Les e-readers ont-ils encore une chance face aux tablettes ?

A la traîne derrière les tablettes emmenées par l’iPad, les lecteurs de livres électroniques se préparent à passer à la couleur en 2012. Cela sera-t-il suffisant pour faire décoller le marché et lutter contre la concurrence ?

Les liseuses électroniques ont, cette année encore, une scène qui leur est entièrement consacrée au Salon du livre de Paris. Mais le succès n’est toujours pas au rendez-vous pour ces lecteurs dédiés. GfK qualifie toujours ce marché de “confidentiel” dans l’Hexagone : 25.000 à 30.000 liseuses vendues l’an dernier pour un volume estimé à 200.000 pièces en 2011.

On est loin des performances affichées par le segment voisin, celui des tablettes (435.000 ventes en 2010), pour lequel l’institut vient de relever ses prévisions à 1 million d’unités cette année, contre 900.000 précédemment. Sur l’échiquier mondial, les tablettes conservent cet ascendant : IDC rappelle que 18 millions de tablettes ont été livrées en 2010, contre 12,8 millions de liseuses.

E-readers : un marché de niche

“Le lecteur dédié de livres électroniques s’adresse à une fraction du marché, celle des gros lecteurs qui lisent plus d’une dizaine d’ouvrages papier par an, soit environ 10 % d’une population de lecteurs dans un pays donné”, note Marc Leiba, consultant livre numérique à l’Idate.

Sur ce marché, les freins sont encore nombreux, à commencer par l’aspect mono-usage des liseuses et leur prix élevé : 150 dollars pour le Kindle d’Amazon, 229 euros pour le dernier Cybook Orizon de Bookeen, 250 euros pour le haut de gamme des Reader de chez Sony, 199 euros pour le FnacBook. En conséquence de quoi, “il faut acheter au moins 20 e-books par an pour amortir une liseuse”, constate Marc Leiba.

Ajoutons à cela un catalogue de titres certes en hausse (100.000 références, contre 40.000 l’an dernier) mais qui reste bien inférieur à l’offre physique, et des contenus toujours pénalisés, en France, par une TVA à 19,6 %.

La couleur, planche de salut pour les liseuses ?

Outre une tendance à la baisse du prix de ces produits, la généralisation des écrans tactiles ou, pour certains, leur capacité de connexion 3G ou Wi-Fi, et l’arrivée dès l’an prochain des écrans couleur pourraient cependant stimuler ce marché. “C’est un plus, assure Michaël Dahan, fondateur de Bookeen. En littérature générale, des couvertures en couleur apportent une dimension marketing supplémentaire. Dans des domaines tels que l’édition électronique professionnelle, la couleur devient indispensable, par exemple dans les applications dédiées comme les manuels de maintenance utilisés par les techniciens. Son usage constitue également un avantage dans le domaine scolaire ou parascolaire.”

Elise Dupuis, chef de groupe marketing mobilité chez Sony, nuance ce jugement : “La couleur, oui, elle sera bénéfique le moment venu… mais à condition de ne pas amoindrir le confort du lecteur.”

Pour autant, la couleur ou la vidéo ont-elles vraiment leur raison d’être sur les liseuses ? “Le but est d’élargir le public et de pouvoir diversifier les contenus, notamment en direction de la BD, des mangas, ou d’en compléter d’autres, notamment la presse”, répond Clément Hering, chef analyste produits chez GfK.

Pour sa part, Marc Leiba est plus convaincu par le potentiel du livre “enrichi” (par des fonctionnalités audio, vidéo, des liens hypertexte) : “Pour l’heure, le livre enrichi ne donne vraiment satisfaction que sur un PC ou un iPad. Sur les liseuses, le livre numérique est homothétique (Ndlr, simple copie numérique du livre papier), mais son évolution, c’est le livre enrichi. Les liseuses, dans leur forme actuelle, risquent d’être limitées si elles n’offrent pas la navigation sur Internet. En ce sens, la connectivité aux réseaux Wi-Fi ou 3G est un prérequis pour les constructeurs.”

Faire aussi bien que l’e-Ink, le défi des technologies couleur

Pour l’heure, la technologie e-Ink, noir et blanc, est largement répandue dans les liseuses. Ses atouts sont indéniables en dépit d’une certaine lenteur à l’affichage : confort visuel, très faible consommation d’énergie, lisibilité en toutes circonstances, même en plein soleil. En outre, cette technologie permet désormais la production d’images vidéo en noir et blanc, et sa version couleur s’améliore progressivement.

Deux nouvelles technologies d’écrans couleur au potentiel jugé prometteur par les professionnels étaient en démonstration lors du dernier CES de Las Vegas. La première, LiquaVista, exploitée par le sud-coréen Samsung ; la seconde, Mirasol, développée par Qualcomm. La firme américaine a annoncé début 2011 un nouvel investissement de 1 milliard de dollars dans une usine qui fabriquera des écrans Mirasol.

Laurent Fournier, senior director business development chez Qualcomm, estime que “Mirasol répond à quatre paramètres affectant les e-readers, alors que les technologies concurrentes n’apportent de solutions qu’à une partie d’entre eux : forte consommation en énergie des écrans, visibilité en extérieur, couleur et possibilité de supporter la vidéo.”

Pour Jacques Angelé, consultant en technologies innovantes, “Mirasol et LiquaVista peuvent prétendre succéder aux technologies d’encre électronique noir et blanc utilisées sur les liseuses actuelles. Elles sont économes en énergie, plus rapides, permettent la vidéo et rivaliseront rapidement avec le niveau d’excellence des images LCD ou LED produites par les tablettes électroniques.”

Quelle que soit l’évolution des technologies, “l’accélération du marché ne sera possible que le jour où les problématiques contenus (prix du livre, contenus adaptés, offre catalogue) seront résolues”, conclut Elise Dupuis.

Gilles Musi, L’Expansion.com

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