400 créateurs d’applis mobiles en Belgique

© Thinkstock

400, c’est le nombre de développeurs d’applications pour smartphones et tablettes en Belgique, une activité qui n’est plus un hobby mais est devenue un vrai job à temps plein.

Le jeune marché du développement d’applications mobiles pour smartphone est en ébullition. Les acteurs se sont multipliés depuis 2010 et, le temps de l’euphorie marketing passé, les applications elles-mêmes sont plus matures. Pourtant, si elles veulent rester en vie, les quelques agences mobiles spécialisées doivent déjà penser à évoluer.

L’apparition de l’iPhone n’a pas seulement changé la donne pour les fabricants de GSM : le smartphone à la pomme a également jeté un pavé dans la marre des éditeurs de logiciels pour GSM. En permettant à n’importe quel petit développeur de proposer ses softwares en direct au grand public, Apple mettait sur la touche les éditeurs et distributeurs classiques. Pas étonnant dès lors que certains entrepreneurs aient vu dans les applications pour smartphones une source d’activité lucrative. L’une des premières start-up à se lancer sur le créneau des applications iPhone grand public fût Appsolution, démarrée en novembre 2009. Cette PME lancée par le jeune entrepreneur Jean-Paul de Ville s’est développée en séduisant, parfois à prix cassés, quelques-unes des plus grandes marques et des plus grands médias belges pour lancer leur application sur le téléphone de Steve Jobs. Rapidement, la PME a affiché un impressionnant portefeuille de clients : Le Soir, La Libre, McDonald’s, Exki, Geluck, Kroll, les magazines de Roularta,… “Etant donné leur arrivé précoce sur le segment et le fait qu’il faut environ six mois à un développeur pour apprendre le langage Apple et se lancer, Appsolution a rapidement pris de l’avance, analyse Jean Michel Noé, M&A Senior Manager chez Deloitte Fiduciaire, qui a organisé une levée de fonds pour Appsolution. Pour chaque projet client, ils ont créé de nouveaux outils qu’ils ont ensuite proposés aux autres clients à moindre prix.”

Quatre acteurs dans un mouchoir de poche

Mais, dès 2010, d’autres acteurs ont commencé à se bousculer au portillon : In the Pocket, Appstrakt, Tapptic sont quelques-uns des autres principaux pure players sur le marché belge. Toutes ces entreprises connaissent une croissance ultra-rapide : en deux ans, Appsolution emploie 18 personnes, In The Pocket, 20, et Tapptic revendique même 28 collaborateurs, dont des représentations commerciales en France et à Amsterdam. Et chacune de ces agences mobiles spécialisées génère un chiffre d’affaires avoisinant le million d’euro, voire plus. Mais les comptes 2011 n’ont pas encore été publiés, et l’on assiste dans le chef de certains à une course aux chiffres, le nouveau marché hyper concurrentiel des applis mobiles étant parfois perçu comme une véritable poule aux oeufs d’or.

Surtout que ces spécialistes ne sont évidemment pas les seuls à scruter les applications. A côté de multiples freelances qui s’y essaient, de nouvelles start-up actives sur le mobile se lancent régulièrement. C’est par exemple le cas de la toute petite entreprise liégeoise IntoTheWeb, qui se concentre sur les indépendants, les PME et les acteurs locaux (Maison du peket, Jean la Gaufre). “On compte chaque mois pas moins de deux à trois nouvelles start-up dans le domaine étendu du mobile en Belgique”, constate Tanguy De Lestré, project coordinator chez Agoria et spécialiste de l’univers du mobile. D’autres, plus inventives, créent un produit de niche qu’elles proposent en téléchargement. C’est le cas d’Agilys, par exemple, qui cible uniquement le créneau du retail et propose myShopi, sa liste de course pour smartphone depuis mars 2011. Dans un autre domaine, la start-up TagTagCity, créée en février, proposera une application mobile permettant de visiter des villes de manière interactive.

La particularité d’Emakina

A côté de ces nouvelles start-up très spécialisées, d’autres entreprises tentent de prendre pied également sur ce créneau mobile. C’est le cas des agences digitales telles qu’Emakina. “Etant donné que nous voulons positionner Emakina comme une entreprise full service, le mobile était un axe évident de développement, précise Michaël Totta, responsable d’Emakina Applications. Et c’est d’ailleurs pour s’engouffrer rapidement dans ce créneau que la start-up avait racheté la PME gantoise The Reference, qui compte 10 développeurs d’applis mobiles.” Emakina, qui revendique 34 personnes actives sur le mobile en Belgique, est clairement l’agence digitale la plus prolifique dans le domaine. Beaucoup d’autres ont “raté le train et choisissent de se limiter à des applications web, analyse Jean-Michel Noe de Deloitte Fiduciaire. Même constat pour d’autres agences qui se cantonnent à des petits projets ou des applications liées à des campagnes de pub.Mais ces acteurs peineront à suivre la baisse des prix liée à l’expérience accumulée par les spécialistes. Donc ils feront, la plupart du temps, appel à ces spécialistes comme sous-traitants.”

