêmes des aboutissements financiers de la crise semblent improbables. L’hyperinflation ne pourrait qu’être décrétée par des Etats, ce qui est contraire à la stabilité de la monnaie. Et un retour à l’étalon-or semble tout aussi douteux au motif que l’or n’est plus un référentiel international adapté.

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