Sonaca doit essayer de se développer avec un maximum d’autonomie

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Tel est l’avis de Bernard Delvaux. Pour l’administrateur délégué de l’équipementier carolo, l’arrivée d’un partenaire privé dans le capital de Sonaca peut représenter une belle opportunité. Mais pas à n’importe quelle condition. D’autant que l’entreprise a, de nouveau, le vent en poupe.

Petite éclaircie dans le ciel industriel wallon. A contre-courant de la crise, Sonaca, le sous-traitant aéronautique spécialisé dans les bords d’attaque d’aile, a retrouvé les cadences de production d’avant la crise de 2008. “Nous les avons même un peu dépassées en 2012 et nous allons continuer à croître”, précise Bernard Delvaux, l’administrateur délégué de la société basée à Gosselies. Mieux, pour la première fois depuis des années, le groupe Sonaca (qui a également des usines au Brésil, en Chine, au Canada et aux Etats-Unis) a renoué l’an dernier avec les bénéfices. Et cerise sur le gâteau : à quelques jours de l’ouverture du Salon du Bourget, rendez-vous annuel de l’industrie de l’aéronautique, l’équipementier est désigné pour la deuxième année consécutive meilleur fournisseur d’Airbus, son client principal, pour la carrosserie d’avion au niveau mondial. Ce prix récompense la qualité du produit livré, le respect des délais et les perspectives de progrès à l’avenir. Arrivé en 2008 à la tête de l’entreprise qui était au bord du gouffre, l’ex-directeur de Belgacom et de bpost a réussi son pari de redresser Sonaca et de lui redonner des ailes. Mais il garde la tête froide. “Nous devons continuer à améliorer la productivité à Gosselies si nous voulons rester compétitifs”, lance-t-il dans l’interview qu’il nous a accordée. TRENDS-TENDANCES. Sonaca profite de la croissance du secteur aéro- nautique. Le cru 2012 en témoigne. BERNARD DELVAUX . Une vraie croissance structurelle s’est en effet confirmée. Nous évoluons dans un des rares secteurs industriels où l’on ne ressent pas la crise. Nos ventes et prestations consolidées ont crû, l’an dernier, de 13,4 % pour s’établir à 351 millions d’euros. Nos volumes de production dans les usines ont augmenté de 9 %. La maison mère (Ndlr, Sonaca SA, dont l’essentiel des contrats est réalisé à Gosselies) a vu, elle, son chiffre d’affaires croître de 7 %, à 234 millions d’euros. C’est le fruit de la stabilité des contrats existants sur les avions qui volent déjà (A320, etc.) et des nouveaux contrats que l’on a signés en 2008 et 2009 et qui vont générer une croissance supplémentaire dans nos usines pour les années qui viennent. La hausse des volumes n’explique pas, à elle seule, le retour aux bénéfices du groupe : 1,3 million d’euros contre une perte de 2,3 millions en 2011) ? Celui-ci est dû également à la réduction de coûts directs (renégociation des achats de matières premières et hausse de la productivité) et indirects (factures d’énergie, etc.). Suite à un effort colossal qui a été réalisé en 2009 et 2010 et que l’on continue à faire au jour le jour, on parvient à maintenir les coûts indirects fixes. Et automatiquement, quand les volumes augmentent, la marge s’améliore. Mais le free cash-flow reste négatif, ce qui affaiblit la trésorerie du groupe (Ndlr, 7 millions d’euros en retrait de 9,8 millions par rapport à 2011). Est-ce un problème ? Comme nous avons pas mal de nouveaux contrats pour lesquels nous partageons les risques avec les constructeurs (Airbus, Embraer, etc.), nous passons par une phase de grosses dépenses en recherche & développement pendant quatre ans. L’an dernier, nous avons ainsi dépensé 45 millions d’euros en R&D, soit 16 % de notre chiffre d’affaires. Nous sommes ensuite remboursés au fur et à mesure de la vente des avions, c’est-à-dire cinq à 15 ans plus tard. Ne faudra-t-il pas tout de même recapitaliser la société pour financer les