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Google, plus fort que nos Etats ?

Le géant américain du Web fera-t-il plier l’État français dans son bras de fer fiscal qui les oppose ? Hier, dans les colonnes du quotidien Les Echos, le ministre français des comptes publics, Gérald Darmanin, admettait laisser la porte ouverte à un “accord transactionnel intelligent pour l’entreprise, mais aussi pour les deniers publics”.

L’État français estime que les quelque 7 millions d’euros dont s’acquitte annuellement Google ne correspondent pas à la réalité du business opéré sur son territoire et lui avait, en conséquence, notifié un redressement d’un peu plus d’un milliard d’euros, que vient d’annuler (mi-juillet) le tribunal administratif.

Cette porte ouverte à la négociation marque un tournant dans la stratégie française… En admettant préférer “un bon accord qu’un mauvais procès”, le ministre français craint-il que la justice ne donne définitivement raison au géant du Net ? On le sait, la firme américaine transfère systématiquement une grosse partie de son chiffre d’affaires et de ses bénéfices vers son siège européen, astucieusement situé à Dublin (Irlande) où la fiscalité est plus clémente. Une pratique bien connue et a priori légale que la justice française ne semble pas pouvoir sanctionner.

Négocier avec la pieuvre du numérique n’est pas simple.

L’idée d’envisager une transaction témoigne de la difficulté de faire plier Google, fort de son armée d’avocats, devant la justice. Mais négocier avec la pieuvre du numérique n’est pas simple. Même pour un État. Le Royaume-Uni en sait quelque chose : en début d’année 2016, il annonçait un “deal” avec le géant de la recherche en ligne qui mettait fin à 6 années de conflit pour des arriérés d’impôts. Mais il n’avait réussi à soutirer “que” 130 millions de livres (170 millions d’euros) pour une période de 10 ans (2005-2015), soit 17 petits millions d’euros d’impôts supplémentaires par an. Moins bien que l’Italie qui est, elle, parvenue à un accord de 306 millions pour 5 années d’exercice sur son territoire.

Reste qu’à hauteur des activités de Google… ces montants demeurent dérisoires. Rien que sur l’année 2015, ses revenus irlandais (c’est-à-dire provenant d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique) s’élevaient à 22,6 milliards d’euros. Et ses réserves de cash, en dehors des Etats-Unis, s’élevaient, fin 2015, à plus de 49 milliards de dollars.

De quoi voir venir… y compris la lourde amende de 2,4 milliards d’euros infligée par la Commission européenne avant l’été. Une amende qui intervient après sept années de procédure pendant lesquelles Google a continué à déployer son plantureux business sur les terres du Vieux Continent et encaissé plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Au final, ce que toutes ces transactions démontrent, c’est l’incapacité des Etats européens d’encadrer la nouvelle économie venue des Etats-Unis qui chamboule les codes et les lois, et devient toute-puissante.

Car au final, ce que toutes ces transactions démontrent, c’est bel et bien l’incapacité des Etats européens d’encadrer la nouvelle économie venue des Etats-Unis qui chamboule les codes et les lois, et devient toute-puissante. Quand l’Europe a ouvert son enquête pour distorsion de concurrence contre Google, en 2010, la firme n’engrangeait mondialement “que” 29 milliards de dollars sur une année. Aujourd’hui, c’est trois fois plus : 90 milliards de dollars en 2016 pour Alphabet, la maison mère de Google. Jusqu’ici, nos Etats ne sont pas encore parvenus à imposer quelque règle que ce soit à ces géants qui s’installent toujours plus profondément dans nos villes et… dans nos vies, avec leurs services pratiques et innovants. Nos politiques courent après la technologie. Et dans certains cas, ils essaient même de la comprendre. Pire encore, nos dirigeants européens n’ont surtout pas réussi à créer les conditions favorables à un terreau propice au développement d’initiatives numériques d’une certaine taille, ici en Europe. Voilà pourquoi ils se retrouvent à tenter de négocier quelques millions pour, quand même, garder la face…

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