Publicité : Google sous le feu des grandes marques

Les nouvelles règles de la publicité sur Google, qui permettent à n’importe qui d’acheter n’importe quel mot-clé, même une marque déposée, rendent fous les annonceurs. Ils demandent à Google de faire marche arrière.

Le changement de politique de Google AdWords, qui autorise depuis le 14 septembre dernier les clients de ses liens sponsorisés à acheter n’importe quel nom de marque déposée comme mot-clé, même s’ils n’en sont pas les propriétaires, continue de faire des remous chez les marques.

Dans un courrier adressé à Eric Schmidt, CEO de Google, l’Union des annonceurs (UDA), l’Union des fabricants (Unifab), le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) et le Syndicat de la presse magazine (SPM) ont, en France, réitéré leur volonté de voir Google revenir sur cette décision. Ce n’est pas rien. Ensemble, ces organisations représentent tous les grands noms de l’industrie, des services et de la presse.

Un seul objectif : le retrait du dispositif

“L’UDA, l’Unifab, le SPQN et le SPM appellent Google, compte tenu de sa place dans le référencement numérique, à se comporter comme un partenaire économique loyal et responsable, respectueux des droits de propriété intellectuelle de ses clients et soucieux de prévenir tout impact négatif lié à son activité, exprime le courrier. C’est pourquoi, au nom de l’ensemble des entreprises qu’elles représentent, elles demandent à nouveau à Google que sa politique de liens commerciaux prenne en compte la protection effective des marques et offre aux entreprises dans les plus brefs délais des solutions concrètes.”

Concrètement, ils demandent le retrait du nouveau dispositif et le retour à la situation antérieure, sans autre forme de procès. Avant, une marque pouvait se mettre sur une sorte de liste noire pour se protéger. “Il y a trop de risque, explique Gérard Noël, vice-PDG de l’UDA. Nous avons déjà des exemples d’annonceurs qui se plaignent des dérives que nous craignions : renvoi vers des sites de contrefaçon, détournement de flux commercial, etc.” Exemple de ce type de détournement : un importateur automobile qui achète une marque de constructeur pour, au final, aiguiller vers un achat qui sortira du réseau de concessionnaires de la marque.

Depuis le changement de politique de Google, l’UDA, l’Unifab et les syndicats de presse n’ont cessé d’être en contact avec la direction de Google France, qu’ils ont encore rencontrée vendredi dernier, et Google Europe. Mais les réactions du géant de l’Internet, “incomplètes et très lentes”, n’ont pas été satisfaisantes, regrette Gérard Noël. D’où la décision d’écrire directement à Eric Schmidt, car “nous pensons que le véritable centre de décision est aux Etats-Unis”, poursuit-il.

Gérard Noël, qui affirme qu’au sein de l’UDA, “aucune voie discordante” ne s’est fait entendre pour défendre le nouveau système d’AdWords, critique absolument tout de ce dispositif : “Le système de surveillance a posteriori ne peut être efficace car le mal est déjà fait. Quant au contrôle actif, qui consiste à vérifier de temps en temps si les mots-clés ne renvoient pas vers des sites de contrefaçon, Google reconnaît lui-même qu’il fonctionne mal. L’avis de la cour européenne de justice, que le moteur cite comme justification de sa politique, n’est pas un bon argument. Enfin, pourquoi étendre à l’Europe un système qui n’existe pas, par exemple, au Brésil ou en Australie ?”

Gentlemen agreements ou veille systématique

En attendant, certaines marques ont trouvé des accords informels pour ne pas se tirer dans les pattes. Un gentlemen’s agreement que pratique par exemple eBay. Dans d’autres cas, il faut agir une fois que la publicité est en ligne. Encore faut-il être mis au courant. C’est pour répondre à ce nouveau besoin que GroupM Interaction, agence numérique d’achat média du groupe WPP, a créé Brand Alert Service, un nouveau service vendu 650 euros par mois, qui “informe l’annonceur dès qu’un concurrent ou un revendeur se positionne sur l’un de ses mots-clés, puis évalue le risque pour la marque, la persistance de l’utilisation de ces mots clés, en fournissant une documentation précise de la situation”.

Pour Gérard Noël, ce type d’outil reste un “pis-aller qui ne peut être complètement efficace puisque il intervient a posteriori“. Le service semble toutefois séduire les clients de l’agence. “Les marques sont hyper-préoccupées, indique Olivier Mazeron, directeur général. Cela fait des dizaines d’années qu’elles investissent des dizaines de millions d’euros dans leurs marques, et là, elles risquent une perte de valeur, la confusion, ou un vrai préjudice financier lorsqu’il s’agit d’intermédiaires, sites d’e-commerce notamment, qui vont détourner le trafic de la marque.”

Brand Alert ne résout pas tout. Une fois l’acheteur du mot-clé repéré, la marque devra entamer toute une procédure, vis-à-vis de Google ou directement de l’annonceur, pour trouver une solution. Elles le feront, car elles ne sont pas prêtes à lâcher l’affaire.

Raphaële Karayan, L’Expansion.com

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