Sept questions sur l’arrivée de Netflix en Belgique

© dvd.netflix.com

Après de longs mois de tergiversations et de rumeurs, Netflix, le spécialiste de la vidéo à la demande sur abonnement s’installera cette année encore sur notre marché, plus précisément en septembre. Va-t-il tuer les chaînes de télé ? Va-t-il bousculer les opérateurs ? Peut-il séduire le consommateur ?

C’est confirmé: en septembre, Netflix débarquera bien en Belgique, ainsi que dans cinq autres pays européens. “En septembre, nous lancerons Netflix en Allemagne, France, Autriche, Suisse, Belgique et au Luxembourg”, écrit le groupe dans sa lettre trimestrielle à ses actionnaires.

Depuis quelques mois et sa montée en puissance en dehors des Etats-Unis, les rumeurs sur l’arrivée de Netflix en Belgique ont enflé… et avec elles, moult fantasmes quant à l’impact de cet acteur sur les opérateurs, les chaînes de télé et l’ensemble de l’écosystème belge de la télévision et du cinéma. Car il s’agit d’un mastodonte qui pourrait jeter un pavé dans la mare.

A l’origine, Netflix était une entreprise de location de DVD par correspondance. L’essor du Web l’a fait se repositionner en une société de diffusion de vidéo sur Internet, sur abonnement. Depuis près de deux ans déjà, le leader américain du streaming vidéo a commencé à poser les pierres d’une expansion en Europe. Fort de ses 36 millions d’abonnés aux Etats-Unis, il cherche en effet des relais de croissance sur le Vieux Continent. Après s’être installé dans les pays scandinaves, au Royaume-Uni puis aux Pays-Bas, il passe désormais à la vitesse supérieure. D’ailleurs, depuis janvier, Netflix a engrangé 4 millions de nouveaux utilisateurs à travers le monde, dont près de la moitié en Europe. Cela lui a permis d’enregistrer une progression de 77,6 % par rapport à début 2013.

Les chaînes payantes (comme BeTV) vont-elles en souffrir ? L’offre de Netflix contient essentiellement du “catalogue”, c’est-à-dire les films et séries qui ont déjà été diffusés au cinéma, mais aussi sur les chaînes payantes type BeTV et, enfin, sur des chaînes en clair comme la RTBF ou RTL-TVi. Ce sont donc des contenus amortis sur les précédentes diffusions et qui ne coûtent pas très cher à Netflix.

Netflix et BeTV ne se battent donc pas, il est vrai, pas sur les mêmes contenus. Christian Loiseau, deputy general manager chez BeTV, se montre serein et soutient que sa chaîne a, de nouveau, signé des contrats d’exclusivité pour le marché belge francophone avec les plus gros studios pour plusieurs années. La chaîne payante insiste en outre sur son propre service du genre : “Be à la demande”. Les abonnés BeTV peuvent déjà visionner les principaux programmes de la chaîne, à tout moment.

Pour Fabrice Massin, directeur exécutif interactive media de la RTBF, Netflix “joue essentiellement sur la long tail pour les films ; c’est-à-dire qu’ils ont un catalogue particulièrement large dans les films les plus anciens.” Ce large catalogue couplé à une bonne connaissance des consommateurs donne à Netflix une belle force de frappe. C’est l’avis de Thierry Tacheny, administrateur délégué de Divedia, société de conseil aux médias. “Depuis longtemps, Netflix analyse les différents formats de contenus et les habitudes de consommation de ses clients, observe-t-il. Et cette intelligence, Netflix peut la mettre à profit pour disposer d’un système ultra-poussé de recommandations au public qui se montre particulièrement satisfait du service.” A terme, il s’attend à ce que le type de consommation de la vidéo et de la télé évolue donc, avec le risque de grignoter du temps (et des abonnements ?) auprès des spectateurs des chaînes payantes mais aussi de chaînes gratuites qui devront repenser la manière de diffuser leurs contenus.

Netflix va-t-il doper les nouvelles générations de téléviseurs ?

