L’Etat ne peut plus vous réclamer des informations qu’il possède déjà

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La digitalisation a permis de réduire le nombre de fonctionnaires, tout en améliorant le service aux citoyens. Les Belges utilisent les potentialités de leur carte d’identité électronique près de 100 millions de fois par an.

En cinq ans, les effectifs de la fonction publique fédérale ont été réduits de 7 % et passent maintenant sous les 70.000 unités (ETP). En Wallonie, on limite le remplacement des fonctionnaires partant à la retraite à un ratio de un sur cinq. A la Communauté française, on table sur une économie de 16 millions d’euros par le dégraissage de l’administration. Et, bien entendu, chacun assure que cette évolution ne se réalise pas au détriment du service aux citoyens. Au contraire même.

De tels ratios coûts/efficacité n’auraient pas été possibles sans la digitalisation de pans entiers de l’administration. Au niveau fédéral, les différents départements ont pu compter sur l’apport de Fedict, le SPF dédié aux technologies de l’information. Il accompagne la stratégie générale d’e-government et les projets transversaux de l’administration fédérale. Chaque SPF reste toutefois responsable du contenu de son site et des sites spécifiques mis en ligne pour un événement ou une action particulière. “Avant de numériser, nous avons souvent dû simplifier, explique Mila Druwe, responsable de la communication chez Fedict. Les procédures, parfois très complexes de l’administration, ne sont en effet pas résolues par la digitalisation.” Avant même d’entamer la transition numérique proprement dite, on constate donc une simplification bénéfique.

47 millions d’informations échangées

L’élément central de l’administration numérique, c’est l’échange de données informatisées entre les différents services. La loi a désormais institué le principe “Only once” : l’administration ne peut plus exiger qu’un citoyen lui renvoie des données le concernant et qu’elle possède déjà, même si c’est à un tout autre bout de la chaîne. “Nous aidons les administrations à s’organiser pour respecter cette nouvelle règle, poursuit Mila Druwe. Fedict a été désigné ‘intégrateur fédéral’, nous sommes autorisés à combiner les données provenant des différentes administrations.”

Le Federal service bus permet ainsi à tous les services de puiser les informations nécessaires dans des sources authentiques, comme le registre national ou la base de données des entreprises. L’an dernier, 47 millions d’informations ont été échangées par ce biais. Les plus gros utilisateurs sont les différents services de pension, ce qui simplifie énormément la vie des citoyens au moment d’accéder à la retraite.

Chaque administration est responsable de la mise à jour des données relevant de ses compétences et désormais au service direct de chacun. Enfin, pas tout à fait de chacun. La notion de respect de la vie privée s’applique bien entendu aussi aux serviteurs de l’Etat. “Pour chaque tâche, il faut démontrer à la Commission pour la protection de la vie privée le besoin de collecter ces données”, précise Mila Druwe. Le fonctionnaire ne pourra en outre lire que les informations qui lui sont pertinentes. Idem pour l’utilisation par les privés : quand il lit la puce de votre carte d’identité, le pharmacien voit si vous êtes en ordre au niveau de la sécurité sociale mais il n’a pas accès à votre dossier médical en ligne.

Tax-on-web

L’administration fédérale a développé une large panoplie de services. L’un des plus anciens, et finalement la base de tout le reste, c’est la carte d’identité électronique. Quelque 8,5 millions d’eID sont actives. En moyenne, un Belge utilise les potentialités numériques de son eID 12 fois par an, pour remplir sa déclaration d’impôts, pour mettre à jour son dossier à la banque ou chez le pharmacien, pour jouer au Lotto en ligne, pour acheter des boissons alcoolisées à un distributeur etc. “C’est un atout fabuleux, affirme Eric Bierry, CEO de Stopra Steria. La carte d’identité électronique valide le processus citoyen, les Belges sont plus enclins à accepter de mettre des données en ligne quand on utilise ce vecteur. Les banques s’y intéressent de plus en plus pour remplacer leurs modules actuels, avec codes et mots de passe.”

