Netflix: partenaire ou concurrent des opérateurs belges?

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A quelques jours de l’arrivée du géant américain sur le marché belge, les discussions et spéculations continuent. Notamment sur des partenariats entre Netflix et les opérateurs télécoms. Car même s’il vient concurrencer certains de leurs services et risque de grignoter leur bande passante, tous discutent avec lui.

Les longs mois de spéculations sur l’arrivée de Netflix ont pris fin lorsque le spécialiste américain de la diffusion de films et séries en streaming a confirmé son intention de poser ses valises en Belgique. Pourtant, les discussions en coulisse sont nombreuses sur le marché belge, comme sur le marché français. L’une des questions qui animent d’ailleurs nos voisins concerne les opérateurs : lequel va oser se lancer et distribuer Netflix à ses abonnés ?

Au moment d’écrire ces lignes, il nous revient en effet que les principaux opérateurs discutent avec l’américain. Belgacom, Mobistar, Telenet, Voo auraient ainsi eu des contacts avec Netflix. En effet, on imagine que le mastodonte américain aux 50 millions de clients à travers le monde, va tenter d’appliquer ici un modèle qu’il a développé dans plusieurs autres pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, etc.) : des partenariats avec les telcos.

En effet, si Netflix veut convaincre le plus grand nombre d’utilisateurs belges, sa présence sur le décodeur d’un opérateur, et donc sur les écrans télé, est un enjeu important. Car même si Samsung nous a confirmé la disponibilité de Netflix sur ses Smart TV en Belgique, tout le monde ne dispose pas encore d’une télé connectée et parmi ceux qui en possèdent une, beaucoup n’en utilisent pas les fonctions web. Sans distribution par un opérateur, l’accès à Netflix s’effectue sur PC ou impose de brancher son ordinateur à son écran de télé. Un branchement pas très compliqué mais que peu de néophytes sont prêts à faire. Passer par un opérateur est donc une bonne solution.

Un “bon coup” pour Mobistar ?

Chez nous, le groupe est propriétaire de Mobistar qui admet préparer une offre de contenus télévisés en Belgique d’ici la fin de l’année. De là à imaginer que le challenger de Belgacom soit sur les rangs pour nouer un deal avec Netflix, il n’y a qu’un pas. Bien sûr, Mobistar refuse d’en dire plus et se contente d’une réponse très corporate : “Nous ferons ce que nos clients demandent”. Et le groupe Orange que nous avons contacté n’a “pas actuellement plus d’infos à communiquer sur la question”. Ce scénario selon lequel Mobistar aurait intérêt à nouer un partenariat avec Netflix avait déjà été imaginé avant l’été par Thierry Tacheny, consultant média, lors d’un entretien qu’il nous avait accordé. Aujourd’hui encore, il soutient que “cela ferait sens pour Mobistar en mal de notoriété”. Et chez un concurrent de Mobistar, une source nous confie que “Netflix est du pain bénit pour Mobistar. Cela peut lui permettre d’avoir une offre de contenus directement accessible sans devoir déployer trop d’efforts pour les droits. Car si Mobistar a noué un partenariat avec Telenet pour l’utilisation du câble, il lui faudra négocier le contenu pour le marché belge. Ce qui est fastidieux. Netflix serait une bonne base de travail à laquelle il faudra ajouter du plus récent et du plus exclusif”.

Belgacom et Telenet, plus intéressants pour Netflix

Reste que “Belgacom comme Telenet sont bien plus intéressants pour Netflix, observe un spécialiste du secteur. En effet, s’il veut toucher la majorité des Belges, il doit aller chez les deux plus gros. Si on voit directement l’intérêt pour Mobistar, pour Netflix il n’en va pas de même : la filiale d’Orange en Belgique n’a pas encore de base de clients télé. Et n’a donc pas vraiment de valeur à apporter à Netflix. Sauf à trouver des partena-riats marketing et publicitaires”. Mais Netflix en a-t-il besoin ?

Netflix pourrait également nouer plusieurs partenariats. Avec VOO, les discussions semblent très informelles. Mais l’opérateur wallon se refuse à tout commentaire officiel. C’est vrai qu’il est en situation délicate puisqu’il détient Be TV que pas mal d’observateurs voient comme une victime collatérale potentielle de l’arrivée de Netflix. Chez Belgacom, par contre, on confirme que “l’on est tout à fait ouvert, réagit Haroun Fenaux, le porte-parole de l’opérateur. Notre ADN consiste à proposer au consommateur ce qu’il souhaite et ce qui apporte le plus de valeur à nos produits”.

Et pourtant, Netflix entre bien en concurrence de certains produits vendus par Belgacom comme le Series Pass lancé avec RTL, le Kids Pass dédié aux chérubins et le Movie & Serie Pass que Belgacom avait lancé pour prendre une place sur le streaming vidéo. Belgacom se tirerait-il dès lors une balle dans le pied ? Pas forcément : si Belgacom se refuse à donner les résultats de ces services (l’opérateur se contente d’avancer le chiffre de 30 % de clients qui utilisent régulièrement la VOD), cela ne générerait, selon nos informations, pas encore des revenus faramineux. “L’enjeu, réagit un consultant télécoms, consiste à négocier une commission de la part de Netflix en échange de l’accès à la base de clients (1,5 million de clients Belgacom TV, Ndlr). Et veiller à ce que cela compense la baisse de revenus que Netflix engendrerait sur les services de VOD.”

La lancinante neutralité du Net

Or c’est bien là que calent souvent les discussions. En France, le patron d’Iliad, la maison mère de Free, a dévoilé qu’aucun accord n’avait été trouvé à ce jour avec le groupe américain. C’est que les opérateurs veulent tirer profit de cet acteur international. Surtout qu’en cas de gros succès, Netflix leur imposera d’importants investissements sur leur réseau. L’éternel débat est, en effet, de savoir si des acteurs comme Netflix ou YouTube ne doivent pas financer les frais occasionnés aux opérateurs alors qu’ils kidnappent une portion importante de la (coûteuse) bande passante. C’est ce que le groupe Orange tente de faire, s’appuyant sur les partenariats noués entre Netflix et plusieurs opérateurs américains.

Orange, maison mère de Mobistar, a un poids suffisant pour tenter de faire pression sur Netflix. C’est moins le cas d’opérateurs belges. Chez Belgacom, on insiste sur le fait que de telles réflexions doivent se mener à un niveau européen. Ce qui n’empêche pas John Porter, le patron de Telenet, de relancer le débat quelques jours seulement avant l’arrivée de Netflix chez nous. Mais la bataille n’est pas simple en raison du principe de neutralité de l’Internet qui empêche un opérateur d’intervenir sur la diffusion d’un acteur du Web sur son réseau, au risque d’avantager d’autres acteurs ou… ses propres services. C’est d’autant plus délicat qu’aucun opérateur ne peut vraiment se priver d’un service populaire comme Netflix sur son réseau…

CHRISTOPHE CHARLOT

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