Réalité augmentée: les lunettes de la guérison

Présentation de la technique 3D Arile à l'Institut Fraunhofer de Darmstadt. © BELGAIMAGE

Quand la chirurgie et la psychiatrie font appel au virtuel pour traiter des cancers ou soigner l’autisme.

La réalité augmentée (RA) – la superposition d’éléments d’un monde virtuel sur le monde réel- n’a pas encore trouvé sa killer app (une application si attrayante qu’elle justifie à elle seul l’achat ou l’adoption d’un équipement particulier). Les forces armées s’y intéressent. C’est également le cas d’industriels et de sociétés de jeux vidéo. Mais en 2019, l’application ” qui tue ” pourrait bien être à l’exact opposé de son sens littéral, et sauver des vies. En effet, cette technologie commence à bouleverser l’art de la médecine.

Bien réalisée, la RA rend l’invisible – ou du moins, le difficilement visible – facilement reconnaissable. La réalité augmentée 3D dans l’extraction des ganglions lymphatiques (technique dite Arile) développée sur le campus de l’Institut Fraunhofer de Darmstadt, en Allemagne, en est un exemple. Elle traite les mélanomes malins, le type de cancer de la peau le plus mortel.

Ganglion fluorescent

Les tumeurs initiales du mélanome sont des lésions cutanées clairement visibles. Néanmoins, le cancer se propage rapidement à d’autres parties du corps par voie lymphatique, à commencer par les ganglions lymphatiques dits sentinelles. Malheureusement, les limites de ces ganglions sont difficiles à discerner pour l’oeil humain. 3D Arile se fonde sur l’injection d’un colorant dans les ganglions ; il devient fluorescent une fois exposé à la lumière infrarouge. Un réseau de caméras capte la fluorescence et une image tridimensionnelle de la structure de chaque ganglion est ensuite superposée au ganglion lui-même, grâce à une paire de lunettes spéciales portée par le chirurgien. Celui-ci peut donc retirer chaque morceau d’un ganglion et toutes les cellules tumorales qui l’entourent avant qu’elles ne s’étendent à d’autres parties du corps.

Mais ce principe de 3D Arile se déploie à d’autres domaines de la chirurgie, avec des variantes. Ainsi, plutôt que de créer des lunettes sur mesure, comme les chercheurs de Fraunhofer, d’autres privilégient un système standard, les lunettes HoloLens de Microsoft, où une image des parties pertinentes du corps d’un patient (formée par différentes techniques d’imagerie médicale) est superposée à celle du corps réel, ce qui permet aux chirurgiens de voir plus facilement ce qu’ils font pendant l’opération.

Des chercheurs de l’université Duke en Caroline du Nord et d’Info Support, une entreprise numérique néerlandaise, utilisent par exemple HoloLens pour développer des systèmes d’aide à la neurochirurgie. Les chercheurs de l’Imperial College de Londres ciblent, eux, les vaisseaux sanguins. Quant aux chercheurs de l’Université de Stanford, ils cherchent à utiliser un système similaire pour la chirurgie mammaire.

Jeux thérapeutiques

La RA est également sur le point d’être déployée comme forme de thérapie pour les enfants autistes, un trouble du développement caractérisé par une incapacité à lire les émotions des autres. Brain Power, une entreprise du Massachusetts, adapte des Google Glasses pour tenter de surmonter cette ” cécité émotionnelle “. La petite caméra des lunettes transmet ce que l’enfant voit dans le cloud, pour y faire analyser les données par des algorithmes d’intelligence artificielle. Les lunettes peuvent également projeter des informations dans le champ visuel de l’enfant, et lui proposer par exemple des jeux thérapeutiques en fonction de ce qu’il regarde. Cette approche est certes actuellement encore à l’essai. Mais puisqu’elle s’appuie sur des méthodes qui ont fait leurs preuves sur des écrans d’ordinateur, son succès semble probable.

Par Geoffrey Carr.

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