Pourquoi Groupon s’est refusé à Google

6 milliards de dollars. C’est ce que Google était prêt à débourser pour racheter Groupon. Un montant record pour le moteur de recherche mais qui n’a pas suffi à convaincre le leader des coupons de réduction sur l’Internet. Décryptage.

Groupon a-t-il eu raison de ne pas se faire racheter par Google ? Celui-ci a-t-il bien fait de ne pas proposer plus que les 6 milliards de dollars (dont 700 millions de bonus indexés sur les performances de l’entreprise) déjà offerts ? Analystes et observateurs étaient manifestement divisés après le refus, ce week-end, des fondateurs de Groupon de vendre leur start-up à la première entreprise mondiale du Web.

Ce n’est pas le succès de Groupon qui est en doute. Créé voici deux ans, le leader des offres de réduction événementielles et locales sur l’Internet serait en effet déjà rentable. Contrairement à YouTube, première acquisition phare de Google, le modèle économique semble au point : le site prend 50 % de commission sur le chiffre d’affaires généré par les opérations de couponing. Or, Groupon bat tous les records de croissance établis par les pionniers du web, eBay… et Google.

Son chiffre d’affaires pour 2010 atteindrait entre 500 millions et 600 millions dollars selon certains… et 2 milliards de dollars selon d’autres. Une fourchette suffisamment large pour rendre difficile toute évaluation d’un “juste prix”, fait remarquer le Financial Times . Même en prenant l’hypothèse basse, payer dix fois le chiffre d’affaire n’apparaît pas forcément disproportionné. Google l’avait déjà fait pour la régie DoubleClick, acquise pour 3,1 milliards de dollars en 2007. Le pari sur Groupon apparaît d’autant plus “faisable” que le marché de la publicité locale sur l’Internet est en plein boom : + 18 % attendus en 2011.

A la limite, le seul point noir pour Google serait la structure de coûts de Groupon : une grosse force de vente terrain qui coûte cher. La start-up – mais peut-on encore l’appeler ainsi ? – compte 3.100 salariés dans le monde et en recruterait quelque 200 de plus chaque mois. De son côté, Google vend habituellement ses services publicitaires via des plateformes automatisées, sauf pour les grands comptes.

Cela dit, Groupon vient d’annoncer une évolution de son site (Groupon Store) qui va dans ce sens puisque les marchands peuvent désormais organiser eux-mêmes leurs opérations de couponing sans attendre d’être le “deal du jour” dans leur zone de chalandise. Avec, à la clé, une commission de 10 % seulement pour Groupon.

Groupon et Google sont -ils trop différents ?

Au-delà d’une bonne affaire, Groupon constituait surtout pour Google le moyen de s’imposer sur le marché de la publicité locale. Un domaine qui lui résiste encore alors qu’il jouit d’une position dominante sur le marché des liens sponsorisés. La force de vente de Groupon lui permettrait de prendre pied dans le business du démarchage de commerces locaux, qui ne communiquent pas encore par l’Internet.

Groupon, comme Google, met en relation des marchands et des clients. Et comme lui, il se rémunère à la performance. Mais Groupon fait payer pour des clients acquis quand Google ne facture que des clics sur les liens sponsorisés. Il met ainsi une solution de marketing opérationnel à des annonceurs locaux, mais pas seulement : Gap a généré 11 millions de dollars en un jour avec Groupon.

Autre différence avec Google, Groupon s’appuie sur des e-mailings et des réseaux sociaux. Le site vient par ailleurs d’annoncer que ses Groupon Stores pourront être “suivis”, à l’instar des comptes sur Twitter ou Boutiques.com. Une stratégie qui semblait “coller” parfaitement à la volonté affichée d’Eric Schmidt, patron de Google, de ne pas créer de réseau social mais d’intégrer des composantes sociales à ses grands produits (messagerie, recherche, etc.).

Problème : Groupon considère manifestement qu’il n’a pas besoin de Google pour se développer. Pire, le géant pourrait être néfaste. D’après deux personnes proches du dossier citées par Bloomberg, Andrew Mason, patron trentenaire de Groupon, estimerait qu’une telle vente risquerait de saper le moral des salariés et d’indisposer la clientèle des entreprises.

Le magazine Fortune souligne pour sa part que Groupon est la deuxième start-up orientée “réseau social” et “publicité locale” à opposer ainsi une fin de non recevoir à Google. Avant lui, le site de recommandations locales Yelp a refusé l’année dernière une offre autour de 750 millions de dollars.

De quoi pousser le magazine économique à se demander “comment Google, compagnie dominante de l’âge Internet, générateur ultime de trafic”, en est arrivé à ne plus faire rêver des fondateurs de start-up. Il évoque une différence quasi culturelle avec la génération nouvelle d’entrepreneurs du Web, à qui Google “doit prouver qu’il comprend le Web social et fermé – non comme un joli sac posé à coté de son moteur de recherche, mais comme le coeur de l’Internet de demain”. Faute de quoi, “il aura du mal à convaincre les superstars des start-up à accepter son argent, quel qu’en soit le prix”.

Groupon semble donc résolu pour l’instant à grandir tout seul. Selon Bloomberg, il discutait début novembre avec des investisseurs pour trouver les moyens de se développer sur de nouveaux marchés. Et devrait prendre une décision l’année prochaine sur une éventuelle introduction en Bourse.

L’Expansion.com

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