Les grands défis actuels de la voiture autonome du futur

. © Reuters

“Après vous”: un message s’affiche sur le pare-brise pour inviter le piéton à traverser en toute confiance. Comment communiquer avec l’environnement extérieur: tel est un des défis de la voiture autonome, qui devra rassurer aussi le conducteur et le régulateur avant de conquérir les villes.

Les constructeurs automobiles, qui rivalisent d’annonces sur le sujet, ont un même objectif: réduire la mortalité sur les routes. “La vaste majorité des accidents sont le fait d’erreurs humaines”, rappelle Philippe Klein, directeur de la planification de Nissan, en marge du Tokyo Motor Show qui se tient jusqu’à dimanche.

“Elle rendra aussi la conduite plus amusante”, assure-t-il. “Il n’y a rien d’exaltant à passer cinq heures coincés dans des bouchons”.

Mais il faudra d’abord gagner la confiance du conducteur, faute de quoi “nous ne pourrons pas avancer”, fait remarquer Moritaka Yoshida, un responsable de Toyota. Pour tenter d’habituer le public à lâcher le volant, le groupe a récemment organisé une démonstration à la presse.

Nissan est aussi très actif dans les médias. Le développement est certes progressif – “Nous n’envisageons pas un grand bond”, affirme M. Klein, évoquant la panoplie de fonctionnalités qui existent déjà (système de freinage d’urgence, régulateurs de vitesse s’adaptant à l’allure du véhicule précédent…) – mais accepter de ne plus être maître du véhicule n’est pas si évident.

Imiter le style de conduite

“Nous devons nous assurer que les clients comprennent comment fonctionne la machine”, explique-t-il.

Pour parvenir à instaurer une relation de confiance, le logiciel d’intelligence artificielle s’efforcera d’imiter au mieux le style de conduite de l’automobiliste. Sans toutefois “copier ses mauvaises habitudes”, précise-t-on chez Nissan.

Une fois le conducteur conquis, reste à convaincre la communauté, surtout dans un environnement urbain. Les carrefours sont des “interactions très sociales” où l’irruption dans le trafic normal de ce type de voitures risque de surprendre.

“Il se passe de multiples réactions en chaîne au niveau d’une intersection”, explique Melissa Cefkin, du centre de recherche de Nissan situé dans la Silicon Valley, à l’occasion d’une récente visite au Japon.

“Parfois les automobilistes communiquent entre eux et avec les piétons/cyclistes directement, par un échange de regards, un geste de la main ou même verbalement. Parfois, c’est de l’ordre de l’interprétation: on cherche des signaux sur les intentions du véhicule en se fiant à sa vitesse ou à un mouvement”.

“Pour l’heure, la machine n’est pas capable de saisir toute la subtilité de ces indices”, prévient cette anthropologue de formation. D’où une tâche titanesque d'”exploration” de milliers de situations pour tenter d’identifier des “schémas culturels” selon les pays ou le contexte (campus, centre ville).

Avertir le piéton

Mais, poursuit Mme Cefkin, “même si les véhicules autonomes devraient être à terme bien supérieurs à l’homme, par quels moyens vont-ils faire connaître leurs intentions aux autres acteurs de la route ?”

Les constructeurs imaginent des icônes, des messages écrits, des avertissements sonores, ou encore une bande de lumière le long de la carrosserie dont la couleur et l’intensité pourraient changer selon les différents scénarios.

Enfin, il faut persuader les régulateurs de la fiabilité de cette technologie. Les groupes automobiles sont engagés dans d’intenses discussions avec les pouvoirs publics, indique M. Yoshida de Toyota, qui espère que le Japon, les Etats-Unis et l’Europe parviendront à faire émerger “des normes mondiales”.

“Aujourd’hui vous êtes obligés de conduire avec les yeux sur la route, les mains sur le volant. Si la règlementation ne change pas, ça ne sert à rien d’avoir une voiture autonome”, lance le PDG de Nissan Carlos Ghosn.

“Tout dépendra de la coopération public-privé”, admet le dirigeant qui vise une conduite autonome en ville dès 2020.

Ses concurrents japonais sont plus prudents. “L’intelligence humaine n’a pas d’égale pour deviner ce qui va se passer sur la route, donc je pense fondamentalement qu’il ne sera pas facile de laisser la machine aux commandes sauf dans des conditions très restreintes (autoroutes, parcours balisé)”, estime Fumihiko Ike, président du conseil d’administration de Honda, sans oublier la question de la responsabilité personnelle: incombera-t-elle toujours autant à l’automobiliste?

Le PDG de Toyota, Akio Toyoda, a lui aussi souligné les difficultés de la tâche. “Imaginez si survient un accident majeur impliquant un véhicule autonome. Nous devons y aller par étape”, avertit-il.

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