investissements futurs ? Non. Une recapitalisation n’est pas nécessaire car le plan d’affaires de la société est tel que Sonaca est financièrement autonome. Nous allons générer par nos activités une trésorerie suffisante pour financer nos investissements et pérenniser la société. La productivité s’est améliorée à Gosselies mais elle reste inférieure à vos objectifs. Comment allez-vous procéder ? Sur le site de Gosselies, qui emploie 1.500 personnes (Ndlr, 2.300 dans le groupe), on continue à avoir une opportunité de progrès très importante. On a lancé toute une série de projets (automatisation, robotisation, organisation du travail, etc.) pour continuer à nous améliorer. Cela ne va jamais assez vite à mon goût mais il y a une volonté de progrès et de lucidité au sein de l’entreprise. On peut toujours gagner 20 % dans les deux à trois ans à venir. Sans toucher à l’emploi ? La croissance de nos activités et les nouveaux contrats nous permettent de maintenir un volume d’emplois très significatif à Gosselies tout en réalisant des efforts de productivité. Où en est votre diversification dans le spatial, un de vos futurs relais de croissance ? Nous l’avons développé au niveau commercial et des équipes mais cela ne se traduit pas encore dans notre chiffre d’affaires (toujours 2 %). Nous avons une série de pistes dont celui de S3, ce projet de tourisme spatial suisse auquel nous participons. Dans ce secteur, il faut du temps afin de transformer une activité commerciale en une activité de revenus. Quid de vos activités dans les pays émergents ? Nous avons une petite usine en Chine qui ne fournit pour l’instant qu’Airbus. Celle-ci tourne très bien. Le coût salarial à productivité égale est cinq fois moins élevé par rapport à celui de Gosselies. Cela prouve que l’usine de Gosselies n’est pas la seule à pouvoir produire ce genre de produits avec une qualité et des délais très satisfaisants. Cela nous force à progresser sans cesse. A présent redressée, Sonaca suscite de l’intérêt de la part de groupes industriels. Est-ce le bon moment pour l’adosser à un partenaire stratégique ? La phase de sauvetage est derrière nous. L’entreprise affiche une stabilité financière et une profitabilité, même si celle-ci n’est pas encore suffisante Après, la question est de savoir ce que l’on veut faire de cette entreprise belge qui exporte 99,9 % de sa production et qui est donc devenue un vrai groupe international. Je pense que c’est une entreprise qui doit avoir de l’ambition et qui doit essayer de se développer autant que faire se peut avec un maximum d’autonomie et de capacités de décision. Depuis mon arrivée chez Sonaca, je suis en faveur d’un partenariat privé car c’est sain, tant pour des raisons techniques vis-à-vis de l’Europe que pour la dynamique que cela génère au niveau du conseil d’administration et de la gestion des projets stratégiques. Mais c’est l’actionnaire (Ndlr, la Région wallonne à 92 % et l’Etat fédéral à 8 %) qui doit décider s’il augmente le capital ou s’il vend ses actions. Ce n’est pas une question de timing. L’important est de trouver le bon partenaire et de choisir en conscience dans l’intérêt de l’entreprise et de la région. Si le partenaire devient majoritaire, ne risque-t-on pas de revivre, comme le redoutent les syndicats, un scénario à la ArcelorMittal ? Je suis en place depuis quatre ans et demi et j’ai été amené à délocaliser certaines activités au Brésil et en Chine. C’étaient des étapes indispensables pour garantir un avenir à cette entreprise. Il ne faut pas partir du principe qu’avoir un partenaire privé est un risque pour Sonaca ; il peut représenter une énorme opportunité mais pas à n’importe quelle condition. C’est une question de nuance et d’équilibre dans le pacte d’actionnaires.

PROPOS RECUEILLIS PAR SANDRINE VANDENDOOREN

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