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Equilibrer efficience et résilience ?

Pour beaucoup d’entre nous, le problème environnemental n° 1 est le réchauffement climatique. A côté, la réduction de la biodiversité n’est qu’un problème secondaire, voire sentimental…

Pour beaucoup d’entre nous, le problème environnemental n° 1 est le réchauffement climatique. A côté, la réduction de la biodiversité n’est qu’un problème secondaire, voire sentimental, provoqué par la perspective de l’extinction de magnifiques mammifères dans des régions exotiques. Or, de nombreuses études scientifiques montrent que le rythme effréné de réduction de la biodiversité est probablement le problème environnemental le plus important qui menace la survie de l’humanité.

Cette réduction est bien sûr liée au réchauffement climatique mais pas seulement : la surconsommation, l’intensification de l’agriculture, la malbouffe et l’industrie agroalimentaire, entre autres, jouent également un grand rôle. L’enjeu est de taille : il y a toujours eu des extinctions d’espèces mais le taux d’extinction actuel est sans précédent. Selon différentes méthodes, le taux d’extinction actuel serait de 100 à 1.000 fois plus élevé que le taux naturel. Cela correspond à un nouvel épisode d’extinction massive, le précédent marquant la fin du crétacé tertiaire et la disparition des dinosaures.

Notre dernier séminaire avec le biologiste Tarik Chekchak (directeur Science et Environnement de l’Equipe Cousteau et secrétaire de Biomimicry France) et le philosophe Christian Arnsperger a été l’occasion de réfléchir sur le concept de diversité, tant dans la nature que dans les entreprises. Avec eux, nous sommes revenus sur le modèle du biologiste Robert Ulanowicz que nous avons déjà évoqué dans une chronique antérieure.

Ce modèle montre que le caractère durable d’un écosystème (un organisme vivant, une organisation, une société,…) résulte d’un équilibre optimal entre deux pôles : l’efficience de ce système et sa résilience, c’est-à-dire sa capacité à maintenir son intégrité suite à un choc extérieur important. Or ces deux pôles sont fortement influencés par le degré de diversité et d’interconnexions au sein du système. Plus de diversité induit une moindre efficience mais augmente la résilience.

C’est intuitivement facile à comprendre : un groupe de personnes pensant différemment mettra typiquement plus de temps à se mettre d’accord pour prendre décision (moindre efficience) mais, en contrepartie, ce même groupe anticipera probablement plus rapidement de nouveaux défis ou tendances et développera une palette plus variées d’actions pour y répondre (plus grande résilience).

Leçons pratiques pour l’entreprise

Bien évidemment, il y a des limites à l’apport positif de la diversité : trop de diversité peut réduire à ce point l’efficience d’un système que celui-ci stagne et peine à se développer. Tarik Chekchak a également attiré notre attention sur la dynamique inhérente à tout écosystème que ne prend pas suffisamment en compte le modèle d’Ulanowicz : en effet, le degré optimal de diversité peut varier en fonction des phases évolutives dans lequel se trouve un système. Christian Arnsperger quant à lui souligne l’importance de distinguer la résilience du système et de ses sous-systèmes et la résilience des individus qui les composent, en particulier lorsque l’on parle d’êtres humains. Il est important de tenir tout cela en compte : la diversité n’est pas une fin en soi. Comme la définit Chekchak, elle est une “sorte d’assurance-vie” : inévitablement coûteuse en termes d’efficience, elle a ses limites mais peut être vitale pour la survie.

Quelles leçons pratiques pouvons-nous dès lors tirer de tout ceci dans le cadre de la gestion d’une entreprise ? Nous en épinglerons ici deux, vitales à nos yeux :

1. Tout d’abord, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, les entreprises influencent directement et indirectement la biodiversité. Ce paramètre doit être, de façon urgente, intégré dans leurs décisions stratégiques. Les enjeux sont tellement importants qu’il serait illusoire de ne s’en remettre qu’à la régulation par les Etats pour enrayer le problème.

2. Ensuite, les entreprises peuvent reconnaître que la diversité en leur sein est un enjeu stratégique fondamental, en particulier dans une période de ruptures que nous traversons actuellement. La préoccupation de la diversité doit ainsi aller bien plus loin que le souci d’être politiquement correct, en respectant des quotas liés au sexe, aux handicaps ou aux origines sociales ou raciales des employés. Il s’agit de veiller à avoir une diversité dans les façons de penser des collaborateurs. Il s’agit de protéger et de stimuler les voix critiques, minoritaires au sein des entreprises. Elles sont le prix à payer d’une forme d’assurance-vie pour l’entreprise. Cette idée va probablement à l’encontre de “l’alignement” des employés que recherchent de plus en plus d’entreprises.

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