Seed Factory, un centre d’affaires atypique

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Un bureau est-il simplement un lieu de travail ? Chez Seed Factory, un centre d’affaires bruxellois, on est persuadé qu’un bâtiment ne se limite pas à des murs, mais peut aussi booster le business des entreprises qui y sont installées. Comment un bureau peut faire “pousser les idées”.

Des pénis, partout. Sur tous les murs, sous toutes les formes. Remplaçant un nez sur un visage. Caricaturant Jacques Chirac sur une ancienne Une de Charlie Hebdo. Prenant la place des cornes d’un diable sous le crayon d’un artiste néerlandais. Ou s’immisçant dans une pomme tel un ver sous celui d’un dessinateur belge. “C’est un peu limite, hein ?!”, s’amuse Edouard Cambier, le gestionnaire des lieux.

Le visiteur non averti pourrait se demander s’il a mis les pieds dans l’antre d’un collectionneur lubrique plutôt que dans un espace hébergeant des entreprises. Quelques semaines plus tôt, il aurait pu contempler des images illustrant la chance, les élections belges ou les 75 ans de Spirou. Les thèmes des expositions organisées chez Seed Factory se suivent sans se ressembler.

Elles font partie des particularités de l’endroit. “On veut rendre le bâtiment le plus vivant possible. Ces expos sont là pour forcer le contact. Car l’humain est timide !” Cet ancien moulin rénové de 2.400 m2, logé dans les rues animées d’Auderghem, ne veut pas n’être qu’un espace mêlant coworking et location de bureaux. Ici, on est persuadé que le contenant influence le contenu. Que la philosophie des lieux contagionne le business.

+30 % de chiffre d’affaires

“Les boîtes qui emménagent augmentent en moyenne leur chiffre d’affaires de 30 %”, clame fièrement le gérant. La réalité des bilans financiers des 36 occupants est sans doute plus contrastée, mais ceux que nous avons rencontrés s’accordent sur un point : il règne une ambiance collaborative.

“Nous voulons faire pousser les idées, résume Edouard Cambier. Pour que ces idées puissent grandir, il faut que les gens puissent se parler.” D’où les expositions (changeant environ quatre fois par an). Moins organisées pour contempler les cadres au mur que pour réunir, lors des vernissages, environ 300 invités. Des “amis” du lieu, dont quelques représentants de grandes entreprises qui viennent rencontrer de plus petites boîtes installées chez Seed Factory pour, parfois, leur proposer un contrat.

“On ne met pas seulement en commun du back office, des chaises, des tables, du cloud, des serveurs ou des places de parking. On nourrit les locataires en potentiels nouveaux clients, en fournisseurs…”, décrit celui qui se définit comme un trait d’union entre “les jeunes qui ont les idées et les aînés qui ont les moyens”.

Toutefois, les expos ne suffisent pas. Le contact, ça se travaille au jour le jour. Via les 400 m2 d’espaces communs, où les gens se croisent en mangeant à midi ou en organisant des réunions. Via, surtout, les réseaux sociaux, très régulièrement animés. Dans cette ambiance start-up biberonnée aux anglicismes et aux nouvelles technologies, ne pas avoir de compte Facebook, LinkedIn ou Twitter s’apparente presque à un crime de lèse-majesté…

“S’installer ici est un bon moyen pour apprendre le monde du business quand on débute et qu’on ne connaît rien, affirme Laurent Schmitz, fondateur de l’agence de graphisme Paf ! Nous sommes à la base gradués en arts plastiques et il a fallu apprendre les aspects économiques. Nous avons rencontré pas mal de monde qui nous ont aidés. Ce qui n’aurait pas été possible si nous avions bossé seuls dans un petit local.”

“Ce qui est intéressant chez Seed, c’est qu’il n’y a pas de concurrent direct, ajoute Arnaud Destrée, yield manager chez HiMedia, un autre locataire. Nos activités sont toutes connexes les unes aux autres. C’est plus facile pour trouver un partenaire. D’autant qu’on en a toujours besoin rapidement !”

Sélection drastique

Cette absence de concurrent direct est une volonté des propriétaires des lieux. Qui, avant d’accepter un nouvel occupant, demande l’avis de ceux qui sont déjà établis. “Parfois, on est surpris car on pense qu’il s’agit du même secteur d’activité et les sociétés nous répondent que pas du tout”, souligne Edouard Cambier.

La sélection à l’entrée se base aussi sur d’autres critères. “On sélectionne d’abord sur la vision. On vérifie aussi que l’entrepreneur est courageux, qu’il aura les moyens de payer le loyer… On se montre prudent, car c’est un peu comme faire rentrer quelqu’un dans une famille.” Actuellement, le bâtiment est rempli à 100 % et 17 sociétés sont en attente. Une longue liste qui permet de se montrer exigeant quant au choix des nouveaux venus.

Les entreprises présentes sont toutes actives dans le secteur de la communication. Au sens (très) large : au-delà des traditionnelles agences de pub, de création de sites web et de marketing, on retrouve aussi une ASBL qui organise des marchés réunissant des producteurs locaux ou encore une plateforme de réservation de restaurants en ligne. C’est aussi dans ces locaux que la division belge de TripAdvisor va bientôt s’installer. Jusqu’il y a peu, s’y trouvait également Monizze, le challenger du chèque-repas électronique.

“Uberisation”

Aux yeux d’Edouard Cambier, tous les locataires du centre d’affaires partagent un autre point commun : “l’uberisation”. Comprenez la volonté de créer de nouveaux métiers qui viennent perturber l’ordre établi, en rapprochant toujours plus l’offre de la demande. Et de changer le monde dans leurs secteurs d’activité respectifs. L’analyse tient sans doute en partie la route, mais plusieurs sociétés installées dans l’ancien moulin conservent tout de même une activité certes créative, mais plutôt classique.

Seed Factory a aussi sa propre limite : l’espace. Bien que les propriétaires tentent de pousser les murs (initialement conçu en 1997 pour accueillir 100 personnes, le bâtiment en héberge désormais 140), les entreprises sont contraintes de quitter les lieux lorsqu’elles atteignent une taille trop importante. Or le centre d’affaires tente tout de même de retenir quelques grosses boîtes. Une question de rentabilisation. “Si on n’avait que des jeunes start-up, ce ne serait pas viable. On sait très bien que parmi ceux qui se lancent, il ne reste au final que 10 % de survivants.”

Les firmes qui s’installent consentent aussi à payer un loyer sensiblement plus élevé que la moyenne. La location mensuelle d’un bureau s’élève à 300 euros. “Travail d’animation compris”, précise le gérant. Ce qui ne permet toutefois pas à l’ancien moulin de rouler sur l’or. Rares sont les années où un bénéfice a pu être dégagé. En 2013, la perte cumulée s’élevait à 829.199 euros.

Si Seed Factory faisait office de précurseur à sa création, il a depuis été rejoint par toute une série de lieux semblables. L’ICAB (secteur de l’ingénierie et des technologies de l’information), BLSI (sciences de la vie), Betacowork, Silversquare… Tous partagent la conviction que le lieu de travail peut influencer (positivement) l’entreprise. Les pénis en moins, sans doute.

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