Motorola relancé par Google

© Image Globe / LAURA RAUCH

En s’offrant un fabricant de téléphones moribond, Google s’engouffre dans le marché du hardware. Non sans risques.

Déjà entendu parler du Defy +, du Droid 3 ou du Fire ? Non ? Il s’agit des derniers téléphones mobiles concoctés par Motorola. S’ils sont inconnus au bataillon dans nos contrées, c’est que, depuis quelques années, le fabricant s’est fait très discret dans les rayons des magasins spécialisés, notamment en Belgique. Les résultats financiers désastreux de la marque américaine originaire de Chicago l’ont obligée à se recentrer sur quelques marchés clés (Amérique du Nord, Chine, Amérique latine). A part quelques pays clés comme l’Allemagne, l’Europe est désormais un marché délaissé par la huitième marque mondiale en termes de parts de marché, d’après le consultant spécialisé Asymco. En 2008, elle était encore classée troisième derrière Nokia et Samsung…

Cinq milliards de pertes en quatre ans

L’année dernière, Motorola a vendu 11 millions de téléphones portables, dont 4,4 millions de smartphones. Mais l’entreprise, qui a créé le premier téléphone portable en 1973, accumule les déconvenues depuis quatre ans. Entre 2007 et 2010, Motorola Mobility – la branche mobile qui s’est détachée de Motorola Solutions en début d’année – affiche des pertes totalisant plus de cinq milliards de dollars ! Le chiffre d’affaires, qui culminait en 2006 à 31 milliards de dollars, a été divisé par trois. Et ce n’est pas fini, puisqu’au dernier trimestre, l’entreprise a encore essuyé 56 millions de dollars de pertes. C’est pourtant sur ce canard boiteux que le géant de l’Internet vient de jeter son dévolu. En achetant Motorola Mobility pour 12,5 milliards de dollars, Google signe sa plus grosse acquisition. Les actionnaires de Motorola se frottent les mains : ce prix est supérieur de 63 % à la valeur de l’action à la clôture de la Bourse de New York vendredi dernier.

Mais que va gagner Google dans cette transaction surprise ? Tout d’abord, l’entreprise fait main basse sur 17.000 brevets de Motorola (plus 6.000 en attente). Un atout précieux dans le cadre de la guerre juridique sans merci que se livrent les entreprises high-tech autour de ces précieux brevets. Ensuite, pour la première fois, l’entreprise US (29 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 8,5 milliards de revenus nets en 2010) signe une franche percée sur le marché du hardware.

Jusqu’à présent, Google est (surtout) un moteur de recherche ultra-dominateur dont les revenus sont centrés sur la publicité (plus de 95 % du chiffre d’affaires de l’entreprise en 2010). Mais sa percée rapide dans la téléphonie mobile via sa plate-forme Android semble lui avoir donné des idées. En intégrant à la source le téléphone mobile ( hardware) et le système d’exploitation Android ( software), Google est au four et au moulin, et gère l’ensemble de la chaîne de production. A la manière d’un certain… Apple.

Mais les embûches sont nombreuses. Tout d’abord, Google découvre un environnement qu’il ne connaît pas. L’entreprise se lance dans le créneau de la fabrication de matériel, alors qu’elle avait toujours clamé que ce n’était pas son métier. Ensuite, elle absorbe tout de même un gros morceau : Motorola compte 19.000 employés, soit quelques milliers de moins que Google.

Sale coup pour Samsung et HTC

Mais le principal point d’interrogation concerne l’avenir de la plate-forme Android. Google a toujours mis en avant le côté ouvert de sa plate-forme. Samsung et HTC, qui font tourner bon nombre de leurs smartphones sur Android, ne voient sans doute pas d’un bon £il ce rapprochement entre Google et un de leurs concurrents, qui ne pourra en sortir que renforcé. Dans un communiqué, Google tient à temporiser : “Nous gérerons Motorola comme un business séparé. Beaucoup de nos partenaires hardware ont contribué au succès d’Android et nous nous réjouissons de continuer à travailler avec eux.” Pas sûr que le sentiment soit réciproque…

GILLES QUOISTIAUX

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