Voitures électriques: où faire le plein d’électrons ?

Plusieurs réseaux ont été créés par des intercommunales. Ores a ainsi installé une vingtaine de bornes de chargement. Coût du chargement : 1 euro par demi-heure. © PG

La vente des voitures électriques ne pourra décoller sans la présence d’un vaste réseau public de stations de chargement. Ces dernières se sont multipliées en Belgique pour atteindre plus de 600 points, parfois gratuits. Aux premières loges de ce réseau: des start-up comme Blue Corner, ZE-MO et des distributeurs comme Delhaize. Et Tesla, bien sûr…

La voiture électrique n’a pas le succès que ses créateurs espéraient. Ce n’est peut-être que partie remise : plusieurs signes montrent qu’une embellie pourrait pointer le bout de son nez. ” 2017 va être une année charnière pour l’électromobilité “, espère Luc Lebon, cofondateur de Blue Corner, premier réseau belge de bornes publiques de recharge électrique. Avec 425 stations en Flandre et à Bruxelles, Blue Corner débarque maintenant en Wallonie.

Les constructeurs s’intéressent (enfin) aux bornes

L’autonomie modeste et le prix élevé des premières voitures à batteries ne suffisent pas à expliquer le faible parc électrique. Seules 5.000 voitures électriques et plus de 10.000 hybrides rechargeables sont en circulation en Belgique, sur un parc de 5,6 millions de voitures. Autre frein à l’acquisition d’un véhicule électrique : la difficulté à trouver une station de rechargement. Les automobilistes n’ont pas envie de dépenser plus de 30.000 euros pour une voiture dont l’autonomie réelle ne dépasse souvent guère les 120 km. Seul Tesla propose mieux (300 km d’autonomie), à un tarif très élevé (84.000 euros minimum). Les constructeurs n’ont pas voulu investir dans les réseaux de rechargement, comptant sur des partenaires qui tardent à se développer. Seul Tesla a investi dans un réseau de stations pour rassurer ses clients, mais ses points de charge ne sont pas accessibles aux véhicules électriques des marques concurrentes. BMW, Ford, Daimler et le groupe VW ont fini par reconnaître l’urgence de développer un réseau de rechargement. Ils ont ainsi récemment annoncé un projet de 400 stations à recharge ultra rapide (350 kW, un niveau pas encore atteint), afin de rassurer (et convaincre) les futurs acheteurs de nombreux modèles électriques annoncés.

Les constructeurs semblent donc enfin sérieux sur leurs projets de voitures électriques. Davantage de bornes de chargement seront installées et l’autonomie des batteries des nouveaux modèles est déjà revue à la hausse. Ainsi, la Renault ZOE annonce 400 km d’autonomie (sans doute 250 km réels), BMW va doubler le rayon d’action de sa i3. Les investissements dans les bornes se multiplient et une application, ChargeMap (Android et iPhone), permet de repérer les stations sur une carte, près de chez soi ou sur un trajet, partout en Europe. Elle précise également les puissances de chargement à disposition, les modes d’accès et de paiement, ainsi que l’avis des utilisateurs.

” Les gens rechargent surtout chez eux ”

” Il a fallu un apprentissage “, reconnaît Bernard Deboyser, utilisateur d’une Renault ZOE depuis trois ans, qui a parcouru 90.000 km (autonomie réelle : 120 km). Il préside une association, Amperes, informant les candidats à la voiture électrique. Il a connu les maladies de jeunesse des premières bornes. ” Rouler en voiture électrique, c’est une habitude, des réflexes à acquérir. C’est très différent d’une voiture à carburant : les gens rechargent surtout chez eux ou sur le lieu de travail. Les bornes publiques servent pour les longs trajets. Je fais rarement plus de 100 km dans la journée bien que je sois souvent en déplacement. ” Bernard Deboyser utilise chez lui un boîtier de chargement, une wallbox (environ 1.000 euros, installation comprise) chargeant à 11 kW. ” Cela me revient à moins de 1 euro par 100 km, contre 5 ou 6 euros en diesel “, explique-t-il. Il faut compter la location des batteries que propose Renault (une centaine d’euros par mois), mais la ZOE est un peu moins chère à l’achat que ses concurrentes (environ 21.000 euros).

Bernard Deboyser a créé l’association Amperes avec un Namurois, Bruno Claessens, qui roule aussi en Renault ZOE, mais ne recharge pas chez lui. ” Je vais souvent chez Delhaize, où la charge est gratuite. En deux ans et 46.000 km, cela m’a fait sans doute économiser 1.000 euros “, explique Bruno Claessens. Seul souci : les voitures à carburant qui ” squattent ” les emplacements de rechargement. Les deux early adopters soulignent que le coût d’une voiture électrique doit être envisagé dans son ensemble. Le coût d’achat, plus élevé, est compensé par la quasi absence de frais d’entretien (pas de vidange, pas de boîte de vitesses, etc.). Hormis les pneus, une vérification annuelle (30 euros), ils n’ont pas eu de frais. Le coût est également réduit par la taxe de circulation minimale en Wallonie, et nulle en Flandre (idem pour la taxe de mise en circulation).

