Une culture du travail humain

Helbig, une PME spécialisée en aménagement de magasins située en Flandre-Occidentale, se qualifie elle-même d’entreprise humaine et cordiale, qualités qu’elle doit à son CEO. Mais où Luc Vermeersch puise-t-il cet enthousiasme ?

Un boulier trône sur la table de Luc Vermeersch, le patron d’Helbig. Sur sa table, mais pas seulement : tous les collaborateurs de la société en ont un, dont ils font glisser une boule à chaque fois qu’ils complimentent un ou une collègue. A la fin du mois, le gagnant – celui qui a déplacé le plus de petites sphères – est fêté. Divertissement, enfantillage ? Chez Helbig, ce système procède de la culture d’entreprise humaine que Luc Vermeersch a instaurée au fil des ans.

L’homme accorde en effet beaucoup d’importance à la personne qui se cache derrière chaque collaborateur. “Tous les vendredis à l’heure du déjeuner, l’entreprise est fermée au monde extérieur pour que nous puissions nous concentrer sur nous-mêmes”, commente Luc Vermeersch qui, avant de reprendre Helbig, en 2000, dirigeait plusieurs sites du producteur britannique de mousses en caoutchouc British Vita. A l’occasion de certaines de ces séances d’introspection, les 13 collaborateurs de la firme réfléchissent par groupes de deux à des questions telles que : “Que fais-je pour refléter les valeurs de l’entreprise dans mon comportement ?” Le boulier est l’émanation d’un exercice de ce type, au même titre que la boîte de bonbons offerte au “meilleur collaborateur du mois”. “Cette personne élit à son tour son successeur, en motivant son choix. Chacun sait donc pour quelle raison son ou sa collègue l’apprécie.” L’entreprise s’est également équipée d’une “sonnette positive”, que l’on tire lorsque l’on décroche une grosse commande ou à l’occasion de toute autre bonne nouvelle.

Un travail porteur de sens

D’après le patron d’Helbig, de telles initiatives permettent de traduire les valeurs de l’entreprise en des comportements adéquats. “Je ne crois pas aux règles imposées, car elles sont souvent contournées. Mieux vaut adopter des principes généraux, qui font office de fils conducteurs. Le comportement des collaborateurs est au point d’intersection entre leurs valeurs personnelles et les valeurs de l’entreprise.”

Il y a deux ans, Luc Vermeersch s’est ainsi séparé de deux collaborateurs dont les valeurs personnelles ne coïncidaient pas avec la culture de l’entreprise. Le “sens” est en effet une des conditions à la qualité de la relation entre collaborateur et employeur : “Chacun ici doit avoir le sentiment que son travail est porteur de sens. L’on ne peut être convaincu de sa propre utilité que lorsque l’on connaît sa place au sein d’un ensemble plus vaste. Nous passons donc en revue avec chaque collaborateur les objectifs stratégiques auxquels son travail contribue.” “La journée de la communication” semestrielle, au cours de laquelle la direction informe de manière créative le personnel sur les résultats, fait partie des initiatives de ce type.

Ne dites pas “plainte”, mais “opportunité de s’améliorer” Luc Vermeersch croit dur comme fer qu’une culture d’entreprise positive déteint, par l’intermédiaire du personnel, sur les clients. Helbig se fait fort de livrer les commandes dans les 24 heures, enregistre, selon ses dires, un taux de satisfaction de la clientèle de 97 % et émet ses offres dans les 24 à 72 heures. Chez elle, le mot “plainte” est tabou : on lui préfère l’expression “opportunité de s’améliorer”. Par ailleurs, Helbig applique sa culture d’entreprise à l’extérieur : “Nous récompensons tour à tour un fournisseur et un client, à qui nous offrons une bouteille de bière sur laquelle figure la mention Un compliment pour vous.” Amateur passionné, Luc Vermeersch brasse en effet des Femme Fatale et autres Bon Homme dans les bâtiments mêmes d’Helbig. Ses bières sont notamment servies à l’occasion des Helbig Cafés, des rencontres semestrielles entre entrepreneurs.

Intégrer la notion de “vécu” dans l’aménagement des boutiques

Depuis son rachat par Luc Vermeersch, Helbig s’est métamorphosée. Jadis commerce de gros en systèmes en aluminium destinés à l’aménagement intérieur de magasins, la firme développe aujourd’hui elle-même des agencements de boulangeries, pharmacies, magasins d’optique et boutiques de vêtements. La culture d’entreprise a elle aussi été totalement remaniée : Helbig a axé ses efforts sur l’innovation, investi dans le personnel et s’est installée en 2004 dans un nouveau bâtiment. “Faute d’apporter une valeur ajoutée suffisante, le commerce de gros était moribond. Après la reprise, nous avons enregistré une perte d’exploitation ; il ne nous a fallu que 18 mois pour la combler”, se souvient Luc Vermeersch.

A l’époque, le nouveau CEO n’a pas hésité à s’enquérir auprès des clients de l’évolution de leurs besoins et à engager un développeur de produits. Cette année-ci, Helbig compte franchir une nouvelle étape, en développant une offre de services destinée à intégrer le “vécu” des clients dans l’aménagement des boutiques. “En plus de nous assurer que nos étagères et autres produits jouent sur les sens de la clientèle, nous avons l’intention de conseiller le commerçant sur l’intégration de la notion de vécu dans son concept”, expose Luc Vermeersch. C’est que l’approche, pour le moins innovante, a d’ores et déjà porté ses fruits : “Entre 20 et 30 % de notre marge brute (les ventes diminuées des coûts) sont issus de produits qui n’existaient pas il y a trois ans. Nous nous donnons deux ans pour lancer cette nouvelle offre de services sur le marché.” Après un démarrage difficile, le chiffre d’affaires d’Helbig est passé de 1,5 à 3 millions d’euros entre 2000 et 2010. La marge brute a dépassé les 740.000 euros en 2009, pour un bénéfice d’exploitation de plus de 210.000 euros.

BENNY DEBRUYNE

Abêtissante, la technique du boulier ?

“La culture d’entreprise privilégiée par Helbig est très proche de la personnalité de son CEO”, analyse Marc Bogaert, gérant de la société One Small Step, qui a passé au crible la culture d’innovation de 25 entreprises, dont Helbig. “L’entreprise cherche à promouvoir passion et ouverture, et à créer, au moyen d’un certain nombre d’instruments, une atmos-phère positive. Dans d’autres entreprises, des techniques comme celle du boulier pourraient sembler simplistes. Mais les collaborateurs d’Helbig savent en tirer parti. Luc Vermeersch privilégie une atmosphère collégiale, propice aux innovations. Une équipe de grands spécialistes qui n’entretiennent pas entre eux de bonnes relations est moins efficace qu’un groupe de personnes dotées de capacités moindres, mais dont la collaboration est optimale.”

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