High-tech : Huawei vs ZTE, qui a l’avantage ?

Smartphones, tablettes ou réseaux : Huawei et ZTE, les deux équipementiers emblématiques du capitalisme à la chinoise, se livrent une bataille mondiale sans merci. Passage en revue de leurs atouts et faiblesses.

Si Huawei se met à utiliser les mêmes procédés que les Européens, c’est le début de la fin.” Le regard malicieux, Lin Cheng, le patron de ZTE-Europe, ironise sur la plainte déposée contre lui par son compatriote pour violation de brevets, quelques jours seulement après que le suédois Ericsson eut engagé une procédure identique. Longtemps, on a mis dans le même sac les deux équipementiers de télécoms, fers de lance du capitalisme chinois partis à la conquête du monde. Nés il y a plus de vingt ans à Shenzhen, à l’embouchure de la rivière des Perles, les voilà désormais engagés dans une guerre ouverte.

1. Positions commerciales

Les deux industriels chinois sont concurrents dans leurs deux métiers principaux : la construction de réseaux de télécoms et les terminaux (tablettes, clés 3G, téléphones). Mais Huawei a très vite distancé son rival. Avec 28 milliards de dollars de chiffre d’affaires, il est trois fois plus gros que ZTE, talonnant ainsi de près le leader mondial, Ericsson. Huawei a creusé l’écart à partir de 2003 avec la mise en place d’une politique d’internationalisation à marche forcée, d’abord en Afrique, puis en Europe (65 % de son chiffre d’affaires sont réalisés hors de Chine). ZTE a, quant à lui, pris le train de la mondialisation en marche. Résultat : là où Huawei détient 20 % du marché européen des infrastructures de réseaux, ZTE ne peut même pas prétendre en détenir 2 %. Mais ZTE a marqué des points ces dernières années dans les terminaux mobiles vendus sous sa propre marque, l’un des rares marchés où il devance Huawei, notamment dans les smartphones. L’an dernier, il a vendu 90 millions de téléphones portables – trois fois plus que Huawei -, ce qui le classe au cinquième rang mondial en nombre d’unités, juste derrière Apple. Et ce n’est pas terminé. ZTE espère intégrer cette année le top 3 des fabricants de tablettes. Relais de croissance indispensable pour les deux équipementiers, les terminaux représentent presque un tiers du chiffre d’affaires de ZTE (contre 17 % pour Huawei). Mais, après s’être imposé dans les équipements de réseaux, Huawei entend bien accélérer à son tour sa diversification en doublant ses ventes de terminaux cette année et en capitalisant sur sa propre marque, alors qu’aujourd’hui ses produits sont vendus essentiellement sous le nom d’opérateurs.

Huawei : 5/5

ZTE : 3/5

2. Capacités d’innovation

Loin des clichés sur les Chinois qui copient les Occidentaux, Huawei et ZTE sont devenus des champions de l’innovation. Avec un total de 1 737 brevets, Huawei était en tête des déposants à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en 2008, et au deuxième rang en 2009. Le groupe consacre 2,5 milliards de dollars à la R&D, contre 1 milliard pour ZTE ; un salarié sur deux travaille dans ces activités. Des chiffres impressionnants, même si certains analystes objectent que la R&D chinoise est davantage orientée vers le développement que vers la recherche…

Quoi qu’il en soit, ces efforts sont payants : au Royaume-Uni, Huawei vient de remporter un contrat pour l’installation d’un réseau 4G, au nez et à la barbe d’Ericsson. “Il y a quelques années, Huawei avait la réputation de faire des produits pas chers mais pas terribles, résume un cadre d’Alcatel, le rival français. Aujourd’hui, ils vendent, un peu plus cher, de bons équipements. ZTE semble s’engager dans la même voie à quelques années d’écart.” Une preuve que Huawei a du souci à se faire : l’an dernier, il a dû céder à ZTE sa deuxième place sur le podium de l’OMPI.

Huawei : 5/5

ZTE : 4/5

3. Indépendance politique

Créé par un ancien colonel de l’Armée populaire, Huawei est soupçonné d’entretenir des liens privilégiés avec les autorités pékinoises. Cela lui vaut la méfiance persistante des Américains, qui, à deux reprises, l’ont empêché de mettre la main sur des sociétés aux Etats-Unis (3Com, finalement rachetée par Hewlett-Packard, et 3Leaf Systems). Du protectionnisme déguisé, aux yeux de l’opérateur chinois, qui se déclare privé à 100 %.

Pour Lin Cheng (ZTE-Europe), “la structure du capital et la gouvernance, c’est ce qui nous différencie le plus de Huawei”. Pourtant, ZTE n’est pas exempt de critiques. Lui aussi a été évincé d’un appel d’offres pour un contrat du Groupe Sprint Nextel. Motif : des sociétés d’Etat figurent parmi ses actionnaires de référence. “En Chine, ZTE est perçu comme une entreprise d’Etat”, assure un initié. “Culturellement, on est mieux perçus aux Etats-Unis”, plaide Lin Cheng. Il est vrai que ZTE compte parmi ses actionnaires des institutionnels américains, dont le fonds de gestion Fidelity.

En Europe, ce sont les lignes de crédit généreusement octroyées par les banques publiques chinoises aux deux équipementiers qui les ont récemment placés dans le collimateur de la Commission européenne.

Huawei : 2/5

ZTE : 2/5

4. Transparence financière

Coté en Bourse à Hongkong et Shenzhen depuis 2004, ZTE est officiellement tenu de publier ses résultats financiers. Néanmoins, les critères de transparence sont notoirement moins contraignants sur les places asiatiques qu’à New York, Francfort ou Paris. A son tour, le Groupe Huawei a compris récemment qu’il avait tout intérêt à communiquer davantage sur lui-même. Au printemps, il a divulgué pour la première fois la liste de ses administrateurs tout en présentant sa stratégie et son organisation à la communauté financière. Un parterre d’analystes – américains en majorité – se pressaient dans les salons luxueux de l’hôtel Shangri-La, sur les rives du fleuve Huangpu. La prochaine étape, de l’aveu même d’un haut dirigeant du groupe, sera la cotation de Huawei. “Ses dirigeants nous annoncent depuis 2004 qu’ils vont s’introduire en Bourse”, ironise cependant Lin Cheng.

Huawei : 2/5

ZTE : 3/5

Résultats : Huawei 14/20 ZTE 12/20

Parti plus tôt à la conquête de l’Europe et de l’Afrique, Huawei devance largement son rival ZTE, qui, lui, profite de sa présence sur les places boursières asiatiques pour apparaître comme plus transparent. Mais, pour gagner en respectabilité, notamment aux Etats-Unis, les deux équipementiers vont devoir sérieusement lever les doutes quant à leurs liens supposés avec le gouvernement chinois.

Delphine Déchaux et Géraldine Meignan, L’Expansion.com

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