Monster GAMEJAM – 30 heures pour développer un jeu vidéo

De gauche à droite : Cédric, Régis, Julien et Pierre. © Andrea di Stefano

Ce week-end se tenait à Bruxelles la MONSTER GAMEJAM, un marathon de développement de jeux vidéo. Retour sur ces deux journées de développement intensif.

Si des événements similaires ont été organisés en Wallonie ou en Flandre, c’est une première bruxelloise. Andrea Di Stefano, organisateur, explique vouloir dynamiser la scène de développement dans la capitale : il y a du talent, mais pas encore assez d’initiative. Dans le même objectif, il organise également des rencontres mensuelles entre développeurs à Bruxelles. L’évènement est organisé avec le soutien de Screen.Brussels, Unity et a eu lieu à Transformabxl, un espace de coworking.

La MONSTER GAMEJAM s’est donc déroulée le week-end du 22 et 23 novembre. Les participants ont été accueillis le samedi matin avec la formation des équipes. Vers 11h, le thème est dévoilé : produire un jeu traitant de mécanismes intérieurs. Ils disposent de 30 heures pour relever le défi.

Pour l’occasion nous avons eu la possibilité de suivre une équipe de quatre personnes : Julien, ingénieur du son, Régis, graphiste, Pierre et Cédric, tous deux développeurs. Retour sur ces deux journées.

Première étape, trouver une idée. Pour se faire, l’équipe se rend dehors. Pierre fait quelques croquis dans son cahier pendant que ses partenaires fument une cigarette tout en discutant. Chacun propose ses idées, et on s’achemine rapidement vers un puzzle-game dans lequel le joueur devra, dans un tableau, acheminer un personnage d’un point A vers un point B en plaçant des objets dans le décor. Le personnage, sur lequel le joueur n’aura aucun contrôle, n’aura d’autre choix que de suivre le chemin tracé. Le premier dilemme se pose alors : quel moteur utiliser ? Si Pierre a ses affinités avec un moteur, Cédric préfèrerait opter pour Unity : même s’il n’y est pas habitué, il soutient qu’il dispose d’outils qui pourraient grandement aider lors du développement. Il est alors décidé que chaque développeur aura pour tâche de créer une base de niveau avec son moteur, et de comparer au bout d’une heure les résultats obtenus.

Pendant ce temps, Julien et Régis se sont intéressés à l’aspect visuel du jeu. Ils s’accordent rapidement sur un style steampunk cartoonesque. Reste à trouver un univers qui allierait bien de tels graphismes au concept du jeu. L’idée étudiée consiste à prendre le contrôle d’un personnage/objet/vaisseau qui voyagerait dans le corps d’un humain ou d’un humanoïde (ce qui permettrait d’avoir deux univers mélangés) afin de propager un virus. Les différents canaux sanguins feraient alors office de tableau pour le jeu. Mais les différentes contraintes à prendre en compte en un temps si limité ont raison de l’idée. Ils optent finalement pour un seul univers robotique. Si c’est le temps qui a eu raison de cette proposition, Régis nous confie que ce n’est pas vraiment un problème. Au contraire, ça les pousse parfois à aller explorer un horizon qu’ils n’auraient peut-être pas envisagé lors d’un projet dénué d’une telle contrainte. Lors de la réflexion, les deux artistes ont régulièrement questionné leurs partenaires, toujours occupés à développer un prototype de niveau, pour voir si leurs idées étaient réalisables.

12h30, le repas est servi. Tout en savourant un petit sandwich italien, Cédric annonce avoir un résultat encourageant sur Unity. Quelques instants plus tard, Pierre confirme que ce sera le moteur utilisé, faute de résultat probant de son côté. Une fois que tout le monde a mangé, l’équipe se pose à table et réfléchit plus en profondeur à la structure du jeu.

Il est donc décidé ce qui suit : une boule est introduite dans le corps d’un robot et doit passer à travers différentes zones (tableaux) pour finalement atterrir sur le bouton d’autodestruction. Pour chaque niveau, la boule sera placée en haut à gauche de l’écran et devra atteindre l’opposé. Le joueur devra placer une série d’objets disponibles en quantité limitée (poutres, aimants, ventilateurs, etc.) afin de créer un chemin. Un mécanisme permettra de propulser la boule une fois les objets placés, le joueur n’aura dès lors plus aucun pouvoir. Il est également question de certaines contraintes à imposer à l’utilisateur (objets inamovibles, zones interdites, etc.). Une fois le tout décidé, vers 14h40, on se répartit les tâches et chacun se met au travail.

