Ryanair annule encore des vols: son modèle en danger ?

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Ryanair, prudente, annule encore des vols pour l’hiver, qui concernent 400.000 passagers. Une décision qui montre que la crise des pilotes n’est pas tout à fait terminée. La compagnie pourrait lâcher du lest, sans que cela remette en cause son modèle ultra low cost.

Cela commence à faire beaucoup. Avec la nouvelle annonce, Ryanair annulera les vols de plus de 700.000 passagers. La compagnie low cost a ajusté son horaire d’hiver, de novembre 2017 à mars 2018, en supprimant les vols de 400.000 passagers, qui s’ajoutent donc à ceux qui ont touché 315.000 passagers de septembre à octobre.

Telle est la conséquence d’une crise des pilotes que traverse la compagnie. Ryanair connaît une croissance régulière mais n’a pas recruté suffisamment de pilotes pour compenser les départs qui se sont multipliés avec la demande grandissante de pilotes sur le marché. Ryanair a décidé, pour la saison hiver, de retirer 25 avions de sa flotte qui en compte 400, pour éviter toute mauvaise surprise. Elle a aussi annoncé renoncer à faire une offre sur Alitalia, la compagnie italienne en faillite, pour mieux se concentrer sur la remise en route de son planning de vols.

Pour séduire les passagers, Michael O’Leary annonce aussi l’attribution d’un voucher de 40 euros par trajet aux passagers dont le ou les vols ont été annulés. La compagnie estime avoir respecté les règles européennes en proposant le remboursement ou la réservation d’autres vols de substitution. Cela n’empêchera pas des conflits. L’autorité aéronautique britannique, la CAA, a ainsi envoyé une lettre à Ryanair l’accusant de n’avoir pas informé correctement les passagers de leurs droits.

Une croissance juste réduite

En acceptant “un taux de croissance plus bas, cela signifie qu’il n’y aurait plus d’annulations dues à un souci de disponibilité des équipages” a-t-elle indiqué dans un communiqué. Elle tient à éviter les couacs de début septembre, où des vols ont dû être annulé in extremis faute pour cause d’effectif trop juste. L’impact financier devrait être limité selon Ryanair. La croissance du nombre de passagers cet hiver passera de 9% à 4%. Le nombre de passagers transportés sur l’année reculera de 131 à 129 millions (année financière clôturée fin mars), soit tout de même +7,5%. La prévision sur le bénéfice net escompté ne change pas et se situe, selon Ryanair, entre 1,4 et 1,45 milliard d’euros sur l’exercice en cours. Le niveau du cours de bourse n’a pas été affecté par l’annonce.

Sur six mois la compagnie reconnaît avoir vu partir plus de 200 pilotes et copilotes. Elle annonce en recruter 650 sur les 8 prochains mois, pour remplacer les partants et soutenir la croissance du nombres d’avions. Elle compte actuellement 4.200 pilotes.

Le bras de fer avec les pilotes

Les pilotes de plusieurs bases ont profité de la crise pour inviter Ryanair à revoir sa politique contractuelle, en demandant par exemple à bénéficier de contrats conformes aux droits nationaux des pays où sont installés chacune des 86 bases de la compagnie. Les pilotes de Ryanair sont sous contrat irlandais et beaucoup travaillent sous le statut d’indépendant. La compagnie n’a pas donné suite et s’en en tient à une série de primes destinées aux pilotes prêts à renoncer à de jours de congé et à s’engager à ne pas partir avant un an, à des primes de rétention ciblées sur Dublin, Francfort, Berlin et Stansted. “Nous ne répondons pas aux demandes anonymes envoyées via des mails non signés pour des réunions de groupe ou régionales, ou à des interférences syndicales aux réunions des comités d’entreprise (ERC, employee representative councils).” Ryanair ne reconnaît pas de syndicats.

La grève du zèle annoncée le 22 septembre dernier dans la presse, qui a répondu à la fin de non-recevoir de Ryanair, ne semble avoir eu aucun effet. La presse signale l’adhésion de pilotes à des associations nationales avec l’espoir d’ouvrir des négociations. Il est difficile de mesurer l’importance de cette mobilisation. Selon le bureau d’étude CAPA, Ryanair ne pourra pas se contenter de primes pour régler la question. “La rétention des pilotes et le développement des carrières devraient nécessiter plus d’attention de la part du management et cela semble être le cas” indique une note de CAPA. “Après avoir voulu, depuis quatre ans, être plus agréable aux clients avec le programme “Always Getting Better”, le CEO Micheal O’Leary pourrait adopter une approche plus caressante avec ses pilotes.” La demande grandissante de pilotes confirmés sur le marché l’y oblige.

Pas de remise en cause du modèle low cost

Cette crise ne remettra pas en cause le modèle low cost à l’irlandaise. Il s’agit plutôt d’un ajustement douloureux. Même si Ryanair devait lâcher plus de lest, la compagnie peut absorber sans difficulté une hausse du coût du cockpit. La société d’analyse Bernstein évalue à 10 % l’augmentation des coûts opérationnels qui pourrait survenir. ” Même le doublement de cette augmentation ne devrait pas affecter la position de Ryanair de compagnie low cost la plus pingre “, estime le Financial Times. A fortiori, elle restera encore hyper compétitive face à la concurrence des compagnies régulières traditionnelles (Air France, Lufthansa) dont le coût par siège au kilomètre est au moins le double de celui de Ryanair.

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