Retour des OPA : faut-il s’en réjouir ?

© Reuters

BHP/Potash, GDF Suez/International Power, Dell/3PAR… Le marché des fusions et acquisitions a fonctionné à plein régime pendant l’été, avec des opérations de grande ampleur. Ce retour en forme est-il vraiment le signe d’une reprise de l’activité économique ? Décryptage.

Paradoxal. Alors que les indices macroéconomiques, notamment outre-Atlantique, sont plutôt moroses en cette fin d’été, le marché des fusions et acquisitions s’est rarement si bien porté depuis le début de la crise. Sur les trois premières semaines d’août, elles se chiffraient à environ 198 milliards de dollars, contre 454 milliards de dollars pour l’ensemble de l’année 2009. De quoi redonner un peu de couleurs aux marchés financiers qui ont tous salué ce signe de reprise de l’activité économique.

De l’énergie aux mines en passant par la finance, le transport ou encore l’informatique, presque tous les secteurs sont concernés. Bien entendu, l’offensive de BHP Billiton sur Potash Corp pour 41,9 milliards de dollars a largement soutenu les statistiques estivales. Mais pas seulement. Et une fois n’est pas coutume, les groupes français ont largement participé à ces bons résultats. Avec le rachat d’International Power pour quelque 25,8 milliards de dollars, GDF Suez enregistre même la plus grosse opération “achevée” de l’été.

“Lors d’une crise, certains paysages industriels se recomposent, analyse Augustin Landier, professeur à la Toulouse School of Economics. A l’image de l’énergie, par exemple, qui a connu quatre opérations pendant l’été et vu ses contours se métamorphoser pendant la crise.”

Comment toutefois expliquer cette effervescence alors que les perspectives de l’économie mondiale ne sont guère rassurantes ? Les économistes notamment s’interrogent sur le scénario d’une double récession aux Etats-Unis, la Chine n’exclut plus de refroidir son économie, et les plans d’austérité menacent la croissance en Europe.

Effet d’aubaine et bas taux d’intérêt

En réalité, la période semble plutôt propice à ce type d’opérations. “Pendant la crise, les entreprises ont accumulé de la trésorerie, ont restructuré leurs bilans et présentent donc à leurs investisseurs une meilleure situation financière”, détaille Yvon Dréano, spécialiste des fusions et acquisitions au cabinet Jeantet à Paris.

Ensuite, les très faibles niveaux des taux d’intérêt sur les devises de référence a certainement joué dans la décision des grands groupes de s’attaquer à leurs concurrents. A moins d’une vague déflationniste, il n’est en effet absolument pas sûr que les entreprises puissent à l’avenir emprunter à si bon compte.

N’oublions pas non plus l’effet d’aubaine. Fragilisées et sous-valorisées en Bourse, de nombreuses entreprises se sont subitement retrouvées la proie d’OPA hostiles par leurs consoeurs renforcées. Cela a été le cas particulièrement dans les secteurs de l’assurance et de la finance. En atteste le rachat de Royal Bank of Scotland par Santander pour 2 milliards d’euros.

“Cela prouve aussi que certains secteurs ont retrouvé confiance en l’avenir”, estime Yvon Dréano. Et que le marché du crédit se porte mieux que prévu. Car, pour pouvoir procéder à ces opérations, les entreprises, aussi grosses fussent-elles, ont dû faire appel à leurs banquiers. Pour leurs clients les plus importants, les banques ont donc réussi à rouvrir le robinet du crédit. La preuve, la plupart des transactions réalisées ces derniers jours l’ont été en cash. BHP est ainsi parvenu à obtenir plus de 40 milliards de dollars par l’emprunt.

OPA en hausse : il faut rester prudent

Sur le fond, il faut cependant rester prudent. “Il n’est pas du tout sûr que ces opérations se poursuivent à l’avenir”, nuance Yvon Dréano. Les niveaux atteints cet été sont d’ailleurs encore très en deçà des moyennes d’avant-crise. En 2006 et 2007, les opérations de fusions ont atteint respectivement 3.051 et 4.002 milliards de dollars.

“Cette reprise des OPA peut aussi s’expliquer par un affaiblissement de la demande intérieure : pour exporter, les entreprises savent que la taille est un atout indéniable”, complète Augustin Landier, pour qui la reprise des opérations de fusion n’est pas toujours le signe d’une bonne santé de l’économie. Plutôt qu’un geste de confiance, les OPA peuvent être le moyen de se protéger d’un futur incertain : “Il ne faut pas oublier que les consolidations se font aussi quand les entreprises n’ont d’autres manières de croître que de manger les autres”, rappelle l’économiste.

Derrière ces mouvements de consolidation, il y a toujours la volonté de briser la concurrence et donc d’augmenter les prix. Pas vraiment souhaitable en cette période où se serrer la ceinture est devenu le quotidien des gouvernements… et surtout des consommateurs.

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

Pourquoi des OPA hostiles ?

La particularité de cette vague d’OPA estivale, c’est qu’elles sont pour la majorité hostiles. C’est-à-dire qu’elles ne sont pas recommandées par la direction de l’entreprise cible, et que l’entreprise prédatrice s’adresse directement aux actionnaires pour transiger avec eux. La vague de l’été 2010 a connu de nombreuses OPA hostiles, à l’image de BHP sur Potash. Une tendance plutôt surprenante, alors que ces opérations ont connu un coup de frein après l’explosion de la bulle Internet dans les années 2000.

“L’OPA hostile est un outil de rapprochement comme un autre, estime Augustin Landier (Toulouse School of Economics). Il ne faut donc pas en tirer de conclusions trop hâtives, si ce n’est qu’en cette période de crise, les actionnaires des entreprises les plus affaiblies sont sans doute plus remontés contre les dirigeants en place. Et donc qu’il est plus facile de les convaincre de céder leurs parts.”

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