Mon resto vend ses tables comme des billets d’avion

© Thinkstock

Gérer ses tarifs en temps réel. Les compagnies aériennes et les hôtels le font depuis des années. Désormais, nombreux sont les acteurs technologiques qui voudraient appliquer cette méthode de réservation aux restaurants.

La vie des restaurateurs n’est pas forcément facile. Comme en témoigne notre récente enquête, un resto sur trois est en faillite virtuelle en Belgique (selon des chiffres exclusifs de B-information et Trends-Tendances). Pourtant, les tenanciers d’établissements sont de plus en plus courtisés par les spécialistes du Web désireux de leur proposer des solutions de mise en avant et d’e-réservation. A côté du pionnier Resto.be qui a développé voici quelques années le système de réservation en ligne RestoBookings, de nouveaux acteurs apparaissent, tels que Restolastminute ou A Table (l’appli mobile de Pages d’Or). Désormais, les consommateurs peuvent également faire appel aux services du groupe français LaFourchette qui vient d’inaugurer son portail belge.

Le bon plan du soir

Outre la présentation des restaurants, ce qui constituait le point de départ d’un annuaire type Resto.be voici une dizaine d’années, les acteurs du Web entendent mettre les nouvelles technologies au service de leurs clients restaurateurs : géolocalisation pour trouver le restaurant le plus proche, systèmes de réservation d’une table en ligne, mais aussi yield management. Cette pratique, bien connue des compagnies aériennes et des hôteliers, consiste à faire varier le prix du service ou du produit selon le moment de la réservation, en fonction donc de l’offre et de la demande. Ainsi, par exemple, acheter un billet d’avion en dernière minute vous revient généralement plus cher que si vous vous y prenez bien à l’avance. Cette dynamique commence à être appliquée aux restaurants, mais avec des prix réduits en last minute. D’une certaine manière, c’est en filigrane la stratégie d’un Groupon qui incite les responsables d’établissements à proposer des tables à prix discount “pour être sûrs de remplir leur restaurant”.

De manière plus subtile, cette stratégie se trouve au coeur du modèle de la start-up belge Restolastminute. Celle-ci a lancé un site web et une application mobile depuis septembre, dont l’idée consiste à proposer au consommateur des réductions dans certains restaurants sur des repas le soir même. Vis-à-vis du restaurateur, l’argument coule de source : plutôt que de rester avec des tables vides, l’établissement a plus intérêt à faire venir des clients, même avec une réduction. “Vendre les dernières tables avec une réduction permet de booster de manière importante les marges du restaurant, argumente Sabrina Bulteau, cofondatrice et actionnaire de Restolastminute. Nous nous positionnons comme le dernier maillon de rentabilité du resto. D’ailleurs, on constate que l’essentiel des réservations de tables via notre système intervient entre 18 h et 22 h.”

Concrètement, le restaurateur accède à l’interface de Restolastminute et détermine le nombre de tables qu’il souhaite “discounter” pour le soir même et décide du taux de la ristourne. La start-up lancée en mai (donc sans bilan disponible) affiche un joli démarrage : elle serait parvenue à déjà convaincre 250 établissements de travailler avec elle et aurait réalisé, selon ses chiffres, pas moins de 5.000 réservations par son intermédiaire. Son business model est particulier. Restolastminute ne prend pas de commission sur les réservations mais demande un abonnement fixe de 70 euros par mois aux restaurateurs. La start-up mise sur un abonnement peu élevé par mois pour convaincre les professionnels et jouer sur les volumes.

Le nouveau venu français détenu par TripAdvisor

De son côté, LaFourchette dispose aussi d’options de yield management dans sa plateforme. Cela fait partie d’une offre plus globale regroupant la présentation en ligne du restaurant, la réservation de tables, etc. “Cette technique est régulièrement utilisée par les compagnies aériennes, note Bertrand Jelensperger, cofondateur de LaFourchette.com. Beaucoup de restaurateurs ne comprennent pas directement comment cela peut fonctionner, mais quand ils l’essaient et accordent des réductions de l’ordre de 20 à 50 % (hors boissons), ils se rendent compte que cela fonctionne. Il faut savoir qu’une table vide coûte de l’argent à l’établissement. Avec la solution de LaFourchette, les entreprises arrivent à maximiser leur chiffre d’affaires en adaptant leur offre en prévision de la demande et en fonction des capacités.”

Pour le groupe français LaFourchette, désormais propriété du géant du tourisme en ligne TripAdvisor, les solutions de yield management font partie d’une stratégie de services mis à disposition gratuitement en vue de pousser l’e- réservation de tables. Car c’est ainsi que LaFourchette génère son chiffre : elle prend 2 euros par couvert réservé par son intermédiaire (qu’il s’agisse ou non d’une réduction). Un modèle identique à un acteur comme Opentable aux Etats-Unis ou Restobookings.be. Mais LaFourchette, inspirée du modèle de Booking.com dans le domaine de l’hôtellerie, propose aussi au tenancier différents outils, gratuits pour la plupart, pour l’aider à dynamiser la gestion de son restaurant, via son logiciel myfourchette, de manière à doper le nombre de réservations en ligne. Pour l’instant, à peine quelques petits pour cent des réservations de tables passent par l’intermédiaire d’Internet. Mais LaFourchette fait le pari que cela ne peut que se développer. Restobookings adopte également l’e-réservation. Ce pionnier belge a, lui aussi, développé un business à la commission (1,5 euro par couvert) et intègre, mais de manière visiblement moins structurée, des possibilités de réduction. Il se refuse, aujourd’hui, à communiquer ses chiffres étant donné le climat de plus en plus concurrentiel du secteur en Belgique. En mars 2013, Paul Slotmans, cofondateur de Resto.be, qui possède Restobookings, avançait les chiffres de 1.300 restaurants et 600.000 euros de revenus.

Cette multitude d’acteurs sur un si petit marché est-elle tenable ? “On peut penser que les restaurateurs ne choisissent qu’un des partenaires, analyse un observateur. Mais pour l’instant, ce n’est pas encore le cas. Certains restos font un peu leur shopping et essaient les diverses solutions. Il est possible de jongler entre les différents outils.” Sabrina Bulteau le pense aussi : elle positionne Restolastminute comme une offre complémentaire aux différentes plateformes de réservation. Mais elle admet qu’à un moment donné le marché des solutions de marketing online pourrait bien passer par une étape de concentration. Une intuition que d’autres acteurs sur ce marché nous ont également confiée.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content