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‘Le progrès technologique tend à rendre les hommes indispensables pour ce qu’ils sont’

Il n’aura pas fallu attendre que la Finlande décide de ne plus rendre obligatoire l’enseignement de l’écriture cursive (à la main) pour se poser cette question, mais certains auront sans doute été particulièrement émus par cette décision hautement symbolique : jusqu’où nos tâches quotidiennes, que l’on pensait immuables, seront-elles remplacées par les ordinateurs ?

La peur est souvent mauvaise conseillère et c’est pourtant elle qui est à l’oeuvre lorsque nous constatons que l’automatisation gagne du terrain. Ainsi, pour nous rassurer, nous avons tenté, des décennies durant, de déterminer ce qu’une machine ne serait jamais capable de faire… en nous fourrant désespérément le doigt dans l’oeil. Même la conduite d’une voiture, considérée comme une tâche éminemment complexe car résultant d’une succession de décisions prises en une fraction de seconde, basées sur notre appréciation parfois très intuitive du risque, est aujourd’hui automatisable. Bill Joy, un informaticien américain rendu populaire par son article “Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous”, paru en 2000 dans la revue Wired, explique d’ailleurs par le biais d’une comparaison très simple qu’il est vain de chercher la limite de la technologie : si l’aviation, qui est 100 fois plus rapide que la marche, a révolutionné le monde, le potentiel des ordinateurs dont la puissance de calcul augmente d’un facteur 1 million en 40 ans est tout simplement inimaginable.

Comment dès lors les humains pourront-ils continuer à ajouter de la valeur dans ce bas monde ? Précisément en étant des humains. Alors que sur le siècle écoulé, ils ont surtout cherché à se comporter comme des machines, en espérant même être meilleurs qu’elles. Ainsi, certains commencent déjà à remettre en question l’importance de l’apprentissage du code informatique, présenté comme le sésame pour un futur (professionnel) digne de ce nom. La matière, comme toutes les autres matières scientifiques d’ailleurs, reste évidemment d’une importance cruciale… mais sa valeur tend à diminuer au fur et à mesure que la puissance informatique augmente. A l’inverse, les compétences interpersonnelles, la capacité à bâtir des relations, à collaborer, à créer ensemble, le leadership — des compétences typiquement humaines qui ont d’ailleurs permis la survie de l’espèce — sont et seront plus valorisables que jamais.

Le progrès tend à rendre les hommes indispensables pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils savent

Même si l’on peut regretter que l’apprentissage de l’écriture soit relégué au rang d’archaïsme, et même si la technologie n’a pas fini de détruire des emplois, il y a toutefois lieu de se réjouir : le progrès tend à rendre les hommes indispensables pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils savent. Reste qu’il faudra pour en tirer parti réussir à appréhender la technologie de façon à ce qu’elle nous permette justement d’être plus humains, ce qui n’est pas gagné d’avance. Car outre de fameux gains de productivité, la technologie, informatique en particulier, a également contribué à nous isoler les uns des autres. A force de confondre connexion et conversation, de passer du temps à élaborer un profil de soi toujours plus désirable, broadcasté vers un réseau souvent beaucoup trop large pour être véritablement exploitable, nous nous replions sur nous-mêmes alors que les enjeux économiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés nécessitent que nous nous comportions comme l’animal social que nous avons toujours été… et qu’une machine ne sera jamais.

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