Spotify: “Vous préférez deux milliards ou zéro dollar?”

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La chanteuse Taylor Swift retire ses titres de Spotify, s’estimant insuffisamment payée par la plateforme de streaming. Le patron de Spotify rétorque que son entreprise a déjà reversé deux milliards de dollars aux artistes.

C’est le succès commercial de l’année. La chanteuse américaine Taylor Swift, très populaire dans la jeune génération, a vendu près d’1,3 million d’exemplaires de son cinquième album 1989… en une semaine à peine. Personne n’avait réalisé un tel exploit depuis le carton du rappeur Eminem en 2002. Autre record jamais égalé : c’est la troisième fois que Taylor Swift (25 ans) vend un album à plus d’un million d’exemplaires en une semaine.

Pour écouter les mélodies de la star, inutile de vous précipiter sur Spotify. Il faut se rendre sur d’autres plateformes, comme Youtube, pour se faire une idée de son talent. Taylor Swift a en effet décidé de retirer l’intégralité de ses titres de la plateforme de streaming, provoquant un véritable séisme dans l’industrie du disque. “L’industrie musicale change si rapidement que toutes les nouveautés, comme Spotify, ressemblent selon moi, à de grandes expériences. Et je ne suis pas prête à intégrer le travail de toute une vie à une expérience qui, selon moi, ne récompense pas à leur juste valeur les auteurs, producteurs, artistes et créateurs de cette musique”, justifie la chanteuse dans une interview au site Yahoo Music.

Après avoir tenté d’amadouer la diva en lui rappelant que 16 millions d’utilisateurs de Spotify ont joué ses chansons au cours du mois d’octobre, le patron de Spotify s’est fendu d’un long post sur son blog, explicitant le business model de sa plateforme de streaming. Il y a en effet le feu au lac : si les artistes les plus populaires commencent à se retirer de Spotify, l’attractivité de la plateforme risque d’en prendre un fameux coup.

“Rien, nada, zéro dollar”

Selon le CEO de Spotify Daniel Ek, la chanteuse Taylor Swift se trompe quand elle accuse le service de streaming de ne pas rémunérer équitablement les artistes. Le patron explique que Spotify a reversé, depuis sa création en 2008, pas moins de deux milliards de dollars de royalties aux labels, aux producteurs et sociétés de collectes de droits d’auteur. Preuve du succès de son entreprise, le premier milliard a été versé entre 2008 et 2013, le deuxième milliard depuis l’année dernière. “Spotify n’est pas l’ennemi, explique Daniel Ek sur son blog. Vous savez pourquoi ? Deux chiffres : zéro et deux milliards. Les sites pirates ne versent pas un penny aux artistes – rien, nada, zéro dollar. Spotify leur a versé deux milliards de dollars.” Dont 6 millions de dollars rien que pour Taylor Swift, avant son retrait de la plateforme, affirme le CEO.

Daniel Ek rappelle aussi que son modèle est basé sur le freemium. C’est-à-dire qu’il appâte le chaland avec une offre gratuite (moyennant de la publicité) pour faire migrer le consommateur vers une offre payante. Plus de 12 millions de clients Spotify (sur 50 millions) sont déjà des clients payants, rappelle le CEO. Ils payent 120 dollars (ou euros) par an, “ce qui est trois fois plus que le montant moyen dépensé auparavant par les consommateurs de musique.”

La menace Youtube

Si le business model décrit par le patron de Spotify ne semble pas convaincre Taylor Swift, la chanteuse est manifestement séduite par celui de Youtube, où ses vidéos sont toujours visibles – gratuitement. La filiale de Google a développé un concept relativement proche de celui de Spotify, à la différence près que Youtube diffuse des clips vidéos assortis de pré-rolls, ces petits films publicitaires précédant la diffusion. Le montant reversé par Youtube aux artistes grimpe d’année en année, et a dépassé début 2014 le milliard de dollars. Difficile cependant de connaître l’accord qui existe entre Youtube et les artistes les plus “bankables” comme Taylor Swift, qui comptabilise plusieurs centaines de milliers de vues sur de nombreuses vidéos.

Si le patron de Spotify prend la plume pour contrer les arguments de la chanteuse, c’est aussi parce que Youtube devient une menace de plus en plus sérieuse pour son propre business. La plateforme en ligne, qui totalise plus d’un milliard de visiteurs uniques par mois, vient en effet d’annoncer le lancement d’un service payant… qui ressemble étrangement à celui de Spotify, la vidéo en plus. Alors que la concurrence s’organise, le retrait d’une popstar comme Taylor Swift tombe à un bien mauvais moment pour Spotify.

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