Un métier d’avenir? Docteur pour smartphones

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De plus en plus de petites boutiques se proposent de réparer smartphones et tablettes dans l’heure. Les cliniques pour smartphones se multiplient, le marché est florissant car il répond aux difficultés de faire jouer sa garantie auprès des fabricants et aux attentes des consommateurs incapables de se séparer de leurs onéreux appareils.

“Mon fils casse l’écran de son smartphone tous les six mois, soupire le patron de cette PME brabançonne. Il le laisse régulièrement tomber, ce qui fendille la vitre et bloque parfois l’allumage. Et, bien sûr, ce genre de dégâts n’est pas couvert par la garantie du constructeur.” Les propriétaires de ces téléphones à plusieurs centaines d’euros rechignent souvent à les remplacer dès le moindre dégât, même si les fabricants poussent autant que possible au remplacement. D’autant qu’aujourd’hui, plus aucun possesseur de smartphone ou de tablette n’accepte de s’en séparer plusieurs jours. Soit par simple addiction, soit parce que le précieux contient le carnet d’adresses et l’agenda de son propriétaire.

C’est sur ce constat qu’une multitude de boutiques se sont créées, partout en Belgique, comme ailleurs dans le monde. Apparaissant à presque tous les coins de rue, elles se nomment Belwatech, iLabo, iClinic, etc. Par ailleurs, d’autres acteurs lancent des divisions spécialisées dans les réparations de smartphones et tablettes. Ainsi Mister Genius, chaîne bruxelloise à la base spécialisée dans les ordinateurs, s’est engouffrée sur ce créneau en croissance. Même Mister Minit, plus connu pour les réparations de chaussures et l’impression de cartes de visite, s’y est mis.

Mauvaises garanties commerciales ? “Il y a une vraie demande pour ces services rapides, insiste le gérant d’une boutique de réparation. Car la garantie sur un iPhone ou un Samsung Galaxy touche finalement peu de pannes et est souvent très restrictive. Beaucoup de défectuosités sont hors garantie et les fabricants pointent du doigt une usure naturelle, voire un mauvais usage de l’appareil. Comme pour un bouton d’allumage qui ne fonctionne plus après un an.”

Des pratiques que Test-Achats a souvent constatées et juge problématiques. “Nous avons énormément de demandes au sujet de la réparation de smartphones et de tablettes, constate Jean-Philippe Ducart, porte-parole de l’association de défense des consommateurs. Les clients font souvent face à des frais de réparation très importants, y compris durant le premier mois! En effet, les fabricants trouvent beaucoup d’arguments fallacieux pour ne pas appliquer la garantie. Nous sommes d’ailleurs toujours en procès avec Apple sur sa manière de présenter les choses en matière de garantie.”

L’association dénonce la manière dont le géant à la pomme “laisse croire que le consommateur n’a droit qu’à une garantie légale d’un an alors que c’est bel et bien une garantie légale de deux ans qui s’applique en Europe.”

Par ailleurs, Jean-Philippe Ducart en a contre l’AppleCare, qui correspond à une garantie commerciale vendue au consommateur, au lieu d’appliquer la garantie légale. Cette garantie coûte par exemple au client 59 euros pour un iPod Touch. Apple ne le propose toutefois pas pour l’iPhone en Belgique. Ce genre de services est aussi proposé par Samsung. De manière générale, Test-Achats se montre très critique vis-à-vis de ces assurances spécifiques proposées par les fabricants ou par les revendeurs. Notamment parce que “40 % des garanties commerciales payantes ont une durée inférieure à deux ans, alors que la garantie légale s’applique pendant deux ans”, lit-on dans un rapport Test-Achats. Pour Jean-Philippe Ducart, la plupart des garanties payantes “sont de mauvais produits en ce qui concerne les smartphones. Cela peut être intéressant pour un ordinateur ou du matériel plus durable, note-t-il. Les prix sont souvent trop élevés et la couverture contient bien trop d’exclusions.”

Quand un smartphone ou une tablette tombe en panne, l’utilisateur est souvent démuni. Si l’appareil a moins de deux ans, il doit se retourner vers le revendeur. Une boutique ou un opérateur comme Mobistar, par exemple. Ce dernier enregistre pas moins de 100.000 demandes de réparations par an, toutes marques confondues. “Nous avons mis en place un système très clair pour le service après-vente, insiste Patricia Verdood, porte-parole de l’opérateur. Lorsque le client ramène son téléphone au shop, il est examiné et envoyé, si nécessaire, chez SBE, le centre de réparation agréé avec lequel nous travaillons. Après analyse, le réparateur s’en occupe s’il est sous garantie. Ou bien il propose un devis quand la garantie est dépassée ou que la panne n’entre pas dans les conditions. Si le client n’accepte pas le devis et ne souhaite pas réparer son téléphone, il peut récupérer son appareil.” Mais il doit payer le transport d’environ 30 euros. Pendant le temps où il doit se séparer de son appareil, le client Mobistar dispose d’un appareil de remplacement, mais pas de la même gamme. Et le consommateur doit souvent se défaire de son précieux smartphone pendant plusieurs jours, voire semaines.

La ruée vers les cliniques pour téléphones “Aujourd’hui, plus personne ne veut se séparer de son téléphone, réagit Lionel De Clerq, cofondateur de Belwatech, chaîne de trois boutiques de réparation dans le sud de Bruxelles. Certains clients préfèrent même faire le chemin depuis Arlon pour venir faire réparer leur téléphone chez nous en une heure.” Car ces cliniques pour smartphones et tablettes mettent en avant la rapidité de leur exécution (certains affichent 30 minutes sur leur site web).

