LinkedIn versus Viadeo : le bras de fer des réseaux pro

Ultra-dominateur aux Etats-Unis, LinkedIn a fait une entrée en Bourse fracassante. Viadeo, son challenger français, mise tout sur la croissance dans les pays émergents.

Par Gilles Quoistiaux Contrairement à Facebook qui est parvenu à faire le ménage autour de lui, le réseau social LinkedIn, dédié aux relations business et au recrutement, fait face à la concurrence étrangère. Des acteurs locaux comme Xing, omnipotent en Allemagne, taillent des croupières au champion US. Mais son challenger le plus sérieux est français : Viadeo (35 millions de membres) tente de faire vaciller LinkedIn en Europe et poursuit une stratégie de croissance dans les pays à haut potentiel comme la Chine. Match en quatre sets.

1. Nombre d’utilisateurs et trafic

LinkedIn a une longueur d’avance sur son compétiteur français. Le réseau américain affiche plus de 100 millions d’utilisateurs. Créé en 2003, il a mis quelques années avant de véritablement décoller. Mais la croissance de sa base d’utilisateurs est désormais exponentielle. Entre 2009 et 2010, elle a quasiment doublé. Dans le prospectus déposé à la SEC pour son entrée en Bourse, le réseau social créé par Reid Hoffman estime qu’un nouveau membre rejoint LinkedIn chaque seconde. Du côté de Viadeo, le nombre d’utilisateurs atteint le chiffre respectable de 35 millions. Leader en France (4,5 millions de membres contre deux millions pour LinkedIn), Viadeo affiche 350.000 utilisateurs en Belgique. Au niveau mondial, le réseau s’élargit de 700.000 nouveaux utilisateurs par mois.

Plus important : le trafic _signe de la vitalité d’un réseau en ligne_ est également favorable à LinkedIn. D’après les dernières statistiques de Google Trends (mai 2011), LinkedIn dépasse régulièrement les huit millions de visiteurs uniques par jour. Viadeo plafonne à 300.000. Même si les statistiques sont incomplètes _Viadeo utilise un autre nom commercial sur des pays comme la Chine ou l’Inde_, la différence est de taille.

Avantage : LinkedIn

2. Répartition géographique et stratégies locales

LinkedIn a grandi dans la Silicon Valley, s’est répandu dans les boîtes technologiques en Californie, avant d’essaimer sur tout le continent américain. Aux Etats-Unis, le réseau professionnel domine : plus de 46 millions d’utilisateurs y sont inscrits et LinkedIn se targue de compter parmi ses membres des dirigeants des 500 plus grandes entreprises établies par le classement du magazine Fortune.

En comparaison, Viadeo compte à peine cinq millions d’utilisateurs sur ce continent. “Sur les Etats-Unis, on s’est fait une raison, reconnaît Olivier Fécherolle, directeur développement et communication. Mais le monde anglo-saxon, qui est dominé par LinkedIn, ce n’est pas le monde entier.” Olivier Fécherolle est persuadé que plusieurs acteurs peuvent coexister, même si chaque marché local devra au final trouver son “champion”. Et à ce petit jeu-là, Viadeo est sans doute mieux placé que son concurrent : via une stratégie de rachats d’acteurs locaux, l’entreprise française a fermement pris pied sur des marchés aussi prometteurs que la Chine (près de 500 millions d’internautes à cibler) ou le Brésil. LinkedIn, plus centrée sur le continent US, rattrape néanmoins son retard : elle vient d’ouvrir une antenne en Suède, après la France en mars dernier. “Dès que nous dépassons un seuil critique _en France c’était le cap des deux millions d’utilisateurs_, nous ouvrons un bureau”, explique depuis Paris Laurence Bret Stern, marketing director Europe chez Linkedin. Une stratégie différente de celle de Viadeo, qui attaque d’abord le marché “physique” via une équipe de commerciaux chargée de démarcher les chambres de commerce, les cercles d’entrepreneurs, les universités et les business schools. Cette stratégie permet de nouer des partenariats privilégiés avec les recruteurs locaux, qui sont les véritables cibles des réseaux sociaux professionnels.

Avantage : Viadeo

3. Chiffre d’affaires et rentabilité

En 2010 Dan Serfaty, fondateur et CEO de Viadeo, s’est intéressé à la Bourse de Hong Kong, avant de refermer le dossier. “C’était un conseil des banquiers, soutient Olivier Fécherolle (Viadeo). Cela nous semblait intéressant, vu la proximité avec la Chine, où nous avons des ambitions. Mais après analyse ce n’était pas le bon endroit pour une mid-cap comme la nôtre. Nous attendrons fin 2012 pour réétudier le dossier.” La Bourse de New York, qui accueille la plupart des fleurons du web, devrait être le point de chute de Viadeo pour son IPO.

En attendant, le site a pour objectif la croissance. Le chiffre d’affaires de l’entreprise (non publié) tournerait, selon les estimations, aux alentours des 30 millions d’euros en 2010, et serait en croissance de 70 % sur un an. Avec 35 millions d’utilisateurs, Viadeo gagnerait donc moins d’un euro par membre. Dans le même temps, LinkedIn, qui affichait 243 millions de dollars (168 millions d’euros) de chiffre d’affaires en 2010 (+102 %), pour 90 millions d’utilisateurs à la fin de l’année, parvient encaisser près de deux euros par utilisateur. Question rentabilité, l’entreprise US affichait 15 millions de dollars de bénéfice en 2010, après une perte cumulée de huit millions de dollars en 2008 et 2009. LinkedIn s’attend cependant à essuyer de nouvelles pertes en 2011, en raison d’une stratégie basée, elle aussi, sur la croissance.

Avantage : LinkedIn

4. Sources de revenus

LinkedIn et Viadeo ont trois sources de revenus principales : la vente de bases de données de CV à des recruteurs, la vente d’abonnements premium et la publicité. Si LinkedIn tirait au départ la plus grande part de ses revenus de la conversion d’abonnés gratuits en abonnés payants (ayant accès à une gamme plus large de services), l’entreprise joue désormais sur le créneau de la vente de base de données. L’énorme vivier de candidats et le développement rapide des équipes commerciales (LinkedIn emploie plus de 1.000 personnes dans le monde) ont permis au réseau professionnel de booster ses ventes. Les recruteurs qui puisent dans les ressources de LinkedIn pour en extraire des candidats assurent désormais 49 % des rentrées pour le réseau US (22 % en 2010). La vente d’abonnements premium ne représente plus que 21 % des revenus (45 % en 2008). La vente d’espaces publicitaires reste relativement stable : 30 % des revenus.

Viadeo de son côté continue de miser sur les profils premium, qui assurent 50 % de ses revenus. Le taux de conversion aux abonnements payants se situe aux alentours de 10 % des utilisateurs sur le marché européen. La publicité compte pour 20 % des rentrées. Le reste des revenus étant couverts par les services B2B vendus aux recruteurs. Problème : les abonnements premium ne sont commercialisés qu’en Europe, pas dans les pays émergents. “Ce n’est pas encore le moment, estime Olivier Fécherolle. En Chine, où nous sommes numéro un et où nous visons 25 à 30 millions d’utilisateurs fin 2012, nous préférons grandir avant de proposer une offre payante.” Une stratégie bien connue dans le monde de l’internet… mais qui ne peut pas s’éterniser, surtout lorsque l’on vise une entrée en Bourse.

Avantage : LinkedIn

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