UE: le sommet “numérique” de Tallinn rattrapé par la réalité

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Victoire étriquée d’Angela Merkel en Allemagne, projet d’Emmanuel Macron pour l’Europe, Brexit: le sommet européen sur l’avenir numérique de l’Europe, organisé par la présidence estonienne vendredi à Tallinn, devrait être bousculé par une actualité bien plus terre à terre.

Plus que le sommet numérique lui-même, c’est un dîner informel programmé la veille, jeudi soir, qui cristallise l’attention. Les dirigeants de l’UE, dont la Première ministre britannique Theresa May, s’y retrouveront à 28 pour évoquer le futur de l’Europe, à l’issue de semaines de rentrée particulièrement denses.

“Afin d’assurer un échange ouvert, franc et informel (…) aucun texte ne sera présenté et nos discussions ne donneront pas lieu à des conclusions écrites”, a déjà prévenu Donald Tusk, le président du Conseil européen, qui représente les Etats membres, dans une lettre d’invitation à leur attention.

Cette rencontre au sommet sera la première pour la chancelière allemande Angela Merkel depuis sa réélection en demi-teinte dimanche pour un quatrième mandat.

Affaiblie par le succès historique de la droite nationaliste, Mme Merkel devrait être contrainte de s’allier avec les Libéraux, peu enclins à renforcer l’Europe, au moment même où l’UE, France en tête, espérait justement profiter d’une “fenêtre d’opportunité” pour progresser sur le sujet.

Le président français Emmanuel Macron doit ainsi prononcer mardi après-midi un discours sur l’avenir de l’UE, où il plaidera en faveur d’une Europe à plusieurs vitesses.

Parmi ses propositions, qu’il pourrait ensuite développer à Tallinn, la création d’un gouvernement économique de la zone euro, avec un ministre et un budget propres, contrôlés par un Parlement de la zone euro.

Outre l’Allemagne, il lui faudra aussi convaincre le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui s’est plutôt positionné mi-septembre, dans son discours-programme sur l’état de l’UE, en faveur d’une Europe soudée, “plus unie”.

“C’est vrai que je ne pense pas exactement comme M. Macron. Ma préférence, ce sont 27 Etats membres qui agissent ensemble et qui avancent ensemble”, a-t-il affirmé la semaine passée.

Avant de nuancer: “Mais quand ce n’est pas possible, une Europe à plusieurs vitesses vaut mieux que le surplace.”

‘Déjà un succès’

Le Brexit pourrait lui aussi s’inviter à Tallinn. Une quatrième session de négociations entre Bruxelles et Londres s’est ouverte lundi et s’achèvera jeudi à la mi-journée, quelques heures à peine avant le dîner des chefs d’Etat et de gouvernement, prévu à 21H00 (18H00 GMT), auquel doit participer Theresa May.

Lors de récents sommets informels sur l’avenir de l’UE en Slovaquie, à Malte et en Italie, le Royaume-Uni n’avait pas été convié.

“Nous sommes très heureux que la Première ministre soit à Tallinn”, assure un diplomate européen. “Nous rejetons l’idée selon laquelle on ne peut pas parler avec la Première ministre dans la salle.”

Mme May a plaidé vendredi en Italie, lors d’un discours très attendu, en faveur d’un Brexit “soft”, s’engageant à “honorer” les engagements financiers pris par son pays en tant que membre de l’UE, dans une tentative de relancer des négociations compliquées.

Mais si les discussions s’enlisaient malgré tout cette semaine, le Brexit, qui officiellement n’est pas au programme de Tallinn, pourrait constituer le plat de résistance des dirigeants européens.

“C’est le moment de la clarté”, a plaidé lundi le négociateur en chef de la Commission européenne pour le Brexit, le Français Michel Barnier.

Dans ce contexte chargé — auquel on peut ajouter le référendum d’autodétermination catalan, interdit par Madrid et qui doit se tenir le 1er octobre — l’Estonie, qui assure la présidence tournante de l’UE pour six mois, pourrait peiner à faire exister la dimension “numérique” de son sommet.

“Les dirigeants sont libres de parler de ce qu’ils veulent. Mais d’une certaine manière, le fait qu’un tel sommet se tienne est déjà un succès”, estime une source au Conseil.

Parmi les sujets discutés vendredi: la cybersécurité ou la libre-circulation des données, que ce petit pays balte à l’avant-garde sur le numérique considère comme une priorité pour l’UE.

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