“Dans 90 % des cas, nous pouvons identifier le problème rapidement et le réparer dans la foulée, enchaîne le patron de Belwatech. C’est souvent une mauvaise manipulation du client : une chute, un appareil tombé dans l’eau, etc.” Dans ce cas, ces boutiques offrent une belle alternative aux services de réparation officiels et coûteux des marques. Mais le client maladroit doit le savoir : dès que l’appareil est ouvert par l’un de ces “docteurs pour smartphones”, il n’est plus sous garantie. Dans le cas d’Apple, par exemple, “chaque composant (batterie, écran, etc.) est doté d’un numéro de série permettant à la marque d’en connaître la provenance et, donc, de voir si une intervention a eu lieu sur l’appareil”, explique Bruno Kesteloot, fondateur de la chaîne de magasins MacLine, revendue à Easy-m. Et d’insister sur l’importance de faire appel à de vrais pros : “Si le client tombe sur un quelqu’un qui s’improvise réparateur et qui, durant son intervention, se trompe et fait griller le téléphone, le voici bien démuni”. Pour éviter ce genre de mésaventures, certains réparateurs proposent donc eux-mêmes une garantie sur leur réparation et les pièces qu’ils remplacent.

Un marché parallèle de pièces Mais d’où viennent les pièces utilisées pour ces réparations ? Pour l’iPhone, “ce sont des pièces originales Apple”, réagit Lionel De Clerq (Belwatech). Mais elles ne sont pas fournies par le géant à la pomme, bien sûr. En réalité, il existe un énorme marché parallèle, au niveau mondial, dont l’origine se trouve chez les sous-traitants asiatiques d’Apple qui revendent des pièces provenant de la même usine. Belwatech, par exemple, se fournit directement chez les revendeurs de ces pièces pour se doter d’un “argument qualité”.

Car sur le secteur de la réparation, la concurrence est d’ores et déjà bien présente. “Il y a une guerre des prix, note le gérant d’une boutique. Impossible de commencer à proposer une réparation beaucoup plus chère que les concurrents. Avec le Web et les tarifs que certains affichent, on ne peut que s’aligner.” Nonante neuf euros pour un écran fendu d’iPhone 4, 50 euros pour un bouton d’iPhone 5, 230 euros pour un écran de Samsung Galaxy SIII, etc. Les marges sont bonnes mais pas toujours énormes, compte tenu du prix des pièces et de la main-d’oeuvre. Du coup, pour améliorer la rentabilité, certains acteurs choisissent des pièces meilleur marché, des copies. D’autres parient sur l’amélioration des processus de réparation : “En trois ans, nous avons appris pas mal de techniques et continuons à réduire le temps d’intervention, insiste Lionel De Clercq. C’est un enjeu important pour nous”. Parmi ceux qui se lancent actuellement, nombreux sont ceux qui se contentent de regarder des tutoriels sur YouTube. C’est dire la disparité du petit secteur composé à la fois d’acteurs pros et de bricoleurs. Et chacun fourbit ses armes marketing. On voit naître ci et là des réparateurs à domicile ou des e-réparateurs : le client glisse son appareil dans une enveloppe, effectue à l’avance le paiement de la réparation et attend le retour, par courrier, de son téléphone. On n’arrête pas le progrès.

CHRISTOPHE CHARLOT

Le cas Apple Le téléphone à la pomme ne tient peut-être plus la place de n°1 sur le marché du smartphone, toutefois il conserve sa notoriété et son image haut de gamme. Mais c’est aussi le produit le plus emblématique d’un service après-vente difficilement accessible. Test-Achats a traîné Apple devant la justice pour sa manière de “jouer” sur la durée de la garantie qu’il semble parfois difficile de faire appliquer sur l’iPhone ou l’iPad. Les témoignages sont nombreux en ce sens : peu de problèmes acceptés sous garantie, durée de garantie qui pose question, prix des interventions élevées… Par ailleurs, “dans la première année de garantie, les clients d’Apple ne sont pas tous traités à la même enseigne, analyse Alexandre Colleau, fondateur du site spécialisé Belgium-iPhone. Ainsi, si vous téléphonez au service après-vente d’Apple et que votre appareil n’a pas été acheté sur le site, ils ne traitent pas avec vous et vous envoient vers le revendeur qui, lui, doit suivre des règles strictes et sévères concernant les dégâts de l’appareil.”

Par contre, si l’appareil vient du site d’Apple en Belgique et pour autant qu’il entre dans les conditions de la garantie, Apple ne rechigne pas trop. Le plus souvent, l’appareil est automatiquement remplacé par un autre. “Apple ne répare jamais l’appareil des clients, souligne Alexandre Colleau. Il procède à un échange avec un autre appareil qui a été reconditionné.” Cela peut se faire assez vite. Néanmoins, si l’appareil acheté sur son site n’entre pas dans les conditions de la garantie, Apple propose parfois des solutions. “Il n’est pas rare qu’Apple propose un échange de l’appareil, moyennant un forfait”, ajoute le responsable de Belgium-iPhone. Parfois plusieurs centaines d’euros suffisent pour retrouver un appareil en état de fonctionnement. Certains aficionados de la marque savent même que les services techniques des Apple Store peuvent souvent mieux les aider que la hotline d’Apple.

Généralement, les genius bar d’Apple (le nom branché trouvé pour le service après-vente) apportent des réponses plus efficaces ou plus avantageuses. Certains n’hésitent dès lors pas à voyager à l’étranger (où existent les Apple Store) pour trouver une solution à leur appareil défectueux ou pour tenter d’obtenir une proposition d’échange qui leur conviendra.

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