Un investissement modéré pour les entreprises

Un autre utilisateur, bien connu, Laurent Minguet (ex-EVS), roule en Tesla 60 depuis deux ans et charge à la fois chez lui et à son bureau, où il a fait installer plusieurs bornes (à 22 kW et à 50 kW pour la Tesla, qui charge cette dernière en 1h30). ” Les entreprises devraient multiplier les bornes à 22 kW sur leurs parkings, estime-t-il. Le coût est raisonnable, à savoir 4.000 à 5.000 euros pour deux places de parking (deux branchements de 22 kW par borne). Ce n’est pas beaucoup par rapport au coût d’un emplacement de parking, entre 10.000 et 15.000 euros. ” La première voiture électrique de Laurent Minguet était une BMW i3, dont l’autonomie réelle était de 120 km. ” Je ne suis jamais tombé en panne de batterie. On peut charger partout, à des vitesses différentes. Un jour, alors que je déjeunais dans un restaurant, j’ai demandé une rallonge pour mettre un peu de courant dans la BMW, et ça a fonctionné. Le temps du repas, la charge m’a permis de terminer mon parcours. ” Avec une recharge complète, sa Tesla 60 (d’entrée de gamme) fait 240 km en Wallonie, en hiver, sur des routes pentues, et 300 km aux Pays-Bas, en été, sur les autoroutes bien plates.

Hormis les bornes à domicile et au travail, un marché de la recharge est en train de se développer avec des acteurs nouveaux peu connus du grand public. Ce sont rarement les pétroliers qui proposent ce service : les stations-service ne sont pas idéales pour la recharge régulière. Le domicile, le parking du bureau, d’un magasin, d’un centre commercial ou d’un club sportif sont plus appropriés, la charge se fait pendant les courses ou le travail. Des distributeurs comme Delhaize ou Ikea offrent même la recharge gratuite à leurs clients. Le groupe Colruyt, avec ses magasins Bioplanet notamment, suit la même voie à titre expérimental. Cette gratuité pourrait être temporaire. Les stations-service finiront par s’équiper en bornes rapides pour ceux qui font de longs trajets, quand le marché sera plus important, car l’investissement est significatif : 30.000 euros pour une borne rapide de 50 kW.

Les différentes vitesses de chargement

La vitesse de rechargement dépend de la performance des bornes et de la capacité des véhicules. Une prise domestique, à 2,3 kW, est utilisable sur quasi tous les véhicules, mais est très lente (il faut plus de 24 heures pour recharger une Tesla, dont la capacité des batteries est de l’ordre de 60 à 100 kWh). Les particuliers peuvent faire installer des boîtiers plus rapides, jusqu’à 11kW. Pour aller plus haut il faut investir en amont dans l’alimentation électrique, le budget peut grimper à plusieurs milliers d’euros. Les bornes publiques standard, à chargement accéléré, proposent 22 kW, mais parfois l’alimentation disponible ne permet que 11 kW ou 7 kW. Les charges accélérées sont fournies par des bornes atteignant au moins 40 kW. Les plus rapides disponibles actuellement sont utilisées par Tesla pour ses clients. Ses ” superchargeurs ” à 120 kW permettent de charger 80 % de la batterie d’un Model S en une demi-heure.

Les nouveaux acteurs d’un nouveau marché

Comme nous l’avons déjà mentionné, les acteurs qui développent des réseaux ne sont pas liés aux groupes pétroliers. Même Total a renoncé à développer ses propres (nouvelles) installations. Ce sont des systèmes Allego du projet européen E-Fast qui équipent 37 stations Total, en sous-traitance, dont toutes celles sur les autoroutes, avec des bornes rapides (43 à 50 kW). En Belgique, le premier réseau est géré par la société anversoise Blue Corner, qui estime couvrir 70 % du marché. Elle fournit aussi des bornes aux entreprises et organisations, et des wallbox pour les particuliers.

En Wallonie, plusieurs réseaux ont été créés par des intercommunales, à la demande des communes. Ces dernières mettent un emplacement à disposition. Ores a ainsi installé une vingtaine de bornes. La société ZE-MO, partenariat entre des privés et les intercommunales AIEG et AIESH, utilise les bornes de Blue Corner. Beaucoup d’acteurs sont à la fois gestionnaires d’un réseau public de bornes et fournisseurs/installateurs de bornes pour les entreprises et de wallbox pour les particuliers (ZE-MO, Blue Corner, etc.).

Trouver les bonnes cartes

Le réseau de bornes est déjà important en Belgique, avec 821 stations de recharge, mais notre pays peut mieux faire. A titre d’exemple, les Pays-Bas disposent déjà de 6.809 points de recharge. La couverture va encore s’améliorer.

Il n’est pas toujours facile pour le conducteur de localiser ces bornes. Certaines sont gratuites, d’autres payantes via SMS (Ores), d’autres encore requièrent un abonnement (ZE-MO, Blue Corner). Il existe aussi des cartes qui permettent d’accéder à plusieurs réseaux, comme The New Motion, un service de mobilité qui donne accès à 30.000 bornes en Europe, dont celles de Ze-Mo, Blue Corner et Total Allego e-Fast en Belgique.

Avant toute chose, le conducteur de voiture électrique doit maîtriser le mode d’emploi de ces nouveaux réseaux. ” Tout un apprentissage, explique Bernard Deboyser. Mais, honnêtement, je ne voudrais plus utiliser une autre voiture. ” Les 120 km d’autonomie de sa ZOE ne le handicapent pas trop, mais il avoue qu’il pourrait bien ” craquer ” et débourser les 3.000 euros nécessaires à la mise à jour des batteries de sa voiture afin que leur autonomie théorique soit portée à 400 km (sans doute 250 km réels).

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