Roularta: “L’opération génère des moyens pour développer notre stratégie”

Xavier Bouckaert, CEO de Roularta Media Group © Belga

Roularta Media Group a décidé de vendre sa participation de 50% dans Medialaan (VTM, Q2, etc.) au co-actionnaire De Persgroep et d’acquérir la moitié des actions de Mediafin (l’Echo et De Tijd) qui appartient au même De Persgroep. L’autre moitié est détenue par le Groupe Rossel.

Roularta Media Group a annoncé ce lundi par communiqué qu’elle vendait sa participation dans Medialaan (VTM, Q2, Vitaya, CAZ, Q music, JOE, Mobile Vikings, etc.) au co-actionnaire De Persgroep. Le groupe acquiert par ailleurs 50% des parts de Mediafin (qui appartiennent à De Persgroep), l’autre moitié étant détenue par le Groupe Rossel. Mediafin est l’éditeur de l’Echo et De Tijd et a réalisé un chiffre d’affaires de 56 millions d’euros et un EBITDA de 12 millions d’euros l’année dernière.

217 millions, mais “pas de folie”

L’accord conclu entre Roularta et De Persgroep aboutira à une rentrée positive d’environ 217,5 millions d’euros en faveur de Roularta.

Une somme avec laquelle “nous ne ferons pas de folie”, avertit lundi le CEO du groupe médiatique Xavier Bouckaert. “Nous verrons à l’avenir. Il surviendra sans aucun doute des opportunités qui correspondront à notre stratégie. La cession (de Medialaan) génère des moyens considérables qui nous permettront de développer notre stratégie digitale et multicanale. Nous sommes convaincus que Medialaan est en bonnes mains chez De Persgroep. Nous sommes fiers de ce partenariat réussi qui a duré 20 ans.””

Le CEO ne prévoit pas non plus de grands bouleversements au sein de Mediafin, dont il acquiert 50% des parts.

L’affaire a été conclue en quelques semaines, explique M. Bouckaert. C’est l’édification d’une régie publicitaire intégrée et une équipe “data” commune à Persgroep et Medialaan qui a mené à “d’autres perspectives”.

Le CEO de Roularta se dit heureux que Mediafin, éditeur de l’Echo et De Tijd, atterrisse dans son portefeuille. “L’impact de la révolution digitale sur le secteur des médias devient de plus en plus important. D’une part cela représente un défi important pour les entreprises de médias, d’autre part cette révolution offre des opportunités considérables pour des entreprises médias qui ont un focus très clair. Le groupe a toujours occupé une position importante dans le marché des médias locaux (Deze Week, De Zondag, Steps, Digilocal digital marketing services, la plate-forme d’e-commerce Storesquare, etc.) ainsi que dans le domaine des magazines de qualité (Knack, Le Vif, Trends-Tendances, Sport Foot Magazine, Plus Magazine, Nest, etc.). L’entrée au capital de Mediafin répond parfaitement à ce positionnement”, souligne-t-il. De Tijd et L’Echo étaient la pièce manquante de ce deuxième groupe. M. Bouckaert souligne par ailleurs que Roularta, avec Knack et Le Vif, possède déjà l’expérience d’une diffusion nationale telle que celle de L’Echo et De Tijd.

M. Bouckaert ajoute que des synergies seront “probablement” créées après l’ajout de ces deux quotidiens économiques au groupe. “Nous verrons avec Rossel (co-actionnaire de Mediafin, ndlr) et le management.”

De grands bouleversements ne sont pas à l’ordre du jour pour le CEO de Roularta. “Mediafin a bien anticipé la digitalisation (de la presse, ndlr) et se dirige dans la bonne direction. Il ne faut donc pas changer grand-chose”, explique-t-il.

M. Bouckaert prévoit que l’accord soit réglé début 2018.

La presse flamande mieux préparée à l’avenir

Avec l’accord conclu entre Roularta Media Group et De Persgroep, le paysage médiatique flamand évolue. “La presse flamande se trouve dans une meilleure position par rapport à la transition numérique que la francophone”, souligne Frédéric Antoine, professeur de communication à l’Université catholique de Louvain (UCL). Au sud du pays, “les changements sont beaucoup plus lents”.

Alors que les éditeurs de presse flamands se positionnent pour affronter l’avenir, après l’avènement du numérique, la partie francophone du pays bouge plus lentement. “Au sud du pays, le marché est plus petit et les groupes de presse sont moins puissants, plus éparpillés”, ce qui explique que “la mise en oeuvre d’une stratégie efficace est plus difficile au sud qu’au nord du pays”, selon Frédéric Antoine.

