Les bitcoins sont-ils les nouveaux lingots d’or ?

© Canal Z

Dans un monde en proie à l’incertitude économique, la monnaie virtuelle semble se muer en valeur refuge, portée par une offre qui se raréfie et un fort engouement dans des marchés émergents comme la Chine.

Cette crypto-monnaie qui n’est contrôlée par aucune banque centrale frôlait jeudi, à plus de 1.100 dollars, son record historique (1.165,89 dollars, franchi en 2013) sur le Bitcoin Price Index, moyenne des plateformes d’échange de bitcoins dans le monde.

Cette monnaie a grandement fluctué depuis son lancement en 2009. Par exemple en août, des informations sur le vol de dizaines de millions de dollars de bitcoins avaient fait plonger les cours de plus de 20%.

La monnaie virtuelle, créée à partir de la technologie du “blockchain”, se vend et s’achète en ligne, et sert à échanger biens et services. Ses détracteurs lui reprochent son manque de transparence, d’être l’instrument de tous les trafics illégaux du fait de l’anonymat des paiements.

Comme la possibilité de créer des bitcoins est limitée à 21 millions d’unités, dont plus des trois quarts ont déjà été générés, le bitcoin bénéficie de la raréfaction de l’offre, expliquent les analystes.

Il profite également de l’affaiblissement des devises traditionnelles face au dollar – lequel se renforce à la faveur de la hausse des taux d’intérêt américains.

Investissement à la mode

“Il y a de moins en moins de bitcoins qui sortent et les gens le voient comme un bon investissement face à la dévaluation des devises de leur pays, et au lieu d’acheter des dollars américains, ils achètent des bitcoins”, explique Vinny Lingham, patron de la startup américaine Civic, spécialisée dans la protection de l’identité numérique.

Il souligne aussi l’impact des incertitudes géopolitiques, en particulier les menaces potentielles de la prochaine administration du président américain élu Donald Trump pour les marchés émergents, et prédit un bitcoin à 3.000 dollars fin 2017.

“Le bitcoin réagit comme une valeur refuge”, ajoute M. Lingham. “Les jeunes générations ne croient pas dans l’or comme le faisaient leurs parents. Dans les marchés émergents en particulier, le bitcoin devient l’investissement vers lequel se tourner”.

Le cours du bitcoin en devises de plusieurs pays émergents a augmenté encore plus qu’en dollars.

En Chine, les trois principales plateformes chinoises (BTC China, Okcoin et Huobi), fonctionnant en yuans, représentent environ 98,4% des échanges mondiaux de bitcoins, selon les données d’un site de référence du secteur, bitcoinity.org.

L’engouement pour la monnaie virtuelle a littéralement explosé ces derniers mois dans la deuxième économie mondiale, en raison de la mauvaise santé du yuan – à des plus bas de huit ans – et du renforcement des restrictions imposées par Pékin sur les achats de devises étrangères pour limiter l’hémorragie des capitaux.

‘Phénomène mondial’

Sur BTC China, la plus grosse plateforme mondiale d’achats ou de ventes de bitcoins, le volume quotidien s’est envolé jusqu’à un sommet de 27,8 milliards de yuans le 22 décembre (4 milliards de dollars), contre environ 1 milliard de yuans par jour en septembre.

Dickie Wong, directeur de recherches de Kingston Securities à Hong Kong, juge probable que les investisseurs chinois se tournent vers le bitcoin au moment où le yuan recule, pour contourner la limite annuelle de 50.000 dollars imposée aux achats de devises étrangères. “La dévaluation du RMB (yuan) est le problème principal”.

“Ce n’est pas seulement la Chine, c’est un phénomène mondial”, complète Bobby Lee, cofondateur et PDG de BTC China. “Il y a beaucoup d’exemple de démonétisation. En Inde, ils annulent certains billets, en Argentine aussi (…) Cela renforce l’attractivité du bitcoin, c’est une vraie valeur nouvelle”.

Le Premier ministre indien Narendra Modi a décidé de démonétiser, au nom de la lutte contre la corruption, les billets de 500 (7,5 dollars) et 1.000 roupies.

Les bitcoins pèsent 18 milliards de dollars – largement plus que les autres monnaies numériques mais loin derrière les devises traditionnelles.

Ajay Sunder, du cabinet Frost & Sullivan à Singapour, les vents sont d’autant plus favorables au bitcoin que les paiements numériques augmentent. “De manière générale, les gens sont plus à l’aise aujourd’hui avec les transactions numériques”.

