Facebook en Bourse, un pari risqué ?

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À l’heure du dépôt de son dossier d’introduction en Bourse aux Etats-Unis et malgré une valorisation exceptionnelle, estimée entre 75 et 100 milliards de dollars, Facebook n’a rien de la bulle gonflée à vide. L’entreprise a largement de quoi rassurer les investisseurs. Démonstration.

Malgré sa valorisation exceptionnelle, estimée entre 75 et 100 milliards de dollars, Facebook, qui a déposé son dossier d’introduction en Bourse aux Etats-Unis, n’a rien de la bulle gonflée à vide. L’entreprise a largement de quoi rassurer les investisseurs. Démonstration.

Une position unique sur l’Internet

Facebook compte 845 millions d’utilisateurs actifs à fin 2011 (+39% sur un an), dont 57% se connectent au moins une fois par jour. 55% des internautes dans le monde utilisent Facebook, un site créé il y a seulement huit ans. Une minute sur sept passée en ligne dans le monde est ainsi est consacrée à Facebook, selon comScore. 425 millions de mobinautes se connectent à Facebook sur des appareils portables. Les utilisateurs de Facebook ont en moyenne 130 “amis”. Plus de 250 millions de photos sont mises en ligne sur le site chaque jour. Facebook stocke plus de 100 petaoctets de photos et de vidéos. Les utilisateurs ont enregistré 2,7 milliards de “like” et de commentaires par jour en moyenne, sur les trois derniers mois de l’année 2011.

Une croissance toujours impressionnante

La croissance ralentit (+154% entre 2009 et 2010, +88% entre 2010 et 2011) mais se maintient à des niveaux spectaculaires. De plus, le réservoir de croissance à l’international et dans les pays émergents est énorme. Les Etats-Unis comptent le plus grand nombre d’utilisateurs de Facebook (161 millions d’utilisateurs actifs fin 2011, +16% sur un an), suivis par l’Inde (46 millions, +132%), l’Indonésie, le Brésil (37 millions, +268%) et le Mexique. Facebook est le numéro un des sites communautaires dans presque tous les pays, à de rares exceptions (la Russie, la Chine où il est interdit, le Japon, la Corée du Sud, le Vietnam, la Pologne).

Résultats financiers : c’est du lourd

Facebook a publié un chiffre d’affaires de 3,71 milliards de dollars pour 2011, en croissance de 88% sur un an, et un bénéfice net de 1 milliard de dollars. Avec un résultat d’exploitation de 1,7 milliard de dollars, sa marge opérationnelle atteint 47%. Sa marge nette, 27%. Quand Google s’est introduit en Bourse en 2004, il étai moins rentable que cela. En fait, Facebook réalise en bénéfice, au moment de son IPO, ce qu’enregistrait Google en chiffre d’affaires en 2004.

“Il est plus rentable que nous ne l’attendions”, a noté l’analyste Kathleen Smith, du cabinet spécialisé dans les entrées en Bourse Renaissance Capital. Il prouve “qu’il n’est pas qu’une mode transitoire”, déclare à l’AFP Michael Gartenberg de Forrester Research.

Compte tenu de ces résultats, une valorisation de 100 milliards paraît excessive à de nombreux analystes, mais 75 milliards de dollars (le bas de la fourchette attendue) paraît plus réaliste.

Business model : c’est du sérieux

Facebook a tiré 85% de ses recettes de la publicité en 2011, contre 98% en 2009 et 95% en 2010. Le site, qui a relevé de 24% le tarif de ses espaces publicitaires, capterait selon comScore 27,9% du marché publicitaire display (bannières…) aux Etats-Unis (+7 points en un an).

Le reste des revenus provient des commissions prélevées sur les achats à l’intérieur des applications, comme les jeux de Zynga, son plus gros partenaire. La diversification de ses revenus est positive pour les investisseurs, car cela signifie que Facebook est moins tributaire du marché publicitaire, soumis aux aléas de la conjoncture. “Ils sont tranquillement bénéficiaires avec un revenu de quelques milliards. Cela veut probablement dire qu’ils seront scandaleusement bénéficiaires quand ils atteindront 10 ou 20 milliards”, estime Kevin Landis de Firsthand Capital Management, un investisseur.