L’après-midi est consacrée au développement, à la conception d’objets graphiques et à la création du son. Les différents membres de l’équipe ne cessent de s’interroger afin de s’assurer qu’ils sont sur la même longueur d’onde. Ils n’hésitent pas à prendre une petite pause à un moment ou à un autre.

Pierre, Cédric et Régis en plein travail.
Pierre, Cédric et Régis en plein travail.© Andrea di Stefano

Vers 18h, Régis envoie un premier objet aux deux développeurs. Dans la foulée, Julien, qui a avancé sur les effets sonores, mais qui ne peut pas vérifier si tout concorde, faute d’animation, propose de venir en aide à d’autres équipes. Ses partenaires n’y voient aucune objection, ils expliquent être ici avant tout pour rencontrer des gens plutôt que pour la compétition.

19h, les développeurs s’activent : Cédric a presque terminé le module de déplacement et de rotation des objets, tandis que Pierre a quasiment terminé le script régissant leur comportement. Dans le même temps, il a également travaillé sur le game engine, un module qui va s’assurer du bon fonctionnement du jeu, en empêchant, par exemple, qu’un script se lance au mauvais moment. Régis continue de travailler sur différents objets graphiques.

20h, souper. Ou presque : l’équipe ayant mis un peu de temps à aller se servir, il ne reste presque plus rien. Si l’idée de se faire livrer une pizza fait son chemin, Andrea parvient à commander une barquette de pâte supplémentaire. Les partenaires peuvent finalement manger vers 20h30, le tout en buvant une bière offerte par l’organisateur de l’évènement.

21h, une fois les estomacs rassasiés, il est temps de se remettre au travail : Pierre et Cédric fusionnent leur code et effectuent différents tests, tandis que Régis s’attaque au décor. Julien, de son côté, continue d’apporter son aide à d’autres équipes.

22h, les tests se poursuivent, les bugs se multiplient. Cédric et Pierre font face à une série d’erreurs dans leur code. Ils mettent du temps à les débusquer.

Au fur et à mesure des avancées, le premier niveau prend forme, du moins du côté de la mécanique, les objets graphiques devant encore être appliqués. Julien est invité à jouer à la version “nue” du premier tableau, afin de voir si la difficulté est présente et si le jeu répond bien. Le résultat est plutôt positif.

23h30, Pierre s’attaque à la transition entre les deux premiers tableaux. Son partenaire est actif sur plusieurs terrains : premiers tests du son et d’animation, rotation des objets, etc. Régis, lui, commence à travailler sur le fond du décor.

50 développeurs ont répondu à l'appel.
50 développeurs ont répondu à l’appel.© Andrea di Stefano

00h30, Cédric et Pierre continuent de travailler sur leur projet respectif. Régis, de son côté, décide de changer sa manière de travailler, il ne peut pas respecter les échéances en continuant dans le détail. Ses coéquipiers lui proposent alors de faire les objets inamovibles un peu plus flous, afin de marquer une différence nette avec les items déplaçables. De même pour les décors.

01h45, l’introduction du jeu est à l’étude entre Julien et Cédric. Pierre, qui a terminé les mécaniques du deuxième niveau, s’attarde sur quelques animations de base. Régis, quant à lui, crée la boule, personnage du jeu, sur base de spaghettis. La nourriture étant italienne tout au long du week-end, les membres de l’équipe se sont inspirés de la botte européenne pour le jeu, ainsi que pour son titre : E-bollo.

2h30 : le projet d’introduction prend forme. L’idée est de zoomer sur un robot menaçant une ville. Alors que l’ennemi lance un missile sur les habitants, un vaisseau s’élève, se dirige vers le géant de fer et lâche la boule de spaghettis, qui s’infiltre dans les circuits de ce dernier. Le jeu débute alors. S’en suit une discussion sur la méthode (utilisation d’images, de vidéo, etc.) et le style à adopter. Julien et Cédric se mettent à chercher une source d’inspiration.

3h00, le calme règne dans la salle. Julien est toujours à la recherche de contenu pour l’introduction, Cédric s’interroge sur la façon de procéder, Pierre est occupé sur la réalisation des deux premiers niveaux, ayant maintenant le script de rotation des objets créé par son acolyte, et Régis planche toujours sur les décors.