Enfin, le créneau des applis intéresse d’autres acteurs des télécoms (Belgacom Mobile Applications, Mobylla, etc.) et de l’IT (Real Dolmen, Econocom, etc.). “Beaucoup se sont rendu compte de la nécessité de se lancer sur le secteur du mobile, en plein boum, analyse Tanguy De Lestré. Car si aujourd’hui le taux de pénétration du smartphone est encore inférieur à 30 % en Belgique, ce chiffre est amené à croître fortement, à l’instar des pays voisins : en Espagne, par exemple, il approcherait les 80 %.” Et chacun veut sa part du gâteau que représentent les applications. Les intégrateurs auraient grand intérêt à se déployer sur ce segment. “En Europe, les intégrateurs réalisent 50 % du développement des applications, constate Tanguy De Lestré. Chez nous, c’est loin d’être le cas.”

Evolution des technologies… et des clients !

Reste que le marché, bien que très jeune, change déjà fortement. D’abord parce que la technologie évolue rapidement, bien plus que sur le Web, d’ailleurs. L’iOS 6 lancé par Apple dans la foulée de son nouvel iPhone compte d’ailleurs pas moins de 200 nouvelles fonctionnalités. La montée progressive d’Android, dans une multitude d’appareils (TV, montres et même des frigos !), change progressivement la donne.

Mais l’une des plus grosses évolutions provient en réalité des clients. De l’avis d’un acteur du secteur, “un certain nombre de marques et entreprises sont déçues des volumes téléchargés et n’investissent plus comme avant dans leurs applications”. L’appli d’une marque comme Exki n’a, par exemple, pas encore dépassé les 2.500 téléchargements. Eggo (les cuisines) n’atteint que 2.000 téléchargements. Cela reste très peu. “A part les applications des médias et celles des grandes boîtes qui offrent une vraie valeur ajoutée, la plupart des applications vitrines n’ont aucune audience et se meurent sur l’Appstore qui regorge d’applications, continue notre source. Les laisser sur la plateforme de téléchargement ne coûte presque rien, alors que si cela avait été des sites web, elles auraient disparu, en raison des importants coûts d’hébergement, de domaine, etc.” Certains affirment même que 85 % des applications seraient excessivement peu téléchargées, voire jamais.

Vers une consolidation du marché

Par ailleurs, certains gros clients comme les médias commencent à “internaliser” leurs applications, surtout si elles sont stratégiques. Ainsi Immoweb a-t-il repris à son compte l’application que lui avait créée Emakina. Le groupe Rossel (Le Soir) a racheté, en juin, le code de l’application qu’Appsolution avait développée. Et d’autres groupes de presse analysent aussi cette possibilité.

Résultat ? Les agences mobiles doivent (déjà !) s’interroger sur leur avenir. “Soit elles restent des boutiques spécialisées dans des projets et des clients de plus petite envergure, soit elles évoluent, analyse Jean-Michel Noe. Cela peut se faire en investissant dans leur croissance interne, ou en décidant de fusionner notamment avec des partenaires à l’étranger. Ou, enfin, en se faisant racheter par un grand acteur du monde IT ou une agence digitale.”

Ruée sur le B2B ?

Tout comme In the Pocket qui a créé une filiale B2B ShowPad, Appsolution a compris ce besoin d’évolution : la PME vient de procéder à une augmentation de capital de 550.000 euros (30 % des parts) pour assurer son développement, international notamment. Mais surtout, elle attaque avec force le marché du B2B : Tom & Co, IBA, Boiron ou RMB sont quelques exemples de ce nouveau type de collaboration. La firme veut également se présenter comme “éditeur de logiciel” et crée actuellement une filiale qui commercialisera TappCTRL, un logiciel iPad pour gérer les commerciaux. Un produit qu’elle entend vendre ou louer et qui pourrait, s’il trouve son public, devenir une belle vache à lait (de 359 euros à 100.000 euros mensuels de location selon le nombre de commerciaux qui l’utilisent). “On croit fortement dans le marché B2B vu les demandes que l’on reçoit, témoigne Jean-Paul de Ville, fondateur d’Appsolution. C’est surtout là que se trouvent les besoins et les budgets.” D’après nos sources, d’autres agences spécialisées en mobile étudient la possibilité de lever des fonds. Cela ne surprend pas Jean-Michel Noe : “Il s’agit d’une évolution logique. Si elles veulent prétendre à de grands comptes, notamment européens, les start-up doivent avoir les reins solides et afficher une taille suffisante car, sauf certains early adopters, les géants ne prendront pas le risque de commander leurs applications à de petites structures.” Aussi, le spécialiste s’attend à ce que le marché belge des créateurs d’applications évolue fortement en 2012-2013 et prédit des rapprochements, des fusions et des rachats dans les mois qui viennent.

Christophe Charlot

Consultez également notre dossier sur les applications mobiles.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content