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Heureusement, il y a Benedictus !

Que celui qui n’a jamais fredonné un joyeux “Heureusement, il y a Findus !” se lève maintenant ou se taise à jamais. Si ça se trouve, même le pape Benoît XVI le connaît, ce refrain-là.

Mais sans doute n’avait-il pas prévu qu’en sortant par la grande porte le 11 février dernier, le souverain pontife sauverait la vie de la célèbre marque de surgelés suédoise, victime d’une lapidation médiatique en raison d’un péché de taille : avoir trompé les consommateurs de sa lasagne à la viande de boeuf en remplaçant insidieusement cette dernière par de la viande de cheval. Pour Findus, la démission de Benoît XVI relève de l’absolution (médiatique toujours).

Derrière ces jeux de mots un peu faciles se cache cependant une réalité économique pour le moins interpellante. L’industrie agro-alimentaire européenne se porte mal. Et l’accord budgétaire intervenu la semaine dernière ne va pas forcément participer à son redressement. Depuis le sommet de novembre dernier, la PAC (la Politique agricole commune, une des plus anciennes de l’Union) était en effet au centre des discussions devant aboutir à l’élaboration du budget. En cause : la volonté, emmenée par David Cameron, de réduire les dépenses, y compris agricoles (qui constituent tout de même environ 40 % du budget européen). Et, dans le même temps, celle de freiner la réforme de la PAC en supprimant notamment le plafonnement des aides aux grandes exploitations, au grand dam de la Commission. Ces deux mesures, appliquées conjointement, auraient pour effet non seulement d’étrangler encore davantage les (petits) agriculteurs dont les coûts de production ne cessent d’augmenter, mais également de favoriser les grandes exploitations, concentrées surtout en Europe de l’Est, dont les prix pratiqués séduisent l’industrie alimentaire et la grande distribution.

En définitive, le budget de la PAC a été raboté de 11,2 %, passant de 420,6 milliards d’euros pour l’horizon 2007-2013 à 373,4 milliards pour 2014-2020. La réforme suit son cours, avec pour objectif principal de mieux répartir les aides directes (le premier pilier de la PAC et le plus important) entre les différents pays de l’Union, jusqu’ici allouées en fonction de clés de répartition obsolètes – les subventions à l’hectare étaient ainsi cinq fois plus élevées en Grèce qu’en Lettonie. La Belgique voit donc les aides à ses agriculteurs réduites, mais reçoit en contrepartie une enveloppe de 80 millions d’euros pour le développement rural (le second pilier). On ne s’en sort pas trop mal, le paradoxe (ou la maladie ?) de l’Europe étant que chaque Etat membre a finalement toujours tendance à protéger son pré carré.

Certes, la matière est complexe et sujette à de nombreux débats. On peut, par exemple, se demander si un système de subvention couplé à des quotas de production a du sens dans un contexte d’augmentation de la demande de denrées alimentaires, et si ce même mécanisme n’entraîne pas des dérives visant augmenter déraisonnablement la taille et la productivité des cultures au détriment de la préservation de l’environnement. Mais il faudra bien se faire une raison : malgré toute la bonne volonté du monde, on ne pourra pas produire toujours moins cher et toujours plus propre. Mettre la priorité sur le premier paramètre de cette équation, c’est risquer de voir fleurir les moussakas au chat et le filet américain au chien. Mettre la priorité sur le second paramètre, c’est favoriser les circuits courts et donc imaginer une politique agricole européenne qui incite à l’élaboration de stratégies nationales. Plus facile à écrire qu’à faire. On pourrait démissionner pour moins que ça.

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