“Mais”, souligne-t-il, “les bitcoins sont toujours très marginaux. Reste à voir s’il vont se généraliser”.

Une monnaie virtuelle à la réputation sulfureuse

Après sept années d’une existence mouvementée, le bitcoin est revenu sur le devant de la scène en ce début d’année en frôlant des niveaux inédits. Voici quelques données sur cette monnaie virtuelle à la réputation sulfureuse:

Le bitcoin, qu’est-ce que c’est ?

Le terme vient de l’anglais “coin”, pièce de monnaie, et “bit”, unité de mesure informatique binaire. Il désigne une monnaie virtuelle qui tire son origine d’un logiciel conçu en 2009 par un ou plusieurs informaticiens, se cachant derrière le pseudonyme Satoshi Nakamoto.

L’identité de son créateur reste mystérieuse. En mai 2016, un entrepreneur australien, Craig Wright, avait revendiqué la paternité du bitcoin mais face aux doutes émis par des spécialistes des crypto-monnaies, il avait renoncé à le prouver, affirmant n’avoir “pas le courage” de supporter la pression publique.

Contrairement aux devises physiques telles que l’euro ou le dollar, le bitcoin n’est régi par aucune banque centrale ni aucun gouvernement, mais par une vaste communauté d’internautes.

Il peut être échangé contre des services (payer la course d’un taxi par exemple), des marchandises ou même d’autres devises, du moment que l’autre partie prenante à la transaction en accepte le principe. Il est désormais utilisé par des milliers de sites web et même certaines boutiques “réelles”.

L’avantage ? Le bitcoin est assorti de frais de transaction quasi nuls, en l’absence d’intermédiaire bancaire, et les paiements s’effectuent en quelques minutes seulement.

Il existe de nombreuses autres crypto-monnaies dans le monde, comme ORObit, Litecoin, Quark ou encore Dogecoin, mais le bitcoin occupe une place ultra-dominante.

Où s’en procurer ?

Pour créer des bitcoins, un simple ordinateur suffit, mais en réalité l’opération est aujourd’hui réservée à des spécialistes dotés de moyens financiers élevés du fait de la puissance de calcul nécessaire.

Une fois un logiciel gratuit téléchargé, la fabrication de cette monnaie – le “minage” – peut commencer. Le prospecteur de bitcoins rejoint alors un réseau réunissant des dizaines de milliers d’ordinateurs dans le monde. Sa mission: résoudre des équations successives qui lui valent d’être récompensé en cas de succès par les bitcoins tout juste fabriqués.

Le système de cryptage employé garantit la sécurité des transactions et permet de retracer tous les échanges réalisés depuis la création de la monnaie. L’algorithme génère les bitcoins en nombre décroissant jusqu’à ce que le total en circulation, actuellement plus de 16 millions d’unités, atteigne le plafond de 21 millions.

Le simple curieux qui veut seulement se procurer des bitcoins sans les créer peut se contenter de convertir des monnaies sonnantes et trébuchantes contre des bitcoins sur des plateformes dédiées.

Combien vaut un bitcoin ?

Depuis sa naissance, il a été soumis à d’importants mouvements de fluctuation, une volatilité extrême qui lui a attiré de nombreux détracteurs. S’il s’affichait à plus de 1.100 dollars jeudi sur le Bitcoin Price Index, moyenne des plateformes d’échange dans le monde, il ne valait que quelques centimes à son lancement, puis est monté à plus de 1.000 dollars à l’automne 2013 avant de retomber autour de 200 dollars en 2015.

Parce que le total des bitcoins est limité, des économistes soulignent le fait que son cours est amené à augmenter sur le long terme.

Quel avenir pour le bitcoin ?

Le bitcoin s’est bâti une réputation sulfureuse en raison de son manque de transparence, après la faillite en 2014 de la plateforme d’échanges MtGox. Son patron, le Français Mark Karpelès, a passé plusieurs mois en prison au Japon sur des accusations de détournement de fonds.

Instrument selon ses détracteurs de tous les trafics illégaux du fait de l’anonymat des paiements, le bitcoin est par ailleurs, dans sa forme actuelle, vulnérable au vol ou toute autre opération frauduleuse.

Un important site d’échange de bitcoins basé à Hong Kong a ainsi été contraint l’été dernier de suspendre les transactions après la découverte d’une faille dans ses systèmes de sécurité qui pourrait s’être soldée par un vol de l’équivalent de 65 millions de dollars.

Face à ces dérives, de nombreux pays ont pris des mesures pour en encadrer l’usage ou y réfléchissent.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content