3h40, Julien et Pierre abandonnent la lutte et laissent la victoire à Morphée. Vers 4h30, c’est Cédric qui va se coucher, laissant Régis seul, le graphiste n’ayant pas envie de dormir.

Il profite de ce temps pour terminer quelques éléments graphiques : la boule (les spaghettis ont été abandonnés au profit d’une simple sphère ornée d’un coeur, clin d’oeil au jeu vidéo Portal), des effets de bulle pour la lave qui devrait apparaître dans quelques niveaux, etc. Il a également préparé les fichiers pour qu’ils puissent être intégrés au jeu.

Vers 6h00, il est rejoint par Pierre, qui n’a pas tardé à se remettre au travail. Il a incorporé une série d’éléments graphiques au jeu, a construit l’ébauche du troisième niveau, le tout en corrigeant différents bugs.

8h15, Pierre a appliqué un background fourni par Régis. Les deux partenaires continuent de travailler sur différents projets en attendant leurs coéquipiers. Cédric les rejoint un quart d’heure plus tard.

9h00, le petit déjeuner est servi. Les trois membres de l’équipe prennent chacun deux croissants avant de replonger dans leur travail, il n’y a pas de temps à perdre !

9h45, Julien rejoint ses camarades.

11h30, un quatrième niveau est en projet. Les développeurs continuent de déboguer leur programme. Julien a également créé de nouveaux sons.

12h30, Régis installe Unity sur son PC. En utilisant les scripts de Pierre et Cédric, il intègre lui-même les éléments qu’il a créés dans le décor.

13h, les pizzas arrivent, c’est l’heure du dîner. Une fois le ventre bien rempli, chacun reprend son activité. Julien et Pierre s’attaquent à l’intégration du son.

Si a priori ils n’ont pas le temps de mettre tout ce qu’ils voulaient dans le jeu, les quatre partenaires pourront proposer un jeu simple et jouable pour 17h, deadline. 14h30, Régis annonce fièrement avoir terminé d’implanter les graphismes. Il reste toutefois à peaufiner.

14h45, le stress commence à se faire ressentir, les participants ont un peu plus de deux heures pour finir de développer leur jeu et l’envoyer sur la plateforme de vote en ligne.

15h45, l’équipe ne relâche pas l’effort. Régis et Cédric travaillent sur l’écran d’accueil, tandis que Pierre se charge de la cohésion entre les différents scripts (mécanismes, son, visuels, etc.).

16h30, les deux développeurs essaient de régler les derniers soucis. Dans la salle, le stress est palpable, toutes les équipes s’activent pour avoir le jeu terminé à l’heure convenue.

16h46 : le jeu est envoyé sur la plateforme de vote, à un quart d’heure du terme. Un soulagement pour l’équipe, même si certaines améliorations avaient encore pu être apportées.

17h, fin du marathon. Les équipes peuvent respirer, se reposer et faire ce que bon leur semble pour quelques dizaines de minutes, le temps que le matériel pour la présentation des projets soit monté.

Montage du matériel pour les présentations.
Montage du matériel pour les présentations.© Andrea di Stefano

Vers 17h45, les présentations commencent. Chaque équipe a la possibilité de montrer son jeu, d’expliquer en quelques mots le concept, la façon dont ils ont travaillé, les difficultés rencontrées, etc.

Vers 18h30, les joueurs peuvent tester les jeux des autres équipes en vue du vote. Ce dernier se fait sur la plateforme en ligne itch.io, où tous les projets sont répertoriés. Chaque équipe doit attribuer des points à chaque projet, sur base de différents critères (graphismes, son, idée, respect du thème, gameplay), et la plateforme s’occupe de calculer la moyenne. Ainsi, l’équipe de Pierre, Cédric, Régis et Julien arrive à la neuvième place. Elle se distingue par une quatrième classe dans la catégorie sonore.

C’est finalement SOS Piano qui remporte le marathon, avec notamment une première place dans la catégorie sonore, une troisième place dans le gameplay et une quatrième position pour le respect du thème. Le jeu met en avant une coccinelle piégée dans un piano qui essaie de rattraper les fausses notes du musicien. Il a été développé par Guillaume Bouckaert et Xan Harotin.

Ainsi s’est achevée la MONSTER GAMEJAM. Les participants ont été invités à boire un dernier verre afin de rentrer chez eux et de se reposer de cet éprouvant week-end.

Wilmart Pierre

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content