L’autre grand succès de la digitalisation de l’administration, c’est bien entendu Tax-on-web. L’an dernier, 3,47 millions de déclarations d’impôts ont été rentrées par ce biais. Cela facilite la vie des contribuables, qui reçoivent des déclarations pré-remplies grâce aux informations que le fisc détenait déjà. “La pierre d’achoppement reste les emprunts hypo- thécaires car nous ne disposons pas automatiquement des données bancaires”, explique Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances. Le logiciel de calcul permet également au contribuable, poursuit notre interlocutrice, de vérifier la formule la plus intéressante pour lui. “Parfois, il vaut mieux opter pour un forfait que d’indiquer les mon-tants réellement payés pour la garde des enfants”, observe-t-elle.

La numérisation simplifie aussi le travail des agents. Il n’y a plus d’encodage manuel (les déclarations “papier” sont scannées) et le nombre d’erreurs est considérablement réduit. Les mauvaises transcriptions ou les inversions de code sont bien souvent décelées automatiquement par les filtres informatiques. Ceux-ci relèvent également les montants hors normes dans certaines rubriques. Dans un second temps, le croisement des données (datamining) aide aussi les contrôleurs à pointer des indices de fraude et à approfondir les investigations. Le SPF Finances investit chaque année de 400 à 500.000 euros pour la maintenance de Tax-on-web.

Créer sa société en trois jours

Le eDepot permet aux notaires d’effectuer en ligne et de manière entièrement électronique toutes les opérations pour créer une entreprise, ou d’adapter les informations officielles pour une société existante. Un quart des nouvelles sociétés utilisent ce service, qui permet de créer une entreprise en trois jours, publication au Moniteur incluse. Les ASBL peuvent aussi utiliser le service eDepot.

Digiflow. Afin de simplifier la vie des entreprises, une série d’attestations nécessaires pour rentrer une offre dans le cadre d’un marché public sont désormais disponibles en ligne. Les fonctionnaires vont alors les chercher directement dans les bases de données pertinentes, en respectant évidemment les conditions d’accès. En 2013, plus de 114.000 attestations avaient ainsi été téléchargées au lieu d’être imprimées et envoyées. Les plus demandées étaient les attestations d’absence de dettes sociales. Depuis lors, on peut aussi solliciter l’attestation pour les dettes fiscales. Le service vaut aussi pour la situation de TVA, les comptes annuels et l’attestation de non-faillite.

Les paiements électroniques. Le SPF Fedict a mis au point un service de paiement électronique au profit des différentes administrations du pays. Près de 30.000 versements ont été effectués par ce biais en 2013, soit deux fois plus que l’année précédente. Un tiers proviennent de l’achat de tickets pour des activités diverses, via le site de la commune d’Anvers. Une dizaine d’autres villes flamandes utilisent ce système (aucune en Wallonie ou à Bruxelles) pour des billets de spectacle, des cartes de stationnement de riverains etc.

En ce qui concerne les montants, près de la moitié (930.000 euros sur 2 millions) arrive pour l’équivalence des diplômes en Communauté française. Et si l’on pointe régulièrement l’énorme retard de la Justice en matière d’informatisation, on constatera le fonctionnement du service e-greffe, qui a récolté 238.000 euros en 2013.

Le dossier eBirth. Lors d’une naissance, Fedict collecte les infos encodées à l’hôpital via la carte d’identité électronique et les met à disposition de toutes les administrations (Registre national, allocations familiales, statistiques, communes…). “Cela allège les tâches pour tout le monde, accélère le processus et réduit le nombre de fautes dans les noms, car il y a nettement moins d’interventions manuelles dans la chaîne”, résume Mila Druwe. En 2013, 91.000 dossiers eBirth ont été réalisés. A terme, le gouvernement pourrait mettre en place un système similaire pour les décès.

L’e-guichet. Ce service permet d’effectuer certaines démarches en ligne. Il concerne actuellement les plaintes pour les petites dégradations et les vols simples, les demandes de tarif social de l’énergie, la signalisation aux forces de l’ordre de l’installation d’une alarme. En 2013, l’e-guichet a été utilisé 25.000 fois.

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