Un business nommé Colsaerts

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Le Belge Nicolas Colsaerts a excellé lors de la Ryder Cup remportée ce dimanche par l’équipe européenne sur le parcours de Medinah aux Etats-Unis. Cette compétition est un véritable accélérateur de carrière pour tout golfeur de haut niveau. Zoom sur une petite entreprise sportive au puissant potentiel de développement.

Historique ! Pour la première fois dans l’histoire du golf, un Belge a accédé à la Ryder Cup, ce tournoi bisannuel qui n’est autre que le troisième événement sportif le plus regardé sur la planète, juste après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football. Mieux ! Un Belge a brillé lors de cet événement sportif mythique et médiatique qui a réuni du 25 au 30 septembre les 12 meilleurs joueurs de golf américains face aux 12 meilleurs joueurs européens sur le parcours de Medinah, aux Etats-Unis. Parmi les représentants du “gratin du green” figurait en effet le Bruxellois Nicolas Colsaerts, du haut de ses 29 ans et de son mètre 85. Il a joué un rôle prépondérant dans la victoire de l’équipe européenne contre l’équipe américaine (14,5 -13,5), marquant le point à lui tout seul, vendredi dans le four-ball qu’il a disputé en compagnie de l’Anglais Lee Westwood et qui l’opposait à Tiger Woods et Steve Stricker. Notre compatriote a ainsi réussi huit birdies et un eagle, soit le meilleur score jamais réalisé par un rookie (débutant) en Ryder Cup, suscitant l’admiration de Tiger Woods himself ce dernier ne tarissant pas d’éloges à son sujet.

Participer à la Ryder Cup était une consécration somme toute logique pour ce beau gosse qui a commencé le golf à l’âge de six ans, qui est ensuite devenu le plus jeune joueur professionnel à 18 ans et qui, après avoir connu de sérieux déboires dans les années 2000, a littéralement explosé ces derniers mois pour atteindre la place de 35e joueur mondial – il n’était encore “que” 76e au début de l’année ! – , se payant même le luxe de se hisser désormais dans le Top 12 européen convié à la prestigieuse Ryder Cup. Une résurrection, en quelque sorte, depuis que Nicolas Colsaerts s’est mué en une véritable petite entreprise où chaque “employé” oeuvre discrètement pour que le champion poursuive son irrésistible ascension vers le sommet du classement international.

Et si le golfeur est évidemment le produit-phare et le président d’honneur de cette quasi-PME, son ami et manager Vincent Borremans en est, en réalité, le patron discret et attentionné. Pas étonnant, dès lors, que Nicolas Colsaerts utilise systématiquement le “nous” collégial en interview lorsqu’il commente ses résultats, ses attentes et même ses propres coups qu’il est pourtant le seul à réaliser. Une pratique atypique dans le monde du golf où le star system est solennellement de rigueur, mais qui démontre, in fine, que l’esprit d’équipe n’est pas un vain mot au coeur de la petite entreprise bruxelloise.

Un business devenu rentable

La petite entreprise golfique, justement, se porte bien. Si l’on ne peut pas, à proprement parler, épingler un vrai chiffre d’affaires pour la “société Colsaerts”, on peut néanmoins en isoler les principales rentrées qui témoignent d’un business aujourd’hui rentable en prenant en compte, d’une part, les prize money engrangés dans les différents tournois au cours de l’année et, d’autre part, les contrats de sponsoring négociés avec certaines marques et institutions.

Comme pour les performances sportives du golfeur, la progression financière est significative. Si, de son propre aveu, Nicolas Colsaerts a souvent été “dans le rouge” au cours des années 2000 – il n’aurait par exemple gagné que 8.000 euros en tournois en 2008 – , la situation s’est nettement améliorée avec cette nouvelle décennie. Ainsi, pour l’année 2011, le Belge a empoché pas moins de 1,3 million d’euros en guise de prize money, somme qu’il a aujourd’hui dépassée dans ce nouvel exercice 2012 puisque les gains d’argent accumulés en tournois cette année flirtaient déjà avec le million et demi d’euros à la fin du mois d’août.

