Comment les entreprises belges réagissent à Facebook

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Pour en savoir plus sur la manière dont est perçu le réseau social Facebook au sein de nos entreprises, le cabinet Field Fisher Waterhouse a mené une enquête auprès de 103 entreprises. Les résultats… et l’analyse d’Olivier Rijckaert, qui a piloté l’étude.

Pour en savoir plus sur la manière dont est perçu le réseau social Facebook au sein de nos entreprises, le cabinet Field Fisher Waterhouse a mené une enquête auprès de 103 entreprises en début d’année. Elle a interrogé des départements RH pour savoir comment le réseau social était perçu, comment il avait été intégré dans l’usage des technologies au quotidien etc. Voici quelques enseignements :

– 66% des entreprises de plus de 100 travailleurs pensent que les infos sur Facebook sont publiques.

– 22% des grandes entreprises estiment qu’elles ont le droit d’utiliser n’importe quelle info placée par un employé sur Facebook

– 33% des employés de grandes entreprises comptent des collègues parmi leurs amis sur Facebook.

– Seulement 5% des PME autorisent explicitement l’emploi de Facebook au bureau

– 70% des entreprises belges n’acceptent pas que leurs travailleurs s’expriment à leur sujet sur Facebook.

Olivier Rijckaert a piloté l’enquête réalisée auprès d’un échantillon représentatif d’une centaine de grandes et moyennes entreprises belges. Il décrypte pour Trends les grandes lignes de celle-ci.

Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de cette étude ?

Olivier Rijckaert. Il y a tout d’abord ce décalage entre l’évolution que représente l’usage massif de Facebook et la relative lenteur des entreprises à en prendre conscience. Ainsi, si l’écrasante majorité des employeurs belges dispose bien d’une procédure régissant l’usage de l’email et d’Internet au travail, aucune n’aborde spécifiquement Facebook, qui constitue pourtant une problématique à part entière. Je relève aussi que beaucoup d’employeurs ne communiquent pas quant à la possibilité d’utiliser Facebook au travail : 75 % des entreprises disent ” tolérer ” cet usage, c’est-à-dire ni l’interdire, ni l’autoriser. Cela témoigne d’un certain malaise face au phénomène. Or je pense qu’il est vraiment important que l’employeur s’exprime clairement à ce propos en communiquant sur ce qu’il accepte ou pas : peut-on utiliser Facebook ? A quels moments de la journée ? Pour quelle durée ? Car en cas de silence puis d’abus, la balance judiciaire risque fort de pencher en faveur du travailleur en cas de litige. 79 % des répondants affirment d’ailleurs qu’ils devront ” un jour ” réglementer l’usage de Facebook au travail et la même proportion est consciente que les procès entre employeurs et travailleurs à ce propos vont se multiplier…

Les employeurs sont-ils conscients des aspects juridiques qui entourent les publications d’un travailleur sur Facebook ?

Oui et non, certaines réponses fournies étant paradoxales voire contradictoires. Ainsi, près de 80 % des entreprises pense que toutes les informations postées par quelqu’un sur Facebook sont publiques. Ce qui est selon moi une erreur : le caractère public ou privé des informations dépend en réalité de la destination que le travailleur lui-même a voulu y donner. Penser que tout est public n’est donc pas correct. Mais en même temps, ces employeurs estiment à 60 % qu’ils n’ont pas le droit d’utiliser n’importe quelle information mise par un travailleur sur Facebook. Léger paradoxe. Enfin, les répondants semblent soucieux du respect de la vie privée de leurs travailleurs : 74 % affirme qu’il ne vérifierait jamais les informations ou photos privées d’un travailleur ou d’un candidat en vue de juger de son sérieux. C’est plutôt rassurant.

Comment les sociétés réagissent-elles aux critiques qu’un travailleur exprimerait à leur égard sur Facebook ?

Sans surprise, la réaction est négative et cinglante : 72 % des employeurs n’acceptent pas que leurs travailleurs s’expriment à propos de l’entreprise sur Facebook. La même proportion estime même que dénigrer son employeur sur Facebook est une faute grave justifiant le licenciement immédiat. Même si je peux comprendre cette réaction, il faut être prudent. On a vu récemment, à la lumière d’un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, que la question n’est pas si simple : on se trouve en plein conflit entre l’obligation de loyauté vis-à-vis de l’employeur et la liberté d’expression du travailleur. Ce sera au juge d’apprécier, au cas par cas, si les propos tenus peuvent constituer un motif grave. Pour cela, il faudra analyser ceux-ci, rechercher quelle a été l’intention du travailleur, s’il a vraiment voulu rendre ses critiques publiques, etc. Il n’y a donc pas de réponse standard. Toutefois, par prudence, je recommanderais aux travailleurs de ne jamais publier sur Facebook quelque chose qu’ils ne sont pas prêts à affirmer publiquement, y compris devant leur employeur. En effet, une seule chose est sûre avec Facebook, du moins pour l’instant : on ne sait jamais où finit par se retrouver ce qu’on y poste…

Christophe Charlot

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