Pourquoi Dassault s’offre Exalead, le “Google français”

Le moteur de recherche Exalead, qui n’a pas encore atteint la rentabilité, permettra à Dassault Systèmes de répondre aux nouveaux besoins de ses clients. Car les technologies de recherche prennent une part grandissante dans les logiciels professionnels.

Vu à ses débuts comme le Google-killer français, conforté dans ce rôle par sa participation au projet de moteur de recherche européen Quaero, Exalead fait désormais partie de l’éditeur de logiciels Dassault Systèmes. Une acquisition qui traduit la réussite d’Exalead… mais moins dans la recherche grand public que dans les services aux entreprises.

En 2006, Exalead prévoyait de réaliser entre 50 % et les deux tiers de son chiffre d’affaires grâce à son activité grand public lancée la même année. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Aujourd’hui, l’activité Web d’Exalead (Exalead.com et recherche contextuelle sur des sites comme Viamichelin et Lagardère Active) ne représente que 15 % à 20 % de ses revenus, a déclaré Dassault Systèmes lors d’une conférence téléphonique. Quelque 40 % du chiffre d’affaires provient des search based applications (SBA, solutions logicielles qui utilisent les technologies d’indexation pour indexer des données issues de diverses bases de données de l’entreprise, telles qu’ERP, bases CRM, etc.), et 30 % des moteurs de recherche en entreprise.

Quelles synergies ?

A première vue, il est difficile de se représenter en quoi les applications construites autour des technologies de recherche sont complémentaires des logiciels de conception et de gestion du cycle de vie des produits proposés par Dassault Systèmes. En fait, les clients de Dassault Systèmes sont très intéressés par les SBA, notamment dans des secteurs sur lesquels l’entreprise souhaite développer sa présence : médias, banque, assurance, distribution, conseil, etc.

“Chez Airbus par exemple, qui a recours aux solutions de Dassault Systèmes, les logiciels de gestion des métadonnées, utilisés pour faire les plans des avions, reposent sur les technologies du Web sémantique”, illustre Mathieu Poujol, directeur des technologies chez Pierre Audouin Consultants. Autre exemple : “Si l’on conçoit un produit avec CATIA (Ndlr, conception assistée par ordinateur en 3D), on peut aussi vouloir construire son service après-vente, et pour cela avoir besoin de capacités de recherche sur les médias sociaux”, poursuit le consultant. A cet égard, les synergies avec BlueKiwi, (qui fournit une plateforme de “business social” et des solutions professionnelles de gestion de communauté), dans lequel Dassault Systèmes a pris une participation en juin 2009, sont aussi possibles.

Les applications basées sur des index comme celles d’Exalead sont par ailleurs plus faciles à utiliser pour l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise. “Les produits de Dassault Systèmes sont faits pour des ingénieurs, mais la tendance au mode collaboratif élargit les cibles, d’où l’intérêt d’avoir une meilleure présentation”, précise Mathieu Poujol. Ainsi, dans son communiqué, Bernard Charlès, PDG de Dassault Systèmes, fait valoir que “tout le monde recherche la simplicité avec des applications intuitives qui valorisent la richesse de l’information disponible à l’intérieur et à l’extérieur des entreprises”.

Quel intérêt pour Exalead ?

Financier. Bien que le montant du rachat (136,6 millions d’euros en cash) soit inférieur à la valorisation de la société lors de la dernière augmentation de capital (150 millions d’euros), il s’agit, selon Mathieu Poujol, “d’un beau premium par rapport au chiffre d’affaires”, qui s’élevait à 14 millions d’euros en 2009. Si Exalead a enregistré des pertes l’an passé, son acquéreur prévoit le point mort dès la fin de l’année et la rentabilité en 2011. D’ici à cinq ans, Thibault de Tersant, directeur financier de Dassault Systèmes, précise qu’il devrait amener sa filiale au seuil de marge fixé par le groupe, soit 30 %.

Stratégique. “C’est une opération bonne pour les deux parties, juge Mathieu Poujol. Elle sanctuarise une technologie intéressante, d’une entreprise qui n’avait pas la taille suffisante pour s’imposer sur un marché mondial.” Autonomy, l’un des concurrents d’Exalead, était jusqu’ici partenaire de Dassault Systèmes, qui a l’intention de le remplacer à l’avenir par sa nouvelle filiale.

Politique ? Le rapprochement d’Exalead et de Dassault Systèmes est stratégique pour les ambitions françaises dans les technologies numériques. En effet, Exalead fait partie du programme de R&D Quaero, qui a, voici quelques jours, présenté ses avancées. Quaero arrive notamment avec une technologie de pointe dans la recherche de contenus audiovisuels. Il est donc important que l’entreprise ne tombe pas dans l’escarcelle de n’importe qui.

Or, Dassault Systèmes est loin d’être n’importe qui. La société appartient à un consortium (avec Thalès et Orange) ayant pour but de créer une plateforme de cloud computing française, le cloud étant l’une des priorités du volet numérique du grand emprunt. “Les technologies de recherche sont une brique assez importante du cloud computing“, prolonge Mathieu Poujol. D’une pierre, deux coups ! Par la même occasion, cela permet à Dassault Systèmes de bénéficier de fonds publics pour une partie de sa R&D.

Raphaële Karayan, L’Expansion.com

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