Alors, déjà millionnaire, Nicolas Colsaerts ? Si le principal intéressé affirme ignorer ce qu’il y a exactement sur son compte en banque – “ce n’est pas un homme d’argent”, confirment ses proches – , son manager Vincent Borremans apporte en revanche un sérieux bémol aux fantasmes financiers qui entourent généralement la sphère des golfeurs. “Le prize money annoncé est toujours un montant brut sur lequel l’état qui accueille le tournoi perçoit une taxation, rectifie l’éminence grise de Colsaerts. En moyenne, ce sont entre 25 et 40 % du prix qui sont ainsi prélevés directement selon les pays. Sur ce montant brut, 5 à 10 % du prize money vont également à Brian Nilsson, le caddy de Nicolas, selon la place obtenue en tournoi. Donc parfois, à ce stade, il ne reste déjà plus que 50 %…”

Viennent ensuite les rétributions aux différents coaches et autres préparateurs physiques du golfeur, ainsi que tous les frais inhérents à chaque compétition : billets d’avion, hôtels, repas, etc. “En moyenne, on peut dire qu’il lui reste au final 25 % du prize money, affirme Vincent Borremans. Un montant sur lequel il n’est pas taxé en Belgique, car même s’il habite Bruxelles, il ne travaille pas ici. Il existe en effet des conventions entre Etats pour les sportifs et les artistes qui permettent d’éviter la double imposition. Dans cette logique, Nicolas ne peut donc rien déduire en Belgique, sauf bien sûr pour les tournois organisés dans des pays où la convention n’a pas été signée.”

50.000 euros nets par mois

Un rapide calcul permet donc d’affirmer que Nicolas Colsaerts a réellement touché 325.000 euros nets en 2011 dans le cadre de ses tournois et qu’il a déjà empoché pas loin de 400.000 euros aux deux tiers de l’année 2012. Soit, pour cet exercice fiscal, un revenu mensuel net de quelque 50.000 euros, ce qui est encore relativement peu pour un sportif d’un tel niveau.

A cela s’ajoutent évidemment les contrats négociés avec les sponsors qui viennent mettre “du beurre dans les épinards”. Et c’est là, précisément, que les choses pourraient très vite s’accélérer. Car jusqu’ici, le clan Colsaerts a préféré se la jouer modeste, privilégiant les relations d’amitié et surtout une certaine indépendance dans le choix des sponsors. Parmi ceux-ci, on retrouve ainsi la firme de construction Knauf dont le patron belge est une bonne connaissance de Vincent Borremans, tout comme la société immobilière AMB Broker et l’entreprise de logiciels de comptabilité Popsy où, respectivement, les businessmen Alexis Mannès et Jean-Claude Logé sont des proches de la sphère Colsaerts. Avec Lacoste et Rolex aussi, la relation est historique puisque le célèbre crocodile est présent sur le torse du golfeur depuis près de 10 ans et que la marque de montres de luxe est revenue l’année dernière dans la course à la visibilité après avoir soutenu le jeune homme à ses débuts.

Au total, c’est une dizaine de sponsors – parmi lesquels figure aussi la société de gestion de portefeuilles 2PM – que l’on retrouve ainsi autour du sportif et qui pèserait actuellement ensemble, selon Vincent Borremans, l’équivalent de 250.000 euros par an. Un montant relativement faible au vu des derniers résultats fulgurants de Nicolas Colsaerts et qui risque donc de gonfler spectaculairement ces prochains mois avec cette première performance en Ryder Cup. “Depuis quelques semaines, on sent déjà le changement, confirme le golfeur. Nous sommes davantage sollicités d’un point de vue médiatique et l’on reçoit de nouvelles propositions de contrats de sponsors avec des montants différents. Mais on ne va pas se ruer et, surtout, on ne se fera jamais placarder avec un nom qui ne nous convient pas. D’ailleurs, on a déjà refusé pas mal de propositions qui étaient rémunératrices parce qu’on ne s’identifiait tout simplement pas au produit proposé.”

Tout aussi serein, le “patron” Vincent Borremans confirme cet état de fait : “La tendance s’est inversée par rapport à 2011 où nous devions faire les yeux doux aux partenaires pour les séduire. Aujourd’hui, ce sont les marques qui viennent frapper à la porte. En mai, la victoire de Nicolas au Volvo World Match Play avait déjà attiré les regards, mais c’est surtout sa récente 7e place au British Open et sa 5e place à la Race to Dubaï qui ont boosté l’intérêt des marques et qui contribué à quadrupler au moins les montants proposés en termes de sponsoring. Mais nous ne sommes pas pressés. Aujourd’hui, on refuse énormément de propositions intéressantes parce que, stratégiquement, ce n’est pas intéressant.”

