Ce Belge veut ringardiser Gmail

Salvatore Curaba, EASI © BELGA

Gérer ses e-mails se révèle chronophage et se transforme souvent en casse-tête. En lançant InboxZero, le groupe belge EASI espère révolutionner la manière de traiter ses messages électroniques. Focus sur une appli mobile “made in Belgium” très ambitieuse.

Comme moi, vous recevez une centaine de mails par jour, dont une trentaine que vous n’ouvrirez probablement jamais ? La gestion d’e-mails est devenue une tâche lourde pour la plupart. Les plus organisés y consacreront jusqu’à plusieurs heures par jour, les autres se laisseront submerger, avec son lot d’inefficacité et de stress.

Depuis des années, Salvatore Curaba, le fondateur du groupe informatique EASI et candidat au titre de Manager de l’Année de Trends-Tendances en 2014, accorde une attention toute particulière à cette problématique. Son groupe propose en effet depuis les débuts une solution novatrice de gestion d’e-mails sous le nom de SmartMail. Ce produit dédié au B to B comptait une soixantaine de clients professionnels, mais ne parvenait tout de même pas à faire un véritable carton. C’est pourquoi Salvatore Curaba a eu l’idée suivante : réaliser un produit destiné au consommateur qui pourrait être un moyen de faire connaître SmartMail. “Petit à petit, je me suis pris au jeu”, se souvient le patron du groupe de 150 personnes. Au point de réserver à ce projet — qui sera finalement baptisé InboxZero — une place importante dans son emploi du temps. Car Salvatore Curaba en est devenu le principal artisan. “Je suis dans les e-mails depuis 15 ans, souligne-t-il. C’est un sujet qui me passionne et que je considère comme plus qu’un simple produit technique. Il y a avant tout dans la gestion d’e-mails un aspect de gestion du temps et une dimension psychologique. Je suis convaincu qu’apporter une réponse sous cet angle à cette problématique peut changer la donne.” Pour le patron, un e-mail laissé dans son inbox est “un ennemi”. Et si vous en laissez plus de sept dans votre boîte aux lettres électronique vous serez d’avantage sujet au stress. D’où l’idée de Salvatore Curaba d’arriver à une boîte où ne se trouve plus aucun e-mail.

Ce Belge veut ringardiser Gmail
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Huit années de travail

EASI a atteint un chiffre d’affaires de 22,8 millions d’euros en Belgique en 2013, dont 3,2 de bénéfices avant impôts. Et le patron se voit déjà imposer son application au niveau mondial. Jusque-là, EASI proposait surtout des solutions B to B (comptabilité, logiciels collaboratifs, etc.). InboxZero est la première application destinée au grand public. Salvatore Curaba n’entendait la lancer qu’une fois qu’il en était parfaitement satisfait. En juin 2014, lorsque le patron, un ancien joueur de football professionnel, teste une version aboutie de l’application, il n’en est “absolument pas satisfait, se remémore-t-il. Le résultat n’était pas assez fluide, l’application ne correspondait pas à nos ambitions. Du coup, on a tout recommencé !” Au total, l’application InboxZero aura nécessité pas moins de huit années de travail dont plus de 1.000 jours de développement ! Ce n’est que depuis mai qu’InboxZero est disponible (gratuitement) sur l’Apple Store (EASI proposera une version Android plus tard).

L’application se présente comme une couche supplémentaire à Gmail. Autrement dit, pour utiliser InboxZero, vous devez disposer d’une adresse Gmail. D’ici quelques semaines, l’application prendra aussi en compte les utilisateurs des messageries Outlook et Yahoo!. Une fois l’installation et les réglages réalisés, la prise en main de l’appli se fait assez facilement, même si certains fondamentaux méritent d’être bien compris avant de pouvoir maîtriser votre “mailbox évoluée” comme la décrit EASI. Cette application fait la différence entre, d’une part, votre inbox, qui regroupe les tout derniers e-mails que vous avez reçus et, d’autre part, vos “conversations” où se trouvent les e-mails une fois qu’ils ont été vus. Car c’est bien la notion de “conversations” qui est au coeur d’InboxZero. Les e-mails sont tous regroupés dans des conversations qui ne sont pas sans rappeler celles d’iMessage d’Apple. Dans ces conversations où il est possible d’intégrer des éléments de l’agenda (rendez-vous, etc.) et des commentaires, un algorithme fait automatiquement disparaître les “détails pratiques” (sent from, date, etc.) et les formules de politesse des messages reçus. De sorte à n’afficher que l’essentiel du message.

12.000 logos et une gestion précise des “notifs”

Une série de fonctionnalités et d’algorithmes sont, par ailleurs, mis en place dans InboxZero pour faciliter le traitement des e-mails. Ainsi, l’application distingue automatiquement les e-mails en fonction de leur provenance : particuliers ou entreprises, grâce à un algorithme qui tient, entre autres, compte du type d’adresse e-mail de l’expéditeur. De plus, InboxZero leur attribue automatiquement une photo d’illustration. Pour les entreprises, “nous avons constitué une base de données de 12.000 logos d’entreprises”, s’enthousiasme le patron d’EASI. Pour les particuliers, vous pouvez vous connecter à Facebook ou LinkedIn pour que l’application aille rechercher les photos de vos contacts.

Concrètement, lorsqu’un message arrive dans l’inbox et que l’utilisateur l’a lu, il va automatiquement se placer dans une conversation. Pour les messages qui nécessitent une action, il est possible de les inclure dans des conversations “importantes” ou d’y appliquer un rappel. L’application le propose elle-même. InboxZero dispose aussi d’un centre de notifications très détaillé. On peut définir qu’on ne souhaite une “notif” que lorsqu’un e-mail vient d’un de ses favoris, lorsqu’il s’agit du premier message d’une personne, etc. Le mode “sérénité”, lui, s’active en un clic lorsqu’on ne souhaite pas être importuné. “InboxZero permet de prendre le contrôle non seulement de ce qui apparaît dans l’application mais également des notifications. Nous allons plus loin que toutes les autres applis de gestion des e-mails”, se satisfait Salvatore Curaba, qui imagine intégrer la notion de jeu/compétitions dans l’appli pour encourager les utilisateurs à conserver une boîte vide.

Salvatore Curaba se montre très enthousiaste au sujet de “son bébé”. Même s’il admet qu’InboxZero peut soit être un flop soit un succès mondial, il précise qu’il veut “marquer le monde des e-mails. En tant qu’ancien joueur de foot, je veux gagner. Je réagis comme dans un match et je veux qu’InboxZero soit un succès.” L’homme se dit serein face aux projets de Microsoft qui, dit-on, prépare de grands changements dans son application de messagerie (d’où le rachat de Sunrise, cette appli fondée par des Belges). “Je vise 2 à 3 % du marché mondial”, lâche Salvatore Curaba. Ambitieux et potentiellement coûteux pour EASI : la PME wallonne a, en effet, chiffré à 7 centimes par utilisateur et par mois, le coût d’infrastructure pour supporter l’usage de l’application. Une appli qui reste gratuite et qui, pour l’instant, n’a pas vraiment de business model pour générer des revenus…

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