“J’ai toujours cru qu’une scission était la meilleure chose !”

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Arrivé en novembre 2007 à la tête de Motorola, Greg Brown, davantage attiré par les solutions industrielles (plus rentables), songea rapidement à l’idée de scission. D’autant qu’au même moment, l’investisseur-activiste Carl Icahn la réclamait avec force… L’a-t-il fait ?

Dans la téléphonie mobile, les évolutions sont très rapides. Faute de proposer des produits à la pointe et à la mode, les leaders d’un jour peuvent se retrouver à la peine le lendemain. Motorola en sait quelque chose. La firme américaine s’était hissée à la seconde place mondiale des fabricants, voici cinq ans. A l’époque, ses modèles ultralégers à clapet, les Razr, faisaient fureur.

Puis, en juin 2007, l’iPhone d’Apple débarqua sur le marché, lançant la mode des appareils intelligents et des écrans tactiles. Ce tournant fut mal négocié par la firme de Schaumburg, près de Chicago. Elle continua à privilégier le design et les ventes au rabais, plutôt que les fonctionnalités et l’accès aux contenus. Grave erreur. En 2006, Motorola écoulait 209 millions d’appareils, selon l’Institut Gartner. En 2010, elle n’en livrait plus que… 38 millions ! Sa part de marché n’a cessé de reculer : 21,6 % en 2006, 14,3 % en 2007, 8,7 % en 2008, 4,8 % en 2009, 2,4 % en 2010. Destin funeste pour l’inventeur du téléphone sans fil, en 1973.

Pour éponger les pertes, Motorola mit à contribution ses autres divisions. C’est que le groupe – à l’origine un fabricant de radio-transmetteurs pour l’armée US – était aussi actif dans une foule de domaines. Il changea ensuite de CEO en novembre 2007, Ed Zander passant le flambeau à Greg Brown, un ancien d’Ameritech et d’AT&T. Davantage attiré par les solutions industrielles, plus rentables, celui-ci songea rapidement à l’idée de scission. D’autant qu’au même moment, l’investisseur-activiste Carl Icahn la réclamait avec force. Avec 6,4 % du capital à l’époque, celui-ci digérait mal la dégringolade du titre en Bourse : 183 dollars à la mi-2006; 64 dollars à la mi-2008. Bref, voici juste deux ans, en mars 2008, la séparation fut annoncée.

Celle-ci mit plus de temps que prévu à se réaliser. C’est que, quelques mois plus tard, éclatait la crise financière. Impossible de séduire les investisseurs en ces temps troublés. Et puis, il fallait encore redresser la division “mobile” avant de la lâcher. Ici, pourtant, les mesures n’ont pas manqué. Un manager a été choisi pour diriger cette future branche : l’indien Sanjay Jha. Ensuite, un deal a été signé avec Google pour utiliser sa plate-forme pour smartphones Android. Bien vu : en trois ans, cette dernière a raflé quasi un quart du marché. Un autre contrat a été passé avec l’opérateur Verizon pour distribuer les produits Motorola, en concurrence avec AT&T qui avait jusque-là l’exclusivité de l’iPhone. De nouveaux appareils sont enfin venus renouveler l’offre : le GSM intelligent DroidX ; le mobile aux performances de PC Atrix 4G ; ou la toute récente tablette Xoom.

Finalement, au troisième trimestre 2010, la division a renoué avec les bénéfices. La séparation en Bourse s’est donc concrétisée le 4 janvier de cette année. Avec la naissance de Motorola Mobile Inc (MMI), centrée sur les GSM mais aussi l’électronique domestique : modems, décodeurs TV, etc. Et de Motorola Solutions Inc (MSI), héritière de l’ancien groupe, propriétaire de la marque, dirigée par Greg Brown et spécialisée dans les télécoms pour entreprises et administrations : réseaux, systèmes radio, puces RFID, scanners de code-barre, etc.

Cette dernière entité essaie aujourd’hui de céder son activité”réseau” au n° 2 mondial du domaine, Nokia Siemens Networks, pour 1,2 milliard de dollars mais la transaction attend le feu vert des autorités anti-trust chinoises. Quant à MMI, son redressement reste considéré comme incertain, notamment depuis que Verizon s’est mis à vendre des iPhone.

Jean-Christophe de Wasseige

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