Stratégie Dreamworks

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Après le triomphe d’Avatar, l’avenir est la 3D. C’est l’avis de Jeffrey Katzenberg, créateur et patron du studio DreamWorks Animation. L’Américain présente en Europe ses prochaines productions en relief, Dragons et Shrek 4.

Vous êtes l’un des grands promoteurs du cinéma en relief. Comment analysez-vous les débuts de cette technologie ?

Jeffrey Katzenberg : Ce que nous espérions a bien eu lieu. 2009 a été l’année de la 3D au cinéma avec trois films d’animation, Monstres contre Aliens, Volt, star malgré lui et L’Age de glace 3. Mais ce qui a vraiment changé le marché, c’est le succès planétaire d’Avatar, du génial James Cameron. Ce film a ouvert de nouveaux horizons aux cinéphiles et aux studios. Il permet de mieux entrevoir les possibilités offertes par cette nouvelle technologie. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin de convaincre les exploitants de salle de s’équiper en 3D. Le succès d’Avatar vaut tous les discours du monde !

Qu’est-ce qui vous amène en Europe ?

Je suis ici pour présenter deux des trois prochains films en relief que nous sortons en 2010, Dragons et Shrek 4, il était une fin. Fort de notre première expérience dans ce domaine, nous continuons à explorer cette nouvelle technologie et commençons à peine à découvrir son potentiel. Quand le premier film en couleurs, Le Magicien d’Oz, est sorti au cinéma, il a révolutionné le genre et conduit les réalisateurs à multiplier les expériences. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec la 3D.

En période de crise, n’est-il pas risqué de demander aux spectateurs de débourser 2 euros de plus pour voir un film en relief ?

Savez-vous que le prix du billet n’a pas bougé depuis des années ? Le 7e art reste un divertissement abordable, et accessible tant il existe de salles. Et même si nous traversons une grave crise économique, les gens sont prêts à payer un peu plus cher pour vivre une expérience nouvelle. Pour preuve, le cinéma ne s’est jamais aussi bien porté que l’an dernier. Lorsqu’ils ont le choix entre aller voir un film dans sa version classique ou en relief, les gens choisissent, dans la plupart des cas, la seconde option.

Quatre films en relief seront diffusés simultanément ce mois-ci alors que les salles sont loin d’être toutes équipées. Les exploitants ne suivent pasà

En l’espace d’un an, le nombre de salles 3D à l’international – plus de 6 100 aujourd’hui – a déjàété mul- tiplié par quatre. Mais les Etats-Unis sont à la traîne. Là-bas, ce chiffre n’a même pas doublé : il est juste passé de 2 100 à 3 800 salles ! Voilà pourquoi les quatre films vont devoir batailler pour se faire une place sur les écrans. C’est dommage. Alice au pays des merveilles ou Avatar ne me posent pas de problème, ils étaient programmés de longue date. Mais, au dernier moment, Warner Bros a décidé de convertir son film d’action Le Choc des titans en 3D. Or, à l’origine, ce film n’a pas été tourné en relief. Je ne l’ai pas vu, je ne sais pas ce qu’il vaut. Mais, s’il est mauvais, il portera préjudice à tout le monde. S’il est bon, alors, je n’aurai plus qu’à me taire.

Les premiers téléviseurs en relief vont arriver sur le marché cette année. Vous attendez-vous à une forte demande ?

Je suis très confiant. Aux Etats-Unis, les experts tablent sur la vente, dès 2010, de 3 millions de téléviseurs 3D. Et, pour 2011, les estimations font état de 30 millions d’écrans écoulés à travers le monde. Ce rythme d’adoption est bien plus rapide que ce que nous anticipions. Le sport et les jeux vidéo seront les premiers contenus diffusés en relief : beaucoup de gens vont vouloir s’équiper.

Deux studios, MGM et Miramax, sont à vendre. Hollywood connaît-il une crise du financement ?

Ce n’est pas notre cas. Nous finançons 100 % de nos créations, nous ne sommes pas endettés, et nous détenons plusieurs centaines de millions de dollars en banque. En revanche, les producteurs de films d’action grand public rencontrent des difficultés. Leur modèle économique a changé, ils sont sous pression en raison de la chute du marché des DVD. Nos produits ne sont pas touchés par ce recul. Les mères de famille continuent d’acheter des films d’animation pour leurs enfants. Leur progéniture veut voir et revoir le même film, des dizaines, des centaines de fois. [Rires.]

Vous avez créé, à Broadway, une comédie musicale à partir de l’un de vos héros, Shrek, qui n’a pas marché. Allez-vous la promouvoir dans d’autres pays, et en réaliser de nouvelles ?

Les temps sont durs à Broadway. Nous avons pâti d’une image de spectacle pour enfants, alors que ce show est destinéà un public bien plus large. Perçu comme une comédie familiale, Shrek, The Musical, n’a pu être exploitéà sa juste valeur. Mais nous n’allons pas nous arrêter là. Shrek démarre une tournée américaine (Chicago sera la première étape) et il débarquera en Europe au premier semestre 2011. Nous sommes toujours en négociation pour déterminer dans quel pays. Pour la suite, nos films Madagascar, Dragons et Kung Fu Panda pourront se prêter, eux aussi, à une adaptation en comédie musicale. Vous aurez des nouvelles à ce sujet dans les prochains mois.

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Dreamworks Animation : beau monstre

DreamWorks Animation est le dernier grand studio hollywoodien à demeurer indépendant. Le seul à ne pas avoir été absorbé par l’une des cinq grandes majors – Sony Pictures, Warner Bros, Paramount, Universal Studios et Walt Disney. Cette soif d’indépendance remonte à son origine.

En 1994, le réalisateur Steven Spielberg, l’ex-responsable des studios de Walt Disney Jeffrey Katzenberg et le producteur de musique David Geffen s’associent pour créer DreamWorks SKG, à l’ombre des géants du cinéma. A chacun son rôle : les films d’action pour le premier, l’animation pour le deuxième, tandis que le troisième prend en charge le développement d’un label musical. Mais les débuts sont difficiles. La société frôle à deux reprises la faillite : les mauvaises performances de l’activité animation pèsent sur les résultats. Fourmiz, sorti en 1998, est éclipsé par son concurrent 1 001 Pattes, réalisé par le studio Pixar. Puis, l’échec de Sinbad, la légende des sept mers achève de mettre à mal la jeune entreprise. Il faudra attendre les aventures d’un ogre sale et affreux, entièrement réalisé par ordinateur, pour que le studio connaisse son premier grand succès et trouve, enfin, son identité.

En prenant le contre-pied de l’univers plein de bons sentiments de Disney, Shrek décroche la timbale. Il rapporte près d’un demi-milliard de dollars au box-office et remporte l’oscar du meilleur film d’animation. Les aventures du monstre vert font l’objet de deux autres volets et permettent à la société de prendre son envol. Cette fois en solo, car l’activité musicale est cédée à Universal Music et la production de films d’action passe sous le contrôle, d’abord de Paramount, puis du conglomérat indien Reliance.

Désormais indépendant, Dream- Works Animation poursuit son développement. Cotée en Bourse depuis 2004, la firme réalise plus de 720 millions de dollars de chiffre d’affaires et produit deux ou trois films par an. Désormais, le temps est venu pour son ogre fétiche de prendre sa retraite. Place au bestiaire de Dragons ! The show must go onà

E. Pa.

Propos recueillis par Emmanuel Paquette

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