Pour le moment, Netflix se regarde via le Web. Il est, bien sûr, possible de brancher son ordinateur sur un écran de télévision, mais tous les consommateurs ne sont pas prêts à le faire. Il est aussi possible d’avoir Netflix sur un téléviseur connecté au Web. Ces engins sont d’ailleurs de plus en plus nombreux sur le marché belge. Chez Samsung, on évalue leur nombre à plusieurs centaines de milliers. Mais seulement 65 % de leurs propriétaires la connectent au Net et 35 % de ces derniers (seulement) utilisent régulièrement la connexion. Mais aux Pays-Bas, où Netflix et Samsung ont noué un partenariat, “l’application Netflix est la plus populaire, souligne Bruno Tazzer, product manager TV chez Samsung. Et cela augmente particulièrement l’usage de la connexion web sur les téléviseurs.” De là à devenir un véritable argument de vente, il n’y a qu’un pas. Netflix a, d’ailleurs, tout intérêt à cela : c’est en effet sur l’écran de télé que le service américain a le plus de chances de s’imposer.

Ses propres séries sont-elles vraiment un argument de vente ?

Personne n’y échappe : Sony, Microsoft, Google,… tous commencent à produire leurs propres contenus, séries en tête. Netflix ne fait pas exception et a déjà consacré des millions de dollars pour produire des séries inédites, parmi lesquelles la célèbre House of Cards. Pour 2014, Netflix aurait pas moins de huit autres séries dans les cartons. “Netflix a déjà remis à plat les codes des séries télé, analyse Fabrice Massin (RTBF). Ils proposent des saisons courtes de 10 ou 12 épisodes alors que les autres sont plutôt sur 24 épisodes. L’intérêt ? Cela leur permet d’attirer des grandes stars comme Kevin Spacey, Halle Berry ou Jane Fonda, qui n’auraient pas dégagé autant de temps pour les tournages.”

Chez BeTV, on relativise : d’une part, la proportion de ces séries est minimale “sur les centaines de séries qui sortent chaque année”. D’autre part, BeTV a déjà eu les droits exclusifs sur des séries produites par Netflix, comme House of Cards, suivi de près par la RTBF qui a obtenu les droits sur sa fenêtre d’exploitation. Détail croustillant : il se peut qu’au moment de l’arrivée de Netflix chez nous, le géant américain ne puisse pas diffuser la saison 2 de sa série vedette, dont BeTV a négocié les droits exclusifs et qu’elle a déjà diffusée. Par contre, rien ne l’empêcherait de diffuser, rapidement après, la troisième saison, de sorte à attirer tous les mordus des premières saisons… Si tout le monde s’accorde à dire que les séries de Netflix sont essentiellement des “outils marketing”, leur succès, malgré leur nombre limité (mais cela évolue), en font un atout majeur. Il faut dire que Netflix construit ses séries grâce au big data : la firme américaine se base sur les goûts de ses utilisateurs (les films populaires, les recherches effectuées, etc.). “Personne ne connaît mieux son public que Netflix, insiste Thierry Tacheny. Et sur la base de ces infos, Netflix a déterminé que Kevin Spacey était le bon acteur, qu’il fallait tel type de personnage féminin, etc.”

Netflix va-t-il proposer du contenu local ?

Netflix base son offre sur les séries et films internationaux. On ignore d’ailleurs s’il les proposera en version doublée ou pas. Toutefois, on ne s’attend pas à ce que l’offre Netflix permette de regarder des émissions belges ou même des séries ou films produits localement. Et si certains espèrent que Netflix sera soumis à des obligations de soutien à la production locale, il y a peu de risque que ce soit le cas : son siège est actuellement situé au Luxembourg et devrait déménager prochainement vers les Pays-Bas. Mais Freddy Tacheny n’exclut pas qu’un jour Netflix, pour attirer le public (flamand surtout qui est très attiré vers les séries locales), propose une fenêtre aux producteurs néerlandophones et devienne, pour eux, un kiosque intéressant. Il faut dire que Netflix a déjà annoncé son intention de produire, en France, une série tournée à Marseille. Bientôt à Gand ou Anvers ?

Les Belges sont-ils prêts à payer pour Netflix ?

