Marc Buelens

‘Une nouvelle technologie ne perce que s’il y a aussi des applications liées au sexe’

Marc Buelens Professeur

Internet s’est développé à une vitesse fulgurante, beaucoup plus vite que prévu, grâce au porno. C’est ce que dit Marc Buelens, professeur émérite à la Vlerick Business School.

Trouvez-vous la fintech ennuyeuse ? Dans ce cas, j’ai une bonne nouvelle : la prochaine mode sera celle de la sextech. Janet Lieberman et Alexandra Fine, une psychologue clinicienne et une ingénieure, ont récolté quelque cinq cent mille euros via crowdfunding en 2014, ont fondé Dame Products, lancé leur produit sur le marché en 2015 et elles naviguent actuellement dans le sillage de Facebook et Google. Avec une mission originale : ‘to close the pleasure gap between women and men‘ (combler l’écart de plaisir entre les femmes et les hommes). Je soupçonne que cette définition de mission ressemble très peu à la vôtre. Vous aimez les actionnaires, les clients, les collaborateurs et peut-être même l’ensemble de la société. Vous désirez peut-être même être le fournisseur privilégié. Mais désirez-vous également combler l’écart de plaisir ?

Leur produit ? Eva. Quel nom original pour un produit en faveur des femmes. Eva est un petit vibromasseur ovoïde – mis au point par des ingénieurs du MIT – permettant d’avoir les mains libres s’il est disposé au bon endroit. Un autre produit, Lioness, est pour moi de la vraie sextech : il vibre, mais il ne compte pas moins de trois capteurs (pour la température, le mouvement et la pression). De cette manière, votre plaisir est visualisable via une app’ et vous pouvez commencer un processus d’apprentissage accéléré.

Hackathon

Le génie est libéré. Le 10 juin, le premier hackathon dédié à la sextech s’est tenu à New York. Un hackathon est une réunion – compétitive ou non – de développeurs de logiciels et de sites web pour travailler sur des projets communs. En l’occurrence, sur le thème quasiment le plus important du monde. La continuité de la race humaine est en jeu. Plusieurs études montrent que nous avons de moins en moins de rapports sexuels. La situation est comparable à la crise des commerces traditionnels. Le consommateur a d’agréables alternatives sur internet. Nous passons trop peu de temps dans un lit, et trop avec notre ordinateur. Question pour les développeurs de sextech : comment pouvez-vous conduire les couples dans un lit afin qu’ils y passent du bon temps ? Ces termes semblent en contradiction, les histoires ‘tech’ dans un lit ne font que détourner l’attention des gestes qui comptent vraiment. Pourtant, c’est justement là que se trouve le défi de la sextech. Rendre le tout plus amusant, plus excitant, plus facile.

Le gagnant du premier hackathon sextech est une équipe qui a développé une app’ pour lancer la conversation sur le sexe entre parents et enfants. Et vous qui pensiez qu’il s’agirait surtout de pornographie en réalité virtuelle.

Une nouvelle technologie ne perce que s’il y a aussi des applications liées au sexe

Les (S)experts présagent que la sextech deviendra un business qui drainera des milliards. Libérez votre fantaisie, cher lecteur, et vous aurez rapidement le sentiment que ce type de prévision n’est pas aussi frivole qu’il n’y paraît. J’ai peut-être bien formulé la première loi de Buelens : une nouvelle technologie ne perce que s’il y a aussi des applications liées au sexe. Le magnétoscope avait pour objectif l’enregistrement de programmes, mais la VHS (vous vous souvenez ? cette catastrophe avec une mauvaise qualité d’enregistrement) a percé notamment parce qu’il y avait davantage de sextapes disponibles que sur les systèmes de Sony ou de Philips.

Honte et inconfort

Le plus grand enthousiasme envers la sextech vient du côté féminin. Le sexe semble encore et toujours susciter plus rapidement des sentiments de honte et de gêne chez les femmes (en moyenne, lecteur critique, en moyenne). D’une étude récente, il ressort qu’un très grand nombre de femmes se font des soucis à propos de l’odeur de leur vagin. Imaginez que vous trouviez une solution technique discrète à cette source de frustration. Tout magazine féminin qui se respecte a une rubrique ‘relations et sexe’. Systématiquement des domaines où une discrète app’ pourrait aider.

Vous connaissez probablement le Fitbit, un de ces bracelets que vous pouvez porter pour savoir si vous bougez suffisamment. D’autres bracelets existent aussi sur le marché. Connaissez-vous AVA ? Un bracelet et bijou fonctionnel qui dit précisément aux femmes quand elles sont fécondes. D’une étude auprès de 41 femmes suisses, il est ressorti que l’appareil est très fiable : il était capable d’indiquer les cinq jours les plus féconds. Dans chacun des cas, beaucoup plus précisément que la méthode de la température ou la méthode Ogino-Knaus dont je me souviens encore de mes cours de catéchisme, lorsque l’utilisation du préservatif était presque aussi immorale que le viol.

J’attends la prochaine encyclique pour connaître l’opinion de l’église catholique sur la sextech. A lire sur votre smartphone.

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