Comment Be-Mobile veut transformer nos routes

Des panneaux dynamiques sur autoroute adaptent la limitation de vitesse à la situation du trafic en temps réel. Cette information est aussi envoyée en parallèle sur Flitsmeister, l'application de Touring Mobilis aux Pays-Bas. © PG

Détenue majoritairement par Proximus depuis 2016, la société développe des services connectés visant à améliorer notre mobilité. Avec l’avènement annoncé des véhicules autonomes, elle pourrait prendre une place centrale dans la gestion automatisée du trafic routier.

C’est à Melle, dans les faubourgs de Gand, que se niche Be-Mobile. Pour s’y rendre en voiture, il faut prendre l’échangeur de Merelbeke, bien connu des automobilistes branchés aux bulletins d’info trafic. C’est justement là, dans un bâtiment moderne tout en béton et acier, que sont produites les informations livrées en continu par Touring Mobilis.

Premier investisseur dans Be-Mobile, avant de revendre ses parts à Proximus en 2016, Touring a confié à l’entreprise la gestion de son call center, qui recueille les indications de conducteurs témoins d’accidents ou de ralentissements sur la route. Be-Mobile combine ces données empiriques avec le big data dérivé des données de positionnement des véhicules qu’elle compile en temps réel. ” Les deux séries de données se complètent, souligne Philip Taillieu, co-CEO de Be-Mobile. Le big data fournit les informations brutes sur les ralentissements. Le call center donne la raison de ceux-ci : un matelas sur la route, un animal, un accident, etc. ”

Les données de positionnement des véhicules, qui permettent d’évaluer la taille et la durée des embouteillages, ne servent pas qu’aux infos trafic diffusées par les chaînes de radio ou de télévision. Elles sont également transmises aux systèmes embarqués des voitures équipées des outils de Be-Mobile. La jeune société belge, créée en 2006, fournit ces informations à des constructeurs comme Renault ou Volvo. Elle est présente dans 20 pays européens et revendique une place dans le top 5 du secteur sur notre continent.

Diversification des revenus

Si Proximus a décidé d’investir dans Be-Mobile, c’est dans le cadre de sa stratégie de diversification de ses sources de revenus. Le marché des télécoms étant arrivé à une certaine maturité, le premier opérateur du pays a identifié de nouveaux relais possibles de croissance. Le big data et l’Internet des objets en font partie. L’activité de Be-Mobile étant précisément ciblée sur la collecte massive de données de circulation à des fins d’amélioration des conditions de circulation, Proximus a saisi l’opportunité en montant majoritairement au capital d’une société en pleine croissance. En 2016, Be-Mobile a réalisé un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros. Au cours des trois dernières années, la société a fait croître ses revenus de 15 à 20 % par an, et s’attend à poursuivre sur la même lancée en 2017.

Si l’investissement stratégique de l’opérateur vise à accompagner ces belles performances, les synergies entre les deux acteurs sont cependant moins évidentes à déceler. Certes, les réseaux mobiles seront à l’avenir de gros pourvoyeurs de données de géolocalisation pour Be-Mobile. Avec la 4G et bientôt la 5G, les véhicules connectés recevront et émettront toujours plus de données. De son côté, Proximus collecte aussi de gigantesques masses de données de géolocalisation via les smartphones de ses abonnés. L’opérateur les commercialise d’ailleurs dans le cadre de nouvelles applications permettant d’analyser les déplacements de foules importantes, notamment lors d’événements touristiques comme les Plaisirs d’Hiver, organisés lors des fêtes de fin d’année à Bruxelles. Pour autant, ces données ne sont pas combinées avec celles de Be-Mobile pour évaluer le trafic en temps réel. ” Nous avons suffisamment de données à notre disposition “, explique Philip Taillieu. Par contre, les données de Proximus sont utilisées dans le cadre d’études sur les déplacements des usagers, afin de déterminer leur point de départ et leur destination.

