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Et une hausse de taux, une !

Sauf volte-face unanimement jugée impossible, la Banque centrale européenne aura relevé ses taux d’intérêt aujourd’hui même, le taux de base passant de 1 à 1,25 %.

Sauf volte-face unanimement jugée impossible, la Banque centrale européenne aura relevé ses taux d’intérêt aujourd’hui même, le taux de base passant de 1 à 1,25 %. Ce taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, suivant sa dénomination officielle, est le taux auquel la BCE accorde des crédits à court terme aux institutions financières. Il percole ensuite dans la chaîne du crédit et sert donc de référence à l’ensemble des taux d’intérêt pratiqués dans la zone euro. Un relèvement de ce taux de refinancement, appelé taux directeur aux Etats-Unis, a donc pour objet de freiner l’activité économique.

S’impose-t-il vraiment de calmer le jeu, aujourd’hui, sur la scène européenne ? La question a déjà fait couler beaucoup d’encre et le fera encore, ainsi qu’il est de tradition quand une banque centrale inverse la vapeur. Le taux de refinancement de la BCE avait dégringolé de 4,25 % en octobre 2008 à 1 % en mai 2009, en réponse à la crise. Le petit relèvement d’aujourd’hui constitue donc bien un changement de politique. Plutôt mal venu pour les pays affaiblis de la zone, tels l’Irlande, la Grèce et le Portugal ? On pourrait, un peu cyniquement, répondre à cela qu’avec le niveau astronomique actuellement affiché par les taux à long terme dans ces pays, on n’est vraiment pas à un quart de pour cent près… Chef économiste de la BCE, Jürgen Stark avance un autre argument : les désagréments ainsi occasionnés à ces pays ne sont pas grand-chose en regard de l’aide financière colossale qui leur est apportée. Autrement dit, les avantages de leur appartenance à la zone euro l’emportent sur les inconvénients.

Pour les pays forts, Allemagne en tête, la volte-face monétaire devrait se révéler indolore. Outre-Rhin, la crise est en effet bien effacée : la production industrielle continue d’y progresser de 12 % en base annuelle et, à 7,1 %, le chômage est au plus bas depuis 20 ans. Dans le même temps, les prix à la production y ont progressé de 6,4 % en février, sur un an. Hormis la poussée de fièvre de l’été 2008, c’est le chiffre le plus élevé depuis 30 ans ! Soit depuis le début des années 1980, dernière époque de forte inflation. Même chose pour les prix à l’importation, qui ont flambé de 11,9 % au cours des 12 mois écoulés. C’est évidemment sur cette base que la BCE a jugé indispensable de relever ses taux d’un cran, en réponse aux risques inflationnistes.

La belle affaire, pourrait-on objecter : comme si un relèvement de taux par la BCE pouvait faire fléchir le cours du pétrole ou le prix du blé ! Vu sous cet angle, c’est effectivement absurde et certains économistes, fort minoritaires toutefois, dénoncent parfois cette orthodoxie un peu trop rigide à leurs yeux. En réalité, un relèvement de taux opéré en de telles circonstances vaut surtout en tant que message aux agents économiques : non, la BCE ne laissera pas l’inflation gagner du terrain ! Sous-entendu : les investisseurs ne doivent donc pas s’en prémunir en exigeant des rendements plus élevés. Et de fait, on a plus d’une fois dans le passé observé une détente des taux obligataires suite à un tel relèvement du taux de base, de sorte que ce dernier ne fut pas pénalisant, bien au contraire. Le message de la BCE comporte un autre volet : n’imaginez pas, Messieurs les banquiers et autres opportunistes, qu’on va éternellement vous abreuver avec de l’argent ridiculement bon marché ! Peut-être ce volet-ci l’emporte-t-il même sur l’autre : n’a-t-on pas, au moins en partie, attribué la crise financière de 2008 au laxisme de la FED ? Personne ne souhaite un bis !

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