L’IPO de tous les records

Si Facebook lève ce qu’il prévoit pour l’instant, soit 5 milliards de dollars, ce sera de loin la plus grosse introduction en Bourse du secteur internet dans le monde. Google, en 2004, avait levé moins de 2 milliards. De même, si sa valorisation dépasse 70 milliards, ce sera la plus grosse IPO américaine.

Mark Zuckerberg restera maître chez lui

Le patron de Facebook conservera la majorité des droits de vote (56,9%), bien qu’il détienne 28,4% du capital (ce qui fait de lui le premier actionnaire), par le jeu des actions à droit de vote multiple et d’accords passés avec des actionnaires individuels. En outre, il conservera le droit de nommer son successeur s’il vient à décéder en étant toujours aux manettes. D’un côté, cela garantit à Facebook de suivre le cap fixé par son fondateur, qui a décidément une vision bien personnelle de la marche à suivre pour son entreprise. Il est clair qu’aujourd’hui, Facebook ne serait plus Facebook sans Zuckerberg à sa tête. De l’autre, certains experts estiment que cela peut décourager certains investisseurs car l’actionnariat ambitionne généralement d’influencer les décisions du conseil d’administration.

On ne peut pas accuser Facebook de précipitation

Certaines startup se précipitent en Bourse, pour y chercher la reconnaissance, la gloire, ou de l’argent frais à bruler trop vite pour alimenter la course à la croissance. Du coup, certains se présentent devant les marchés avec un modèle improbable et un discours que les investisseurs achètent pour suivre une mode ou faire un con coup à court terme. Ce n’est pas du tout le cas de Facebook.

La société, qui dispose déjà de 3,9 milliards de dollars de liquidités, n’a pas prévu d’utilisation particulière des fonds qu’il lèvera en Bourse. Cette introduction, Mark Zuckerberg l’a longtemps repoussée. Il a réussi jusque là à récolter l’argent nécessaire tout en s’épargnant les contraintes de la cotation. C’est en partie en raison de contraintes réglementaires que l’IPO était devenue incontournable.

Pas de crainte, donc, de voir les 5 milliards de dollars de l’IPO partir en fumée dans du marketing et de l’acquisition. Facebook devrait privilégier les investissements d’infrastructure (il a investi 606 millions de dollars dans des serveurs et des équipements en 2011, et devrait investir 1,8 milliard cette année), le recrutement de plusieurs centaines de salariés (il en compte 3200), et les acquisitions d’entreprises.

Facebook précise en outre qu’il n’a pas l’intention de verser de dividendes à court terme.

Risques : le mobile, menace et opportunité

Pour l’heure, Facebook ne monétise pas ou presque le mobile. Or, le site déclare être conscient qu’une part de plus en plus grande de ses utilisateurs utilisera un smartphone pour accéder à son réseau social dans les années à venir. D’autant plus qu’il se développera dans les pays émergents. C’est pourquoi Facebook juge critiques le fait de réussir à diffuser de la publicité sur ses services mobiles, et les modifications apportées aux systèmes d’exploitation mobiles les plus répandus, iOS et Android.

De manière générale, pour poursuivre sa croissance, il va falloir que Facebook augmente son revenu publicitaire par utilisateur. Pour ces derniers, cela signifie plus de risques de voir leurs données utilisées pour le ciblage publicitaire. Donc plus de risques liés à la protection des données personnelles.

Parmi les autres facteurs de risques cités par Facebook : sa dépendance à des partenaires, comme Zynga qui représente 12% de ses revenus ; l’évolution des lois relatives à la protection des données personnelles ; la concurrence, notamment celle de Google, qui pourrait “utiliser sa position dominante ” pour dégager des avantage concurrentiels ; les virus et les attaques informatiques ; les procès, notamment liés à la propriété intellectuelle. Des éléments qui montrent la lucidité de Facebook et renseignent sur la direction que compte prendre Mark Zuckerberg.

Investir dans un Facebook à près de 100 milliards de dollars sera certes un pari, mais pas un pari si risqué que ça.

Raphaële Karayan, L’Expansion.com

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