L’opérateur télécom a également apporté à Be-Mobile son système de paiement par SMS ou par Internet pour le stationnement urbain, le 4411, adopté par une bonne trentaine de villes et communes belges. Le parking est d’ailleurs une problématique connexe dont s’occupe Be-Mobile. La société, qui a récemment ouvert une antenne à Namur pour se rapprocher du marché francophone, a développé une application de stationnement intelligent du côté de Saint-Ghislain. Baptisée Shop & Go, elle a pour but d’améliorer l’attractivité des commerces locaux en augmentant le taux de rotation des véhicules stationnés dans le centre-ville. Grâce à des capteurs disposés sur les places de parking, les agents de voirie sont avertis dès que la durée du stationnement, limitée à 30 minutes maximum, est dépassée.

“Smart city”

Philip Taillieu, Co-CEO de Be-Mobile.
Philip Taillieu, Co-CEO de Be-Mobile.© PG

C’est un exemple parmi d’autres qui confirme l’investissement de la PME dans le marché en pleine expansion des smart cities, ces villes intelligentes connectées censées améliorer la vie quotidienne de la population urbaine. C’est ainsi que Be-Mobile teste actuellement, notamment à Bruxelles, des outils de gestion dynamique des feux de signalisation afin de fluidifier le trafic. La société a d’ailleurs exporté son savoir-faire dans ce domaine aux Pays-Bas. L’Etat néerlandais est en effet engagé dans un projet visant à connecter 80 % des feux de signalisation du pays, et a fait appel à la PME belge pour élaborer un système de communication en temps réel avec les automobilistes. L’objectif, dans un premier temps, est d’informer les conducteurs sur les prochains feux, afin de leur indiquer, par exemple, que s’ils poursuivent leur route à 30 km/h, ils passeront au vert. Ultérieurement, ce système pourrait servir à intervenir sur les feux eux-mêmes en fonction du trafic, et à rallonger certaines phases pour faire passer un nombre important de véhicules.

Be-Mobile teste une application similaire avec Colruyt. En équipant ses camions d’une application pour smartphone, Colruyt pourrait favoriser le déclenchement de certains feux verts afin de désengorger la zone proche du site de l’entreprise en cas d’afflux de camions.

Voitures autonomes

Toutes ces applications seront particulièrement utiles dans quelques années (certains constructeurs parlent de 2022), lorsque les véhicules sans conducteur seront sur nos routes. ” Nous sommes occupés à développer une plateforme qui se place entre l’infrastructure routière et les voyageurs. C’est cela le futur proche “, assure Philip Taillieu. Le co-CEO de Be-Mobile lance un appel aux gestionnaires (publics) de routes, qu’il enjoint de prendre le train en marche : ” Les acteurs de la Silicon Valley comme Google (avec Waze notamment) ou Uber sont occupés à développer des systèmes d’optimisation des déplacements qui sont extrêmement intuitifs. S’ils ne font rien, les gestionnaires de route seront devenus totalement obsolètes dans 10 ans. Or, il faut qu’ils défendent l’intérêt collectif des usagers en favorisant les modes de déplacement moins polluants, en créant des zones de basse émission, en faisant en sorte que le trafic contourne les quartiers résidentiels, etc. Toutes ces préoccupations ne sont pas à l’agenda des entreprises de la Silicon Valley. Nous voulons au contraire aider les usagers en leur offrant des conseils de mobilité ultra-personnalisés. ”

Dans les outils qu’il commercialise, le co-CEO de Be-Mobile dispose notamment d’un planificateur de déplacements qui suggère au conducteur des itinéraires alternatifs multimodaux, en fonction de ses préférences. Le système peut lui conseiller d’abandonner sa voiture dans un parking pour prendre un bus, un vélo partagé, ou pour faire un trajet à pied. Des applications de mobilité embarquées qui transforment les automobilistes en piétons, c’est peut-être ça, l’avenir…

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