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Grand-messe et communion d’intérêts

Sommet du G8 et discussions entre les Etats-Unis et l’Europe sur l’accord de libre-échange : les grandes rencontres de ce genre accaparent inévitablement les titres de l’actualité, avant et pendant, alors même que les commentaires qui les suivent sont le plus souvent désabusés. Combien de fois n’a-t-on pas considéré que la montagne avait accouché d’une souris ? De fait, il n’est pas rare que les éminences ainsi réunies décident… qu’on décidera la prochaine fois. Faut-il donc remplacer la frénésie médiatique qui entoure ces grands-messes par le légitime dédain que peuvent inspirer les non-décisions récurrentes du passé ?

Ce serait là confondre l’étiquette et le produit. Ces rencontres à grand spectacle ne sont jamais que l’occasion de trancher des détails et définir des pistes “au sommet”. En réalité, elles constituent l’aboutissement d’importants travaux préparatoires. Les discussions internationales entre spécialistes ne sont pas seules en cause. Souhaitant débarquer avec des avancées qui renforceront leur position autour de la table, certaines nations réalisent parfois des coups d’éclat en préambule à ces rencontres. Pour faire bonne figure à la présidence de ce G8 largement axé sur la lutte contre la fraude fiscale, le Premier ministre britannique a ainsi obtenu, fin avril, la capitulation des sulfureux territoires antillais dépendant de la Couronne. Et, dans une moindre mesure, celle des îles anglo-normandes. Même si les contours exacts de cette rentrée dans le rang ne sont pas encore connus, on conviendra que ce n’est pas rien ! Il n’est donc pas abusif de considérer que, dès avant son ouverture, le sommet de Lough Erne était une réussite.

Les négociations entre l’Union européenne et les Etats-Unis, qui débuteront officiellement le mois prochain à Washington et qui portent sur un accord de libre-échange, sont d’une autre nature. La place que la question occupe dès à présent dans l’actualité démontre l’importance du débat. Deux malentendus sont à évacuer. D’abord, la démarche n’a rien d’exceptionnel. L’Union européenne a déjà signé des accords de libre-échange avec la Corée et Singapour, tandis que des négociations avec la Thaïlande et le Japon ont débuté en mars dernier. Elles sont en cours avec la Malaisie et le Vietnam, mais aussi avec le Canada. De tels accords seront bientôt la norme plutôt que l’exception !

Ensuite, dans le cas des Etats-Unis tout particulièrement, l’essentiel des discussions ne porte pas sur l’abaissement (ou la suppression) des droits de douane. La Commission a fait le calcul : leur taux moyen est déjà revenu en dessous de 3 %. Les vraies entraves aux échanges commerciaux sont aujourd’hui d’une tout autre nature. Ces “barrières non tarifaires”, ainsi qu’on les appelle communément, portent sur des contraintes en matière de sécurité alimentaire ou médicale, ou plus simplement sur des spécificités techniques ressortissant à la tradition… ou au protectionnisme déguisé. On comprend intuitivement que le remplacement d’une dizaine de produits différents par un seul représente une économie considérable. Exactement comme l’instauration de la zone euro a signifié une économie de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an pour les touristes et exportateurs.

Alors que le centre de gravité de la planète se déplace inexorablement vers l’Asie, une association économique plus étroite entre Bruxelles et Washington prend une dimension supplémentaire. Il y a clairement communion d’intérêts entre les deux blocs occidentaux pour peser plus lourd sur la scène mondiale et y garder la main autant que faire se peut. Même si les Européens ne sont pas prêts à manger du boeuf américain dopé aux hormones…

GUY LEGRAND

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