Siemens rachète le TGV français, un mariage de raison

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Le groupe allemand va prendre le contrôle des activités ferroviaires du français Alstom. Avec la bénédiction du président français Emmanuel Macron. Objectif: créer un champion européen du rail, qui s’appellera Siemens Alstom, et pèsera plus de 15 milliards d’euros de ventes par an.

C’est un mariage de raison qui s’est conclu mardi 26 septembre entre Siemens et Alstom pour rassembler les activités ferroviaires des deux groupes. Alstom, qui a développé le TGV français, va passer entre les mains de Siemens, qui produit les rames blanches à grande vitesse Velaro (ICE), utilisées par la Deutsche Bahn, et les trains Desiro de la SNCB.

La fusion est vue d’un bon oeil par les autorités politiques des deux pays. Le président Emmanuel Macron a donné son accord. Il s’agissait d’éviter que Siemens ne fusionne avec le canadien Bombardier, qui a plusieurs usines en Europe, et marginalise ainsi Alstom. Les Européens sont devenus des “petits joueurs” dans le monde ferroviaire, depuis que la Chine a constitué par fusion un géant en 2015: CRRC, qui réalise 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an, plus de trois fois celui d’Alstom ou de Siemens. CRRC est devenu un concurrent redoutable à l’export. Il a obtenu l’an dernier de la Tchéquie un contrat de rames à grande vitesse. Il vend aussi aux Etats-Unis. CRRC a de grandes ambitions dans la très grande vitesse, et développe également des trains à sustentation magnétique (Maglev) qui rouleront jusqu’à 600 km/h.

La Belgique est aussi concernée par le rapprochement Siemens – Alstom, car elle devrait inclure les activités de signalisation, les dispositifs de sécurité qui équipent les trains et les voies pour assurer une circulation sans accident. Notre pays compte une filiale importante dans ce domaine, installée à Charleroi (ex-ACEC).

Soutien de Macron

Le mariage se réalisera en deux opérations: Siemens cédera ses activités ferroviaires à Alstom, y compris les trains régionaux et les trams. Et deviendrait actionnaire au terme d’une augmentation de capital réservée au groupe allemand, lequel obtiendra 50 % des parts. Il devrait ainsi en devenir le premier actionnaire. L’ensemble fusionné devrait réaliser un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros par an. Le gouvernement français se serait assuré que l’opération n’entraîne pas de fermeture ou de démantèlement des activités dans l’Hexagone. L’opération est parfois valorisée en parlant de la création d’un ” Airbus du rail “, mais il faudra voir le détail des transactions. En général, le mot ” fusion ” recouvre une acquisition pure et simple, et ce type d’opération n’a de sens que si des restructurations interviennent pour créer un ensemble plus performant, plus concurrentiel. Le communiqué évoque un gain en synergie de 470 millions d’euros dans les 4 ans.

Pour rassurer la partie française, le groupe sera basé en France et dirigé par l’actuel CEO d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge. Siemens disposera de 6 sièges au conseil d’administration sur 11, 4 iront à des administrateurs indépendants, et le dernier au CEO. Le flou règne sur le rôle du patron des activités ferroviaires de Siemens. Le communiqué se borne à indiquer que “Jochen Eickholt, l’actuel directeur général de Siemens Mobility, devrait assumer une responsabilité importante dans la nouvelle entité.”

L’exécutif français a soutenu l’accord et renonce à l’option d’achat de 20% dans Alstom. Il a joué un grand rôle pour négocier des amortisseurs dans l’accord. Le communiqué y fait allusion, sans grande précision : “L’Etat français soutient également la transaction basée sur les engagements de Siemens incluant un standstill à 50,5 % du capital d’Alstom pour une période de 4 ans après la réalisation de l’opération et également certaines protections de gouvernance, d’organisation et d’emploi.” L’objectif est d’éviter les déconvenues survenues lors du rachats/fusions d’autres “fleurons” (ou plutôt anciens fleurons) français comme Alcatel, repris par Nokia, ou Lafarge.

L’accord va clôturer le démontage du groupe Alstom. En 2014, l’américain General Electric a racheté ses activités dans l’électricité (turbines, réseau). Il avait été préféré à une offre de Siemens. Cette fois, l’allemand aura sa revanche en prenant le contrôle de la partie restante. L’exécutif français a mis une croix sur l’idée de maintenir un champion français et caresse plutôt celle d’un champion européen. Que la Commission européenne devra valider. Si tel est le cas, l’opération devrait être exécutée fin 2018. Si Alstom y renonce d’ici là, l’accord prévoit un dédit de 140 millions d’euros.

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