Un CEO dévoile les salaires de tous ses employés, une bonne idée?

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De plus en plus de CEO dévoilent leur salaire, mais aussi, ceux de leurs collaborateurs. Cette politique de transparence a pour but de rendre les employés plus épanouis et de favoriser une ambiance fairplay. A moins que…

Joel Gascoigne est le CEO de Buffer, une start-up à l’expansion internationale. Il y a trois ans, il a brisé un tabou encore bien prégnant dans le monde de l’entreprise. Il a décidé de dévoiler via un Google doc accessible à tous, son salaire – soit 218 000 dollars (198 000 euros) par an – mais aussi celui de tous ses employés de par le monde en partant de Mick, le salarié le moins bien payé avec 46 000 dollars annuels.

Personne ne le fait et nous pensions qu’il devait y avoir une bonne raison“, explique-t-il au HuffPost UK.Personnellement, j’étais très excité de révéler mon propre salaire. C’était un exemple parmi tant d’autres. On parle peu du bon salaire à s’accorder quand on est co-fondateur et PDG d’une entreprise“, ajoute-t-il.

Un CEO dévoile les salaires de tous ses employés, une bonne idée?
© Google Doc

La réaction de ses collaborateurs face à sa décision a été plutôt enthousiaste même si certains se sont montrés un peu méfiants. “Quelqu’un s’est dit que si ses amis et sa famille connaissaient son salaire, ça pourrait changer leur relation”, souligne Gascoigne. Mais très vite, chacun d’entre eux s’est rendu compte que ces craintes étaient infondées. Le CEO de Buffer, qui est passé depuis sa création de 10 à 80 salariés, avance que grâce à cette transparence des salaires, son équipe parle ouvertement d’argent et demande moins d’augmentation, car tout est clair.

Dans le Google doc, le PDG détaille en effet la manière précise dont sont payés les salariés. Chaque collaborateur a un salaire de base en fonction d’une moyenne des salaires dans son domaine et du coût de la vie dans la ville où il réside. Ensuite, ce salaire varie s’il est “débutant”, “intermédiaire”, “avancé” ou “master” (un “master” a un tiers de son salaire de base en plus). Pour chaque personne dépendante de l’employé (enfant, partenaire sans emploi) s’ajoutent 3 000 dollars par an. Mais ce n’est pas tout, le salaire d’un employé est augmenté de 5% par année passée au sein de l’entreprise. Une “prime de fidélité” en quelque sorte.

La politique de transparence salariale de Joel Gascoigne est une tendance grandissante dans les pays anglo-saxons analyse le HuffPost UK. Si certains patrons sont encore réticents à dire combien ils gagnent, d’autres sont beaucoup plus ouverts à ce sujet. La raison: ils pensent que dévoiler ces informations encore frappées du sceau du tabou dans la plupart des cultures d’entreprise peut rendre les employés plus heureux et l’ambiance entre eux plus fair-play.

Un sujet encore tabou

Ian Pearman, CEO de AMV BBDO, l’une des plus grosses boîtes de com’ en Grande-Bretagne, a aussi pris cette décision en publiant la grille salariale de ses 400 employés. “Rien n’est plus corrosif que d’avoir la sensation que le système n’est pas équitable. Rajoutez à cela les questions liées au sexe et à la race. ‘Est-ce que je suis payée moins parce que je suis une femme, ou de par mon origine ethnique ? ‘ sont autant de questions posées. En pratiquant cette politique de transparence des salaires, elles ne sont même plus soulevées“, commente-t-il.

Pour lui, montrer jusqu’à quel niveau les salaires peuvent s’élever dans une société est aussi une façon de donner de la motivation aux employés pour gravir les échelons. Les employés sont encouragés à rester sur le long terme, ce qui évite un turn-over trop important au sein des équipes.

Une autre société, basée à Londres, GrantTree, applique aussi cette politique interne. “La transparence salariale est l’une de nos valeurs clés. Toutes nos infos sont par défaut transparentes : salaires, détails de l’entreprise, discussions stratégiques,… “.

Chez SumAll, une PME américaine spécialisée dans les réseaux sociaux, les salaires en vigueur circulent également en interne via un Google doc. La start-up explique que cela l’aide à éviter complètement les augmentations salariales. Dane Atkinson, son CEO tente de cette façon d’éviter certains malentendus régnant dans une structure traditionnelle. Il avoue toutefois que son initiative génère plus de travail qu’il ne l’avait pensé. Les différences de salaire prennent du temps à être expliquées. Après, le personnel réclame de moins en moins d’informations, les tensions diminuent et un climat de confiance s’installe dans l’organisation.

L’idée n’est pourtant pas révolutionnaire. Whole Foods Market, l’entreprise de distribution alimentaire de produits biologiques présente aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, dévoile les salaires de toutes ses équipes depuis les années ’80. “Cette transparence nous aide à promouvoir notre intégration et prouve que notre système salarial est juste ” peut-on lire sur le site de la société.

Pour autant, le CEO de Buffer avoue que l’idée n’est pas transposable dans toutes les entreprises. “Il y a tellement de cultures d’entreprise différentes, ce serait naïf de ma part de dire que cette politique peut toujours s’appliquer partout.

En Belgique, parler salaires reste encore un sujet bien tabou. En France, une étude publiée en février 2015 par le site de recrutement Glassdoor révélait que deux tiers des Français (37%) ignorent tout du salaire de leurs collègues. Ce chiffre est comparable à celui du Royaume-Uni (35%). Ils sont très nombreux (77%) à souhaiter contraindre les employeurs à en dire plus sur les salaires et sont plus de la moitié (52%) à penser que la transparence contribue à réduire les écarts salariaux au sein d’une entreprise, relate le Huffington Post.

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