“La situation de la presse flamande est d’ailleurs meilleure, grâce aux réajustements, économies d’échelle… réalisés. A peu de choses près, il n’existe pas beaucoup de différences entre la diffusion des titres flamands avant le numérique et l’actuelle, qui couple la diffusion papier et en ligne. Alors qu’au sud, la différence est énorme.”

En Flandre, la révolution s’est mise en marche avec la fusion entre Corelio et Concentra en 2013, pour donner naissance à Mediahuis, souligne Frédéric Antoine. “Alors qu’il existait trois acteurs dans l’univers de la presse quotidienne, il n’en reste plus que deux. Du côté francophone, par contre, il en subsiste toujours trois mais on se demande dans quelle mesure ils réussiront à survivre…”

Pour le professeur en communication, l’arrivée de Roularta dans Mediafin devrait être intéressante “car le groupe possède des magazines diffusés au nord et au sud du pays. Or, au sein de Mediafin, il existe une plus grande cohésion entre les éditions francophones et néerlandophones. Roularta a de l’expérience dans ce domaine. Le groupe détient également (le magazine économique) Trends-Tendances, ce qui offre une possibilité de davantage de cohérence (…) étant donné que Mediafin (édite) une série de suppléments” du même acabit.

Par ailleurs, la vente des parts de Roularta dans Medialaan, société mère de la chaîne télévisée privée VTM, à De Persgroep, rentre aussi dans le repositionnement du groupe, selon M. Antoine.

“La présence des deux groupes (De Persgroep et Roularta, ndlr) dans Medialaan provient d’une sorte d’héritage historique”, explique Frédéric Antoine. “A l’époque, quand la télévision privée a été autorisée à émettre en Belgique, on a considéré, dans les deux communautés, qu’il fallait associer les entreprises de presse” à ce nouvel acteur, afin de compenser les pertes de revenus publicitaires qui allaient résulter de l’arrivée de ces chaînes privées. “En Flandre, on a ainsi accordé la propriété de VTM à une société regroupant toutes les entreprises de presse – sauf Corelio -, Medialaan.”

A la suite de divers rachats et regroupements, il ne restait finalement plus que De Persgroep et Roularta dans l’actionnariat de Medialaan.

“Cette participation ne convenait toutefois plus au repositionnement de Roularta, (…) débuté il y a quelques années quand le groupe a revendu tout le pôle français qu’il s’était constitué parce qu’il n’était pas assez rentable.” Le groupe médiatique voit en effet ses revenus chuter et figure parmi les groupes qui ont le plus souffert de la baisse des revenus publicitaires, relève Frédéric Antoine. Il est donc logique qu’il ait cherché à quitter “quelque chose qui ne semblait plus appartenir à son business de base”.

De Persgroep est, lui, davantage actif dans la presse quotidienne et “met la main sur tout ce qui peut lui apporter des revenus de la radio et de la télévision”, explique le professeur en communication. “Ces médias se portent moins mal que la presse écrite mais sont-ils des médias d’avenir?”, s’interroge-t-il toutefois.

L’action de Roularta bondit de 33%

L’action Roularta a par ailleurs bondi de 33% à la Bourse de Bruxelles, à près de 19 euros, à la suite de l’annonce du deal avec De Persgroep.

Les deux transactions seront rapidement soumises aux autorités belges de la concurrence.

“Mediafin reste sous contrôle d’actionnaires qui pourront continuer son développement”

Peter Bossaert, CEO de Medialaan: “Nous souhaitons remercier Roularta, notre actionnaire depuis 20 ans, pour sa confiance. Que nous devenions une filiale à 100% de De Persgroep est une étape logique en vue de s’attaquer à de nouveaux défis. Un actionnaire local bien ancré, avec un portefeuille composé de marques fortes, est un atout absolu pour Medialaan. Nous désirons construire ensemble l’avenir digital de notre entreprise.”

Christian Van Thillo, CEO De Persgroep: “De Persgroep a principalement déployé en Belgique des médias qui s’adressent à un public large. L’expansion de notre participation dans Medialaan a une grande valeur stratégique pour notre entreprise. La convergence des médias sur l’internet devient chaque jour de plus en plus importante. Nous voulons renforcer notre position sur le marché digital de manière significative afin de pouvoir rivaliser avec les géants technologiques qui dominent ce marché. La présence importante de Medialaan sur le marché ainsi que son expertise vont certainement contribuer à ce renforcement. Nous nous séparons de Mediafin que nous avons développé main dans la main avec Rossel. Ce développement a résulté en une entreprise multimédia avec des titres prestigieux et une stratégie digitale très réussie. Grâce à cette transaction, Mediafin reste sous contrôle d’actionnaires locaux de premier plan qui pourront continuer son développement.”

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