“Aux Etats-Unis, Netflix fonctionne surtout parce que les Américains sont contraints de payer très cher leur abonnement au câble et leur connexion à Internet, nous glisse un expert. Netflix permet donc aux ménages de faire de substantielles économies…” De fait, il faut compter “entre 90 et 120 dollars pour l’abonnement télé, précise Thierry Tacheny. Plus environ 40 dollars pour l’accès haut débit au Web”. Netflix serait donc plus attirant, de ce fait, pour le public américain, par ailleurs bombardé de pub pendant ses soirées télé sur les chaînes classiques.

“L’offre télé chez nous étant tellement peu chère que ça n’empêchera pas les abonnés de prendre un forfait à moins de 10 euros par mois, en plus de leur abonnement télé, avance Thierry Tacheny. Netflix va même probablement se servir dans la poche du consommateur avant pas mal d’acteurs. Cela risque, par contre, d’être des revenus en moins pour les opérateurs comme Belgacom et Telenet.”

Netflix fera-t-il voler en éclats la “neutralité du Net” ?

Aux Etats-Unis, la consommation de Netflix est telle que le service occupe jusque 30 % de la bande passante des réseaux des opérateurs à certains moments. Pour garantir la disponibilité de son service et sa qualité de diffusion, Netflix n’a pas hésité à nouer un partenariat avec différents opérateurs, dont Comcast et Verizon. Cela ressemble à un coup de griffe au principe de la neutralité du Net qui veut qu’un opérateur ne peut avantager (ou désavantager) un acteur sur son réseau, en améliorant ou en dopant son trafic. Les réseaux des opérateurs doivent, en principe, être accessibles pour tout acteur de manière égale. L’Europe semble vouloir consacrer ce principe. Par contre, aux Etats-Unis, le régulateur n’exclut pas la possibilité de faire payer les géants du Net pour l’usage du réseau. Une aubaine pour les opérateurs qui constatent tous que des acteurs comme YouTube ou Netflix consomment une part importante de la bande passante qu’ils déploient à grands frais. A intervalles réguliers, les opérateurs évoquent de faire payer ces entreprises qui génèrent de gros profits sans les rétribuer. La brèche ouverte par Netflix aux Etats-Unis laisse penser qu’un jour, en Europe, cela pourrait aussi se produire. En tout cas à moyen ou long terme…

Netflix signera-t-il des deals avec les opérateurs télécoms ?

On a tendance à opposer Netflix aux opérateurs télécoms comme Belgacom ou Telenet qui déploient, eux aussi, leurs offres de “subscription vidéo”. Pas plus tard que le mois passé, Belgacom a dévoilé son Movie and Series Pass, qualifié par certains “d’offre anti-Netflix”. Mais rien n’indique que Netflix ne deviendrait pas leur partenaire. Aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, Netflix a noué des deals avec certains telcos pour que son service soit disponible sur leur décodeur. Une manière évidente pour Netflix d’arriver facilement sur l’écran de télé du grand public. Pour les opérateurs, ce peut être un élargissement de leur offre avec un nouveau service attractif. “Notre ADN est d’apporter au client le contenu le plus large possible”, répond Haroun Fenaux, porte-parole de Belgacom. Pour certains opérateurs, de plus petite taille (Mobistar, Base) cela aurait aussi du sens : cela leur éviterait de longues négociations pour les droits et leur apporterait une offre attractive d’anciens contenus. Il nous revient que Netflix a d’ailleurs déjà lancé quelques discussions avec plusieurs opérateurs belges.

CHRISTOPHE CHARLOT

Netflix pour les nuls Concrètement, Netflix est une plateforme en ligne permettant au surfeur de souscrire à un abonnement pour avoir accès, de manière illimitée, à un large catalogue de contenu, Pour environ 8 dollars par mois (on ignore encore le tarif en Belgique), les Américains peuvent profiter des films et séries qui font partie du catalogue de Netflix, essentiellement des séries et films relativement vieux (dont les droit ont déjà été revendus aux chaînes de télé, payantes puis en clair). Le client abonné à Netflix peut choisir parmi l’offre proposée le film qui lui convient, au moment voulu, et démarrer le visionnage. Certains comparent Netflix au “Spotify de la vidéo”. Pour regarder Netflix, le consommateur peut s’en tenir à son écran de PC, son smartphone ou sa tablette, ou bien en profiter sur son écran de télé. Pour cela, il doit soit disposer d’une télévision connectée, soit relier son ordinateur à sa télévision.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content