Mega: La revanche de Kim Dotcom ?

© Reuters

Le 19 janvier 2012, le site de partage de fichiers MegaUpload fermait ses portes, victime d’une opération du FBI souhaitant se débarrasser du chef de file des téléchargements illégaux. Un an plus tard, jour pour jour, Kim Dotcom, fondateur de feu MegaUpload, revient dans l’arène avec un nouveau site de partage : Mega.

Lorsque MegaUpload fut terrassé par le FBI au mois de janvier 2012, c’est toute la planète Internet qui fut ébranlée : les internautes perdaient un service largement utilisé et les services concurrents se voyaient entrer dans l’ère de la chasse aux sorcières. Nombreux furent les émules de MegaUpload à baisser le rideau ou à modifier substantiellement leurs offres afin de s’acheter une bonne conduite sur le fil. Du côté de Kim Dotcom, sulfureux fondateur de MegaUpload, si les premiers mois furent consacrés à organiser sa défense devant les tribunaux, très vite l’imbroglio juridique qui allait entourer l’affaire devait lui donner le champ libre. C’est ainsi qu’il a annoncé, quelques mois après la mort de MegaUpload, que le 19 janvier 2013 verrait la naissance du successeur : incroyable défi lancé à la face de ses opposants. Bien que beaucoup estimaient difficile la mise en place d’une telle structure en si peu de temps, force est de constater que le 19 janvier, fidèle à sa parole, Kim Dotcom a lancé son nouveau service de partage, simplement baptisé Mega.

Mega-buzz

Mega c’est d’abord l’histoire d’un buzz géant. Durant des mois, Kim Dotcom prévient, annonce, prophétise et prépare le Net à recevoir sa création génétiquement modifiée. Ayant tiré les leçons de la débâcle MegaUpload, l’homme semble en effet avoir tout prévu pour éviter qu’on ne puisse l’attaquer par la suite. Pourtant, bien que Mega se veuille respectueux des lois en vigueur en matière de droit d’auteur, sur Twitter, haut lieu de la provocation, Kim ne cesse de promettre que Mega sera le cauchemar des ayants-droits et autres majors. Un double message qui ne laisse planer aucun doute quant aux intentions de Kim Dotcom : créer un site équivalent à MegaUpload, mais qui tienne solidement la route au niveau légal.

Pour parvenir à ce miracle, Dotcom et son équipe exploitent une idée simple, reposant sur le principe du cryptage au niveau de l’utilisateur. Lorsque vous déposez un fichier sur Mega et que vous souhaitez le partager, le site génère une clé de cryptage que vous êtes le seul à connaître. Dès lors, il est impossible de reprocher à Mega d’héberger des fichiers malveillants ou pirates puisque le site ne peut connaître le contenu d’une archive, seul son “propriétaire” ayant la possibilité de la décrypter. Pour Mega, c’est l’absence de responsabilité par ignorance du crime ! S’il faudra attendre quelques semaines (ou plus) pour vérifier si ce montage résiste à un assaut juridique, sur le papier l’idée semble (presque) imparable. En tout cas, lors de sa présentation, elle fut présentée comme l’argument massue qui allait offrir à Mega toutes latitudes sans risque ultérieur.

Mega-bien ?

Si tout le folklore entourant l’arrivée de Mega est amusant et propice à un feuilleton haletant, encore fallait-il que l’exécution soit parfaite et sans faille. Mega est donc un service de stockage en cloud qui permet à chacun d’y déposer des fichiers afin de les stocker tout simplement, ou de les partager avec d’autres utilisateurs, où qu’ils soient sur la planète. Premier coup d’éclat, Mega propose gratuitement à chaque utilisateur inscrit un espace de stockage de 50 Go –là où la majorité de la concurrence (Google Drive, Dropbox ou Hubic) propose entre 2 et 25 Go. Reste que cet argument suffit à lui seul à attirer le chaland du côté de Mega.

Mega-stockage

Mega dégaine vite ses offres payantes, dites “professionnelles”. Si nous n’avons aucune indication quant aux restrictions de bande passante pour les comptes gratuits, les formules payantes détaillent un peu plus leur contenu. Ainsi à 9,99 euros/mois, vous aurez droit à 1 To de transfert et 500 Go d’espace de stockage. A 19,99 euros/mois, vous passez à 4 To de bande passante et 2 To de stockage. Enfin pour 29,99 euros/mois, c’est 8 To de bande passante et 4 To de stockage. Précisons que visiblement, Mega ne limite pas la taille des fichiers stockés sur ses serveurs.

Une fois votre compte créé, la gestion de l’espace est d’une simplicité enfantine. Dans l’onglet “Cloud Drive”, deux options sont disponibles : “nouveau dossier” ou “nouveau téléchargement”. La première vous permet de créer des sous-dossiers pour éviter de vous retrouver avec des centaines de fichiers rangés pêle-mêle. La seconde sert à déposer des fichiers. Vous allez chercher le ou les fichiers que vous souhaitez déposer, puis en validant, l’opération de récupération et de stockage débute. Une fois le téléchargement achevé, votre fichier apparaît dans votre Cloud Drive. C’est à ce stade que vous pouvez, avec un clic droit sur votre souris, accéder aux différentes options de contrôle d’un fichier (Télécharger, Renommer, Déplacer, Copier, Supprimer ou Recharger). C’est aussi dans ces options qu’apparaît la fonction “Récupérer le lien” qui permet de récupérer le lien conduisant à votre fichier, que vous pourrez partager ensuite avec une tierce personne, Mega prenant soin d’ajouter à cette étape la mention : “Il est strictement interdit d’utiliser le service Cloud Mega pour enfreindre les droits d’auteur”. Mieux vaut prévenir…

L’utilisation se veut très intuitive. Cependant Mega devrait rapidement accueillir de nouvelles fonctionnalités (messagerie, calendrier, éditeur de texte) afin de rendre le service plus ergonomique et pratique.

Mega-sécurité

Reste la question de la sécurité, pièce maîtresse autour de laquelle s’organise toute l’infrastructure. Mega profite d’une connexion en https (sécurisée) et utilise deux types de clés de chiffrement symétriques et asymétriques. Les premières — de type AES-128 — sont parmi les plus performantes et doivent protéger vos données mise en ligne. Les secondes –de type RSA 2048-bit — sont stockées au niveau du navigateur (d’ailleurs Mega préconise l’utilisation de Google Chrome) et permettent le chiffrement et le décryptage des données via JavaScript. Malgré toutes ces protections, Mega se révèle loin d’être infaillible (lire l’encadré), même si son statut de “Beta” lui permet de profiter, à ce stade, d’une certaine clémence.

Quelques jours après sa mise en service et malgré les problèmes de gestion dus à la forte affluence et les atermoiements techniques auxquels il doit faire face, Mega est une solution de stockage intéressante et prometteuse qui aurait sans doute mérité un temps de gestation et de développement plus long. Mais Kim Dotcom voulait frapper fort, ce qui n’est pas toujours compatible avec frapper juste.

Benoît Dupont

Rien ne sert de courir A vouloir créer l’événement en lançant un nouveau service un an après la fermeture de MegaUpload, l’équipe derrière Mega n’a pas pu résoudre tous les problèmes ou prévoir les difficultés. Ainsi Kim Dotcom s’est excusé publiquement pour les nombreux soucis rencontrés, qu’il justifie par une trop forte affluence : “Mega est victime de son succès !”, claironne-t-il. Plus problématique, l’apparition de CrackMega, un logiciel capable de cracker le chiffrement du site Mega et donc de contourner les sécurités. En outre, plusieurs failles, allant du XSS aux codes sources en passant par des détails sur le chiffrement ont été décelées dans le nouveau site. Bref tout n’est pas parfait, même si le statut “Beta” de Mega indique que les équipes travaillent encore sur le site qui n’a profité d’aucun test particulier avant sa mise en service. Les plâtres seront donc essuyés par tout le monde !

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