Un ovni sur le green

Selon nos informations, le géant Nike a ainsi contacté le manager de Nicolas Colsaerts pour prendre en charge, de manière exclusive, tout le sponsoring du golfeur. A la clé : un montant “extraordinaire”, dit-on en coulisses, mais qui obligerait le champion à jouer uniquement avec des clubs de golf Nike. Or, le Belge veut garder cette liberté de concourir avec des clubs de marques différentes pour maintenir le rythme de ses performances. “A ce niveau-là, c’est un véritable ovni, commente le passionné de golf Jean-Pierre Hautier, directeur de la radio La Première et proche du clan Colsaerts depuis de nombreuses années. Car la grande majorité des joueurs de ce niveau résistent difficilement aux sirènes de l’argent et signent très vite des contrats avec de grandes marques de clubs. Mais c’est la force de cette équipe : ce sont des gens sincères qui gardent les pieds sur terre et qui placent l’élément humain et sportif bien avant la course à l’argent.”

Autre indice révélateur du comportement atypique et désintéressé du sportif : en tournoi, Nicolas Colsaerts se coiffe d’une casquette de la marque de golf Titleist alors qu’il n’est absolument pas payé pour la porter ! “Nous sommes vraiment atypiques dans le milieu, reconnaît son manager Vincent Borremans Les gens nous prennent pour des fous. Mais Nicolas l’aime bien, cette casquette ! Elle lui a porté chance. En réalité, nous pourrions facilement atteindre aujourd’hui le million d’euros en sponsoring si on le souhaitait, mais encore une fois, nous ne sommes pas pressés. Avant de faire le malin ou le beau dans une publicité, la priorité est de mettre d’abord un pied dans l’histoire du golf”.

Des sponsors aux aguets

Un physique avenant, une élégance naturelle, une personnalité conviviale, un comportement original… Les arguments ne manquent pas pour les entreprises qui veulent s’offrir les services de Nicolas Colsaerts en guise d’ambassadeur. D’autant plus que le Belge dispose de deux autres atouts de taille dans son profil de golfeur : une belle histoire personnelle avec une rédemption après avoir touché le fond – les marques adorent ce genre de success story – et surtout une arme puissante qui le distingue de tous les autres champions du classement : le Bruxellois est en effet le plus long frappeur de la bande – il envoie les balles à une distance de 280 mètres de moyenne avec un driver – à tel point qu’il est désormais surnommé “the belgian bomber” par les médias anglo-saxons. Normal, dès lors, que le “bombardier belge” intéresse de plus en plus les équipementiers en général et les marques de clubs de golf en particulier. Sans compter Golfdigest, le magazine le plus réputé du secteur, qui fait de Nicolas Colsaerts son “hot topic” du mois de septembre, et les grandes sociétés de management de sportifs qui, aujourd’hui, reviennent tout doucement à la charge…

Mais le Belge résiste, sereinement. “Aucun choix de Nicolas ne fait par rapport à l’argent, commente le publicitaire Pierre Chaudoir, amateur de golf et proche du clan Colsaerts. Je crois d’ailleurs qu’il ne sera jamais un homme d’affaires. Son envie sera plutôt de transmettre un jour ce qu’il a reçu, au travers d’une fondation par exemple. D’un point de vue économique, ce sera ça : rendre au golf ce qui lui a été donné”.
Toujours aussi concentré sur son swing, Nicolas Colsaerts semble en effet ne pas être bousculé par sa subite augmentation de salaire. Il a toujours la même voiture depuis six ans et persiste à vivre dans le même appartement en colocation avec un ami. “Je me défais de l’aspect financier parce que je ne suis pas encore au bout du travail mis en place il y a deux ans, confirme le golfeur. Je suis en pleine phase ascendante dans mes performances et c’est ça que je garde en ligne de mire. Et puis, je ne suis pas quelqu’un de vénal. L’année dernière, j’ai passé à peine huit semaines à Bruxelles. Il serait donc ridicule d’acheter un superbe loft où je ne serais jamais. Pareil pour une voiture avec laquelle je ne roulerais pas. Ce serait complètement ridicule. Même si dans une petite dizaine d’années, l’idée serait de gérer mon bas de laine et de penser à fonder une famille.”

En attendant cette deuxième vie de gestionnaire, la priorité reste, à moyen terme, une place dans le Top 10 mondial. Ce qui transformait à coup sûr la PME Colsaerts en une grande entreprise d’envergure internationale.

Frédéric Brebant

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