Daan Killemaes

Qui osera briser Mark Zuckerberg ?

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

En cette ère numérique, il est très difficile de devenir un des gagnants. Par contre, il est très facile de rester un gagnant, juge le rédacteur en chef du Trends néerlandophone, Daan Killemaes.

Il n’y a plus de limites à la taille et à la valeur boursière des géants technologiques comme Amazon, Facebook, Google ou le Chinois Alibaba.

Les protagonistes américains pulvérisent record après record au Nasdaq, la bourse technologique. Les investisseurs restent bouche bée à regarder les derniers chiffres trimestriels. Jeff Bezos, le CEO d’Amazon, ou Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, n’ont qu’à cligner des yeux pour s’enrichir de quelques millions.

Une comparaison avec la bulle internet de la fin des années nonante ne fonctionne pas. Les investisseurs savent cette fois ce qu’ils font. Facebook & co sont bénéficiaires et, plus important encore, le bénéfice et la croissance du bénéfice sont une valeur sûre pour un sacré bout de temps.

Monopole

En cette ère numérique, il est très difficile de devenir un gagnant, mais il est très facile de rester un gagnant. Or, le reste d’entre nous ne tirera pas profit de cette constitution de monopoles.

Amazon & co deviennent trop grands et trop dominants pour un fonctionnement sain du marché. En un rien de temps, ils se sont révélés les monopoles du 21e siècle, qui étendent leurs tentacules à toujours plus de secteurs.

Les constructeurs automobiles de demain ? Les banques de demain ? Les distributeurs de demain ? Les opérateurs télécoms de demain ? La réponse est toujours la même : écartez-vous devant les géants technologiques. Tout le monde craint les FANG, l’acronyme pour Facebook, Amazon, Netflix et Google.

Dans l’économie numérique, un petit cercle de gagnants peut se constituer grâce aux économies d’échelle, aux effets de réseau et aux données, beaucoup de données. Les plus petites entreprises n’ont quasi plus aucune chance de bousculer ces géants de leur trône.

Celui qui contrôle les données contrôle le client, et donc le marché. Aux États-Unis, la moitié du commerce internet passe à présent par Amazon. Facebook contrôle 77% du trafic sur les médias sociaux. Et Google détient 81% du marché de la recherche sur internet.

Cette domination s’auto-renforce. La plateforme commerciale d’Amazon est par exemple devenue tellement efficace et dominante que des millions d’autres fournisseurs n’ont quasi plus d’autre choix que d’utiliser eux aussi cette plateforme pour encore générer suffisamment de ventes.

Ils font ainsi cadeau à Amazon des données stratégiques sur leurs clients. Pour survivre, ils creusent leur propre tombe. Les données sont parfois appelées le pétrole du 21e siècle, la matière première cruciale.

Celui qui contrôle les données contrôle le client, et donc le marché

Puisque les autorités américaines ont un jour brisé la domination néfaste de Standard Oil en divisant la société en sept, ne devraient-elles pas faire de même avec Amazon ou Facebook ?

Les autorités antitrust américaines ne sont pas encore enclines à répondre ‘oui’ à cette question. Amazon a ainsi récemment reçu facilement le feu vert pour l’acquisition du distributeur américain Whole Foods.

Pourquoi scinderions-nous Amazon ou Facebook ? Le consommateur a peu à se plaindre des technologies et des géants technologiques en particulier.

Brisez Amazon et les prix de pas mal de produits augmenteront. Brisez Facebook et les effets de réseau et la facilité d’utilisation seront perdus. Les technologies ont créé davantage de transparence et de concurrence des prix dans l’économie. Les technologies créent, via automatisation, innovation et rupture, une offre plus grande et des prix inférieurs. Les technologies semblent même avoir tué l’inflation.

Quel est le problème alors ? Les géants chinois sont en outre prêts à s’emparer du marché mondial si les Américains brisent leurs propres géants.

Le consommateur ne continuera pas à rire

Mais le consommateur ne va pas continuer à rire. La constitution de monopoles réduit à terme la concurrence, la destruction créative, l’innovation, la croissance économique, le pouvoir d’achat et elle augmente les inégalités. Cette tendance ne se manifeste pas seulement dans le secteur technologique. Quasi l’ensemble de l’économie de marché est en voie de contamination.

Mais qui ose ou qui est capable de créer un nouvel équilibre ? La politique de concurrence classique n’est pas appropriée à l’économie numérique. L’Europe a déjà tiré quelques coups de semonce à Google par exemple, mais organiser la concurrence est plus compliqué que d’infliger des amendes.

Il est probable que les technologies redistribueront elles-mêmes les cartes. La technologie du blockchain est par exemple à même de permettre une réappropriation des données et du réseau par les utilisateurs, ce qui réduirait à nouveau les géants de l’internet à des petits poucets.

Mais cette redistribution des cartes par les nouvelles technologies sera-t-elle autorisée par Zuckerberg ?

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