Loi, responsabilité, éthique… La voiture autonome pose question

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L’accident mortel impliquant un véhicule autonome de Uber, lundi dans l’Arizona, rappelle que la question de la responsabilité des usagers et des opérateurs de ces voitures sans conducteur est loin d’être tranchée.

Une législation variable

La Convention de Vienne, qui définit les règles internationales pour la circulation routière, stipule que le conducteur doit toujours rester maître de son véhicule mais autorise depuis 2016 les systèmes automatisés “à condition qu’ils puissent être contrôlés voire désactivés par le conducteur”.

Plusieurs véhicules autonomes circulent donc déjà sur les routes, mais pour l’instant à titre expérimental.

En France, une ordonnance de 2016 permet ainsi la circulation “à des fins expérimentales d’un véhicule à délégation partielle ou totale de conduite”, sur délivrance d’une autorisation du ministre des Transports.

“Il faut que le conducteur soit toujours présent, en état de vigilance, derrière le volant, il ne peut pas être saoul, par exemple”, précise à l’AFP Alain Bensoussan, avocat au barreau de Paris spécialisé en droit des technologies.

De l’autre côté de l’Atlantique, la chambre des représentants américaine a approuvé en septembre une loi censée faciliter le déploiement des véhicules autonomes, en empêchant les Etats d’imposer des réglementations trop restrictives.

L’Arizona, où l’accident de lundi s’est produit, a multiplié les incitations à tester des véhicules autonomes sur ses routes, pour concurrencer la Californie, qui encadre plus strictement ces expérimentations.

En cas d’accident, qui est responsable?

En France, si elle doit être engagée, “la responsabilité pénale reste celle du conducteur car ce sont des voitures autonomes avec un conducteur. Ce n’est pas la même chose qu’une voiture sans conducteur et sans volant”, explique Me Bensoussan.

“Par contre la société qui a obtenu l’autorisation de mettre la voiture sur la route pourrait être tenue responsable civilement”, ajoute t-il.

Il ne s’agit pas du premier accident mortel pour ce genre de voiture. En 2016, une Tesla S avait percuté un camion à plus de 120 km/h mais l’enquête avait finalement dédouané le système et révélé que le conducteur n’avait pas eu le comportement adéquat.

Avec l’arrivée éventuelle de voitures 100% autonomes, l’assurance automobile telle qu’on la connaît aujourd’hui pourrait disparaître.

“La voiture purement autonome, ce n’est pas pour tout de suite. Il va y avoir une évolution, de la responsabilité du conducteur vers celle du constructeur ou de l’opérateur. Mais entre ce point de départ et d’arrivée, il va y avoir une phase de transition et le chemin va être intéressant”, note Denis Bicheron, directeur technique Grands risques chez le courtier Gras Savoye.

“Beaucoup d’acteurs appellent par exemple de leurs voeux la mise en place d’enregistreurs dans le véhicule pour déterminer qui du conducteur ou de l’ordinateur était actif au moment d’un accident”, ajoute t-il.

Une question morale

La place de l’intelligence artificielle au volant pose également une question d’ordre éthique. Par exemple: entre écraser un piéton qui traverse au rouge ou sacrifier la sécurité des passagers, que choisira l’ordinateur qui pilote le véhicule?

Des chercheurs du CNRS, du MIT, de Harvard et l’université de Californie ont mis au point “Moral Machine”, un simulateur permettant aux internautes de juger les situations éthiques auxquelles ils pourraient être confrontés avec les voitures autonomes.

“Le choix de l’algorithme devra être loyal et transparent. C’est un dilemme qui ne doit pas être caché car c’est un vrai défi démocratique. Les règles devront être tranchées par le Parlement après un débat national”, estime Alain Bensoussan.

Des usagers pas (encore) rassurés

Avant cet accident, les usagers de la route étaient déjà loin d’être tous convaincus par les voitures autonomes.

Une étude d’EY menée en Allemagne en septembre dernier a ainsi montré que seulement 26% des Allemands s’imaginent monter demain à bord d’un véhicule autonome et 18% le conduire.

Et si les questions de sécurité sont mises en avant, 45% des sondés pointent aussi le “flou sur la responsabilité”.

Les Etats-Unis ne sont pas en reste: dans un rapport de l’association spécialisée sur les questions automobiles AAA publié en mars 2017, 54% des Américains estimaient ne pas être rassurés de partager à l’avenir la route avec